Pensant le plus grand bien de vous-même, vous voulez faire de la politique à partir de rien d’autre que votre ego sans limite ? Sans la moindre conviction, le moindre idéal, la moindre idée du bien public ? Vous voulez devenir chef d’État en six mois, pour le « fun » ?

Très, très facile. Juste ce léger préalable : gagnez vite fait quelques milliards de dollars sur le dos d’un pays voisin en déconfiture sans trop regarder à la méthode ni vous embarrasser du droit, qui vous permettront, l’heure venue, quand votre propre pays plonge à son tour, de jouer, pour commencer, au philanthrope, de régler, pour continuer, les fins de mois difficiles des services publics « utiles » (police, armée, hauts fonctionnaires), de vous payer, dans la foulée, un parti politique flambant neuf et, enfin, d’acheter vos électeurs par millions, tout en promettant à vos concitoyens et futurs sujets que, votre fortune patriotique étant la leur, ils auront demain le gaz et l’électricité gratuits, les études des gosses payées sur votre cassette.

Choisissez de préférence, ai-je dit, un petit pays (votre matelas de dollars, pour considérable qu’il soit, ne vous permet pas encore de vous offrir la Chine). Et, aurait-il envahi un bout de votre territoire quelques années plus tôt, mettez-vous sous l’ombrelle protectrice du grand pays voisin où vous aviez fait vos petites affaires, pays fortement armé, afin, n’est-ce pas, que les choses soient bien claires pour tout le monde (Avis aux amateurs !)
Pour les élections proprement dites, pure formalité, qui vous propulseront d’une pichenette au pouvoir, faites venir directement d’Amérique une armée de conseillers américains en communication, organisez des meetings monstres avec light show et super-stars du rock, et déversez entre deux hits de deux cents décibels une tonne et demie de promesses démagogiques.
Vous avez compris, tout est O.K ? À vous de jouer.

J’oubliais une chose. Pour bien prouver urbi et orbi à qui en douterait que vous êtes le meilleur, le plus fort, le plus grand, n’oubliez pas de faire construire sur la plus haute colline au-dessus de la capitale – cette courtisane, toute énamourée, vous serait-elle acquise un palais privé de belles dimensions et aux allures de forteresse, où vous entreposerez le Picasso le plus cher au monde et quelques babioles du même genre, l’ensemble sous la garde de cerbères pas vraiment débonnaires qui n’ont pas encore tous lu Proust dans le texte.
Tout milliardaire que vous soyez, n’en soyez pas moins prévoyant. Autant savoir d’avance, autant que faire se peut, combien cette petite aventure marrante de s’emparer des rênes d’un pays pour le « fun » va tout de même vous coûter. Faisons les comptes. Combien, l’addition pour vous-même ? Oh, une broutille pour votre fortune, estimée par les Américains à plus de six milliards de bons et honnêtes dollars. Vous avez, dites-vous, dépensé la bagatelle de 1, 6 milliard pour « sauver » le pays (gonfler les chiffres, invérifiables, n’est pas un crime). Pour les élections, l’addition, de votre propre aveu, se monte à 250, 300 millions de dollars. Pas de quoi fouetter un chat. Soit, pour votre pays de 4, 5 millions d’habitants et de trois millions d’électeurs, 100 dollars par tête. A ce tarif-la, même notre Bernard Arnault national (façon belge de parler) pourrait difficilement s’offrir les quarante cinq millions d’inscrits français. Vous si. De l’avantage des petits pays. Ca coûte, certes, mais pas la peau des fesses. Ca reste  abordable, les petits pays.

Où avais-je la tête ! J’ai oublié de vous indiquer le petit pays en question où vous prendrez modèle. Fi de Berlusconi ce ringard à partouzes. Votre modèle désormais s’appelle Bidzina Ivanichvili et son terrain de jeux la Géorgie.

Allez, faites comme lui, faites comme Bidzina, marrez-vous. Choisissez une nouvelle Géorgie sur la carte des pays en difficulté, ou, mieux encore, en faillite. La politique, c’est fric et fun, c’est du poker. La démocratie, c’est le carnet de chèque. Les peuples, c’est comme de la lessive, ça s’achète au kilo.  Et après vous, le déluge !