Peut-être est-il nécessaire de commencer par rappeler qu’aucune religion ne se réduit à sa version fondamentaliste. Il faudrait être d’une totale mauvaise foi, si l’on peut dire, pour juger le catholicisme contemporain à l’aune des ultra-traditionalistes tels que la Fraternité sacerdotale Saint Pie X, les lefebvristes et autres intégristes qui se sont fait remarquer lors des mobilisations contre le mariage pour tous. De même ne peut-on tirer un trait d’égalité entre l’ensemble des musulmans et la fraction des adeptes de l’islam politique, c’est-à-dire les islamistes. L’islamisme est l’expression d’un islam radical qui prétend, en appliquant la charia, régenter la société, les mœurs, la vie quotidienne des hommes et des femmes – surtout des femmes d’ailleurs. Il se décline en différentes variantes, allant des Frères musulmans ou des wahabites saoudiens à Daech ou bien, côté chiite, aux mollah iraniens.

Les stratèges de l’islamisme tentent depuis des années, en gros depuis la prise de pouvoir en Iran par Khomeini, de prendre en otage l’ensemble des musulmans à l’aide d’une méthode perverse : ils dénoncent comme «islamophobe» l’opposition à leur idéologie politico-religieuse, à leur volonté de mettre la société sous leur emprise fondamentaliste. On ne détaillera pas ici les conséquences désastreuses (pour les femmes, les homosexuels, les athées, les minorités religieuses, les penseurs libéraux, les esprits indépendants, les musulmans non-extrémistes…) de cette emprise là où elle s’exerce, que ce soit à l’échelle d’un pays entier ou, dans le monde occidental, de quartiers. Il suffit de savoir comment ça se passe en Arabie saoudite, au Soudan, à Gaza, au Pakistan ou dans les territoires sous contrôle de Daech… Ici, il faut attentivement observer ce qu’assènent les prêcheurs salafistes et les sites de la mouvance dont ils sont proches.

En ce qui concerne les premiers, on en a eu tout récemment un parfait et sinistre exemple avec les imams qui étaient sur la tribune du «Salon musulman du Val d’Oise», les 12 et 13 septembre, salon que nous avions été quelques-uns à dénoncer avant sa tenue comme étant en réalité un salon misogyne du fondamentalisme musulman – et que les Femen sont allées contester en acte à leur façon habituelle. On trouve facilement sur le Net des dizaines et des dizaines de vidéos de ceux des imams qui avaient été invités à prêcher la bonne parole obscurantiste et sexiste à ce salon, à l’instar d’un certain Eric Younous qui débat doctement des modes d’application de la polygamie. Quant aux sites, il en est un, Halalbook, qui, tout en se présentant innocemment comme «le réseau social des musulmans», est en réalité une machine à inoculer auprès des quelque 120 000 personnes qui le «likent» un sentiment paranoïaque de stigmatisation et de victimisation. La méthode est simple : inlassablement distiller, entre sourates et dénonciations d’Israël, une délirante désinformation conspirationniste. Après les attentats jihadistes de janvier, il n’a ainsi pas hésité à relayer les théories immondes tendant à faire croire que les véritables coupables étaient à rechercher en très haut lieu, là où l’on s’ingénierait secrètement à nuire aux musulmans par les pires moyens souterrains. La thèse est toujours la même : les tueurs ne seraient en fait que des marionnettes actionnées par des services secrets dont le but serait de discréditer la religion musulmane et ses fidèles.

Pour accéder aux captures d’écran des articles conspirationnistes de Halalbook, cliquez ici:

Image 1 – Image 2 – Image 3Image 4

 

Halalbook prend toute sa place au sein de ce que l’on appelle la complosphère, dont chacun sait qu’elle est principalement alimentée, du moins en France, par les milieux de l’extrême droite classique. Cette dernière a beau concentrer son offensive contre une fantasmatique invasion de la France par les musulmans, elle n’en trouve pas moins un allié contre la démocratie qu’elle exècre parmi une frange de la population musulmane dont les islamistes ont fait leur cœur de cible idéologique. On pourrait s’attendre à ce qu’un site comme Halalbook soit vertement dénoncé et combattu par ceux qui s’érigent en défenseurs des croyants en Allah. On cherche en vain, hélas, ne serait-ce qu’un désaveu. Bien au contraire : Marwan Muhammad, qui fut jusqu’en juin 2014 le porte-parole du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et qui assistait encore récemment au dernier dîner de cette association, n’hésite pas à relayer les élucubrations mensongères et particulièrement dangereuses de Halalbook, qui vient notamment d’engager une nouvelle campagne contre Charlie Hebdo. Le «réseau social des musulmans» s’est bruyamment horrifié des «scandaleuses caricatures» publiées dans l’édition du 12 septembre de ce qu’il qualifie de «torchon». Stupidité abyssale ou interprétation cyniquement fallacieuse, toujours est-il que Halalbook, qui réclame par ailleurs qu’on accueille les réfugiés, s’en prend violemment à des dessins pointant justement l’incapacité de l’Europe à se montrer à la hauteur de la tragédie en cours. Les dessinateurs de l’hebdomadaire satirique feraient subir une «énième humiliation» (il n’est pas précisé à qui, le lecteur complètera aisément de lui-même…).

Pour accéder captures d’écran des articles de Halalbook à propos des caricatures de Charlie Hebdo, cliquez ici:

Image 1Image 2 – Image 3Image 4

 

Et voilà que l’ex-figure de proue du CCIF embraie aussi sec et se lance à son tour à l’attaque sur son mur Facebook. Lui aussi prétend que Charlie Hebdo «rit de la mort des enfants réfugiés», poussant jusqu’à établir un parallèle grossièrement tronqué avec ceux qui ont ri des assassinats au journal, et laissant clairement entendre qu’il y aurait deux poids, deux mesures : il serait loisible de ricaner de la mort des enfants réfugiés alors qu’on stigmatiserait comme apologie de terrorisme les rires après le massacre de Charlie. Son post a déclenché une avalanche de commentaires insupportables où les menaces contre «l’hebdo de merde» le disputent à l’antisémitisme. Marwan Muhammad a-t-il rappelé à l’ordre les auteurs de ces ignominies ? Pas une seule fois. Ce serait ça, «la lutte contre l’islamophobie»?

Pour accéder aux captures d’écran du profil Facebook de Marwan Muhammad, cliquez ici:

Image 1Image 2Image 3Image 4

 

Halalbook et Marwan Muhammad attisent la haine. Ils tentent de dresser les musulmans contre un monde dépeint comme «islamophobe», de les utiliser comme masse de manœuvre dans une lutte qui n’est en rien la défense de leurs droits : il s’agit en réalité de les déboussoler à coups de mensonges et d’intoxications conspirationnistes. Une telle propagande n’aboutit qu’à grossir les bataillons de l’islam radical, perçu par un nombre croissant de jeunes comme seul à même de restituer aux musulmans la dignité que piétinerait la France. Au lieu de rassurer les fidèles en relevant, par exemple, les nombreuses mesures prises par le gouvernement pour assurer la sécurité des mosquées, ou en soulignant les poursuites judiciaires engagées à la suite d’actes hostiles à la communauté musulmane, ou encore en rappelant les multiples déclarations officielles réaffirmant que les musulmans ont toute leur place en France, certains préfèrent jouer les pousse-au-crime.

Halalbook était l’un des sponsors du fameux «Salon musulman» de Pontoise. Marwan Muhammad occupe aujourd’hui, à en croire Wikipédia, les fonctions de «conseiller spécial auprès de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe), chargé des questions d’islamophobie dans les 57 pays membres». Il y a de quoi s’inquiéter pour la communauté musulmane, et donc pour l’ensemble de la société française, si de tels hérauts sont censés s’exprimer en son nom. 

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Capture d'écran faite le 12 septembre 2015
Capture d’écran faite le 12 septembre 2015
Capture d'écran faite le 12 septembre 2015
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Capture d'écran faite le 15 septembre 2015
Capture d’écran faite le 15 septembre 2015
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Capture d’écran faite le 15 septembre 2015
Capture d'écran faite le 15 septembre 2015
Capture d’écran faite le 15 septembre 2015

 

Un commentaire

  1. «La cohérence idéologique est mise à mal par la difficulté de ses impératifs à se montrer catégoriques. Prenez la question des réfugiés. La continuité des lignes Merkel-Medef en faveur de leur régularisation n’a pas fait bouger une oreille à la gauche radicale.
    — Vous avez vu ça? aujourd’hui, c’est l’ultradroite qui voit rouge et dénonce l’établissement d’une forme d’esclavage moderne.
    — C’est ce qui arrive lorsque l’esprit d’antisystème se globalise. Les alliances ne peuvent alors se contracter qu’avec un ennemi secondaire en vue de faire converger les efforts de guerre vers un ennemi prioritaire. Dorénavant, chacun est condamné à se battre sur plusieurs fronts en même temps, le challenge consistant à ne jamais tirer contre son camp.
    — C’est comme Bachar le Béchir. On le somme de dégager en raison de ses crimes, oubliant juste que la stature de tyran qu’il s’est forgée sur le dos de son peuple a rendu sa statue indéboulonnable.
    — Détrompez-vous. Tout boulon ayant été serré doit pouvoir être desserré.
    — Vous semblez oublier ceci : Seul un régime totalitaire peut contenir la barbarie du djihadisme armé / Aucun régime démocratique ne céderait pas aux instruments de torture du Saint-Office de l’Oumma. Dans tous les cas, la démocratie est le dindon de la farce panarabislamique.
    — Attendez! qu’est-ce que vous faites de l’ours russe qui avait peur des chattes?
    — Il a raison… que peuvent bien trafiquer au Kremlin les marionnettistes d’Allah?
    — Honnêtement, peu importe le sort que l’extrême droite réserve au choc conditionnellement fantasmatique du pot de fer chrétien et du pot de cuivre musulman, les cavaliers de l’Apocalypse oxydée auraient tort de bouder un allié théorique ayant pour autre mérite de présenter les qualités d’un Adversaire coranique assumé.
    — Aux abords d’un face-à-face absorbant, la solution paraît simple : 1) ne rentrer dans le jeu ni de l’un ni de l’autre; 1 bis) nier une guerre de conquête qui, en réalité, n’est que l’émulsion de deux projections narcissiques non miscibles.
    — Sauf que la dénégation d’une puissance offensive nous prive de l’identifier, d’en évaluer les potentialités, d’élaborer une contre-attaque adaptée.
    — Prenons-la donc pour ce qu’elle est, sans lui accorder autant d’importance qu’elle aimerait en grignoter en chacun de nous.
    — Qui ça, nous?
    — Vous savez… cette somme de je qui est son Autre… l’Adversaire de l’Adversaire de l’Adversaire de l’Adversaire.
    — Pourquoi pas. Tandis qu’elle se démène à instaurer un contre-état de paix se répandant à la vitesse d’une flaque de sang, montrons-nous capables de lui cautériser un idéal de paix alternatif…
    — Spoliable à souhait!
    — Un idéal incoercible.
    — Incoercible au sens où l’est l’incertitude permanente.
    — Cet idéal qu’on avait bien cru mort, le 7 janvier dernier.»