Le baroque n’a jamais autant été à la mode. D’ailleurs, tout est baroque. And baroque rocks.

Le cinéma est baroque -Eugène Green en est un extraordinaire représentant

Le chant est baroque -qui n’a entendu parler de Philippe Jaroussky?
L’orchestre est baroque -la popularité de William Christie le manifeste clairement.

Enfin, résumé de et prélude à cela, le théâtre est baroque: Benjamin Lazar s’en est fait une spécialité, ainsi qu’il l’a montré récemment, avec la reprise à l’Athénée, de sa mise en scène de ”Pyrame et Thisbé”, la fameuse pièce de Théophile de Viau

Dans le spectacle de Benjamin Lazar, tout est “baroque”: la prononciation, qui restitue les tonalités de l’ancien français, correspond à ce que l’on nomme couramment la “diction baroque”. Les jeux de lumière sont “baroques”: le clair-obscur permanent ne serait-il pas de nature à rappeler le caravagisme?

Tout est baroque. En fait, cette omniprésence d’aspects dits “baroques” ne peut que conduire à la remise en question de cette notion elle-même.
“Baroque”, et pourquoi pas “maniériste”? Panofsky avait naguère thématisé la difficile distinction entre les deux -et les visages fardés de Benjamin Lazar suggèrent autant l’art du XVIe siècle, celui d’un Bronzino, que les développements ultérieurs que la peinture a connu au XVIIe.
Enfin et surtout, plutôt que de plaquer un concept désormais passe-partout, dont les délimitations n’ont jamais, de surcroît, été claires, il y a lieu de revenir à ce qui fait vraiment la beauté de ce spectacle: tout d’abord, et de façon très simple, son souci incontestable de l’esthétique. Benjamin Lazar veut “faire beau”, et il y réussit. Cet effort peut paraître primaire, mais, après tout, pourquoi ne pas le louer quand il est présent?
En outre, Benjamin Lazar veut jouer sur la distance: c’est le but de cette mise en scène “d’époque” que de nous faire sentir l’altérité du propos. Une altérité de langue, mais aussi de style: ce à quoi nous avons affaire, c’est de la poésie. Peu importe qu’il soit baroque ou non, le texte de Théophile est magnifique et musical, il constitue en soi une mélodie. Une altérité, pour finir, de mondes: les acteurs s’adressent au public, mais il existe entre leurs deux univers, une sorte de mur, qui, quoique en verre, n’en demeure pas moins infranchissable.

Le théâtre dans le théâtre: grand thème du “baroque”. “L’Illusion comique” de Corneille en témoigne superbement. Mais après tout, grand thème de l’art, au-delà du baroque -et c’est sans doute la leçon qu’il faut tirer de ce spectacle, celle de l’art, au-delà de la fantaisie actuelle pour le “baroque”.
Allons plus loin. Il faudra, en ce cas, continuer dans l’entreprise de redécouverte de l’oeuvre de Théophile, une oeuvre dont la distance choisie par le metteur en scène élude certaines interrogations politiques: certes, Pyrame est un autre Roméo, Thisbé une autre Juliette, et leur tragédie est une histoire d’amour. Assurément, le mélange des genres, les meurtres sur scène, tout cela ressortit d’une poétique, qui, si elle s’inscrit dans un temps historique, n’en est pas moins assez transposable sans connaissance de l’époque.

Mais ce que la mise sur scène d’un tyran peut avoir de subversif, chez un auteur proche des princes de la Cour, qualifié souvent de “libertin”, ce phénomène ne peut être compris qu’en lisant, et en relisant, les Oeuvres de Théophile.

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2 Commentaires

  1. L’auteur de l’article se donne bien de la peine pour paraître ridicule. Même les petits marquis de Molière n’écrivent pas avec une telle fatuité.

  2. Un autre exemple de baroque moderne : le clip de Prince (oups pardon : The Symbol à l’époque) « Gold » : si l’on se concentre sur la façon extrêmement théâtrale avec laquelle le monsieur au clavier joue ses notes, sur l’éclairage, l’exubérance et les ralentis on ne peut plus suggestifs placés à des moments on ne peut plus choisis, on croirait voir là la danse des tritons décrites avec écla(boussures?)t par le poète de Chantilly.

    Bon, c’est peut-être une plaisanterie.

    Mais enfin.