A priori, la comparaison peut sembler vaine: la ville des poubelles et celle de Wall Street. Celle que baigne la Méditerranée et celle qu’accompagne l’Hudson. Et pourtant …
Pourtant, à Naples, un sentiment règne – le même sentiment que Graydon Carter a décrit en décrivant New York comme « a vibrant city ». Il y a bien quelque chose comme une vibration permanente en cette ville.
Le matin, quand la ville s’éveille, et ses églises, à l’heure du premier cappuccino place des Martyrs, au moment où Gucci et Prada n’ont pas encore ouvert. A l’heure où la brume ne s’est pas encore levée sur la baie, où le Vésuve demeure entouré de nuée.
Au seul moment de la journée où l’on peut voir le chef-d’oeuvre de Caravage, « Les Septs Oeuvres de Miséricorde », au Pio Monte, fermé toute l’après-midi. Pour suivre avec une expédition dans le Nord de la ville, à Capodimonte, et voir l’exposition sur le baroque, où l’on redécouvre des artistes que l’on avait crus mineurs: Stanzione, Vaccaro, des maîtres!
L’après-midi, dans les rues, à la Via dei Tribunali, et ses sanctuaires cachés, à la somptuosité contrainte par le manque d’espace dans une cité millénaire. A la recherche du chemisier de Mastroianni… Recherche du temps perdu dans une ville qui fut si importante dans les débuts de la comédie italienne.
La Via dei Tribunali, ancora. Un endroit vraiment exceptionnel, l’impression d’un mouvement – nous ne sommes pas loin de l’Université -, d’une vie. Naples compte sur les touristes, certes, mais elle n’en fait pas sa raison d’être. Elle cherche à les flouer, – certains taxis sauront de quoi il s’agit -, mais en passant.
Le soir, au San Carlo, quand des cantatrices de tout premier ordre triomphent dans « Maria Stuarda », face à un public, cruel pour l’orchestre auquel il ne décerna aucun « bravo », mais qui récompense justement une performance vocale digne de ce qu’est ce bel canto qu’on entend si peu en France, mais qui règne Piazza di Trieste, où la plupart des opéras de Donizetti ont été créés.
Le soir, dans un restaurant de quartier, où les spectateurs élégants, septuagénaires avec leur famille, leurs nièces, viennent se retrouver entre eux et que l’on discute des mérites comparés d’Elisabeth d’Angleterre et de Marie d’Ecosse, en voyant le patron découper la mozzarella.
La nuit, dans la Galleria, les enfants jouent au football. Le jeu pour le passant : éviter la balle. Les sacs à dos font les buts, il est minuit bientôt… Et la ville continue sa vie, ne se couche pas, continue encore, du musée d’art contemporain récemment ouvert au frémissement des bars noctambules, en passant par la partie de foot nocturne au milieu du XIXe siècle.
« A vibrant city », n’est-ce pas? Et une vibration qui fait tant penser à certains aspects de New York: l’absence de lissé que l’on trouve dans le Lower East Side. Le danger évoqué, et mesuré.
La vie, l’art, le jeu.
Je ne connais pas encore New-York mais j’en rêve. D’autant plus après la lecture de votre texte, car je partage votre sentiment de Naples. La seule ville que j’ai rencontré avec une cette densité palpable, ce que vous appelez joliment « a vibrant city ».
Cela m’avait d’autant plus frappé que je sui originaire de Bordeaux, ville classique, toute faite de lumière où le sentiment qui domine est plutôt de celui de la légèreté.