Parmi ses qualités, Bernard-Henri Lévy possède celle d’être un révélateur de salopards. Sans doute l’a-t-il en partage avec les autres Juifs, cette vieille tribu à laquelle l’Eternel a confié la mission de dire la Loi aux humains, charge pour laquelle le peuple juif se serait sans doute volontiers passé d’être élu puisqu’elle lui vaut une haine constante, matérialisée au fil des siècles de bûchers en massacres et de pogroms en génocide. Mais voilà, c’est ainsi, qu’ils croient ou non en Dieu, nombre de Juifs se consacrent à défendre les droits fondamentaux et universels qui devraient régir les relations entre humains. BHL se mêle ainsi partout de ce qui ne le regarde pas mais que lui regarde. Et quand parfois il n’a pas vu l’une des ignominies qui endeuillent le monde, il n’est pas rare que les victimes viennent le chercher pour solliciter son aide. Il est donc logique que la coalition des ordures et des imbéciles communie dans cette passion mauvaise qui fait bander les angoissés du phallus, cette passion seconde, seconde car logée dans l’antisémitisme premier, qu’est la détestation violente de l’auteur de La Pureté dangereuse.

Samedi 30 mai en fin de journée on apprenait que deux sales types s’en étaient pris à Bernard-Henri Lévy. L’un est Poutine, qui l’a mis sur une liste de personnalités européennes – comprenant également Daniel Cohn-Bendit – désormais interdites de séjour en Russie. L’homme fort de Moscou, qui n’hésite plus à associer Staline au tsarisme pour nourrir ses fantasmes ultra-nationalistes, rend ainsi indirectement un bel hommage, celui du vice à la vertu, au directeur de La Règle du jeu. Lequel n’a en effet pas ménagé ses efforts en faveur de la révolution démocratique en Ukraine, dénonçant sans relâche les manœuvres, grandes et petites, publiques et souterraines, militaires et financières, mises en œuvre par l’idole moscovite de l’extrême droite pour annihiler le choix de Kiev de se rapprocher des démocraties occidentales. En ciblant BHL, le maître du Kremlin entend certainement s’assurer de l’approbation de la fachosphère européenne, petit monde de l’abjection alimentant son expansion à travers le conspirationnisme qui voit derrière les luttes pour la démocratie et les droits de l’homme la main crochue des «sionistes» et de leur vassal américain.

L’autre sale type est le bouffon belge nommé Noël Godin. Accompagné d’une petite vingtaine de ses complices en veulerie, il a réédité son acte de gloriole consistant à balancer une tarte à la crème au visage de Bernard-Henri Lévy, venu à Namur pour débattre à l’église Saint-Loup avec le grand artiste Jan Fabre. Le philosophe avait été invité par le metteur en scène, plasticien et poète anversois à une discussion publique sur «l’esprit baudelairien» dont il se réclame et qui relierait son propre travail à l’art de Félicien Rops. A en croire les déclarations de Godin, il s’agissait pour lui d’affirmer sa solidarité avec… Siné. Bizarre ? Pas le moins du monde. On se souvient que le dessinateur s’était fait virer de Charlie Hebdo en 2008 pour une chronique aux insupportables relents d’ «antisémitisme à la française» (texte qualifié à l’époque par le signataire de ces lignes, dans une tribune publiée par le Monde, de «déclaration antisémite dans sa plus grande banalité»). Lors de la polémique qui avait suivi l’éviction de Siné, BHL s’était évidemment rangé aux côtés des intellectuels, artistes et politiques qui soutenaient Philippe Val dans sa décision de licencier le dessinateur. L’un des arguments avancés par ses défenseurs était qu’il n’était pas un antisémite mais juste un «provocateur». Lamentable argument, le même qu’une certaine gauche se voulant radicale a avancé durant des années pour se refuser à condamner Dieudonné. Bref, l’histrion Godin s’est voulu vengeur et parangon de rebellitude en cherchant à humilier Lévy le maudit.

Quels rires déclenchent les Noël Godin ? Les rires gras plébéiens, comme ceux auxquels s’abandonnaient les badauds, à Vienne en 1938, regardant des Juifs obligés par les hitlériens de nettoyer avec des brosses à dents les inscriptions anti-nazies sur les trottoirs. Ce sont ces mêmes rires, ou plutôt ces ricanements qu’aimaient déclencher avant guerre les Camelots du Roi jouant sur l’esprit «parigot» pour emporter l’adhésion de la rue à leurs canailleries antisémites. On va leur rabattre leur caquet à ces lopettes de youpins, pas vrai les gars ? Vas-y, petit Godin, montre que t’es avec le peuple, souille une fois de plus le visage du Juif, fais marrer tes potes, vous êtes pas des gonzesses genre prise de tête, hein ? C’est bien toi d’ailleurs qui a signé un film intitulé «Prout prout tralala». Toute ton audace est dans ce titre : la grossièreté rigolarde. Dans la même veine délicate, tu assénais crânement : «Je ne crois que dans l’insurrection, le débordement alcoolique et le foutre.»

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Tweet de Frédéric Chatillon, proche de Marine Le Pen et soutien de Bachar al-Assad.

On te la fait pas, t’es un malin. La preuve, tu ne te laisses pas avoir par «notre démocratie à la noix de coco qui est une autre forme de despotisme», comme tu disais dans une interview à la télé. Sais-tu, petit Godin, qu’on t’apprécie beaucoup à l’extrême droite ? Ben oui, tu es comme les fachos qui gerbent sur le «système» qui ferait de nous des moutons. Et comme eux tu exècres BHL. Tout ça te fait aussi plein d’amis à l’extrême gauche, celle qui voit en Israël la source de tous les malheurs du monde, et qui vomit les sionistes. «Faire vivre les crapules dans la peur, c’est magnifique», as-tu proclamé, t’imaginant en authentique justicier. C’est qui les crapules que tu veux terroriser ? Les Le Pen ? Les jihadistes ? Les skinheads ? Faurisson ? Le nazi Soral ? Les génocidaires hutus planqués en France ? Mais non bien sûr, au fil de tes interviews tu déclares ta vindicte à l’encontre de Patrick Val, Richard Malka, Bernard Kouchner, du Pape et, encore et encore, de Bernard-Henri Lévy.

Question balancer une tarte, quelqu’un t’a précédé. Mais de quelle façon, et avec quel panache, et pour une cause si loin des tiennes ! Quelqu’un qui n’a rien à voir avec l’anarcho-beauferie dont tu es un si éminent représentant. C’est une femme qui s’appelle Beate Klarsfeld, et c’était en 1968. Elle a flanqué une baffe magistrale à Kurt Kiesinger, l’ancien dignitaire nazi devenu tranquillement chancelier de RFA. Elle voulait dénoncer cette ignominie qu’était le fait qu’un responsable de l’extermination des Juifs d’Europe – une vraie de vrai crapule cette fois –  ait pu accéder vingt-cinq ans plus tard au plus haut niveau de responsabilité dans une Allemagne alors incapable d’extirper de ses rouages politiques les anciens chefs et petits-chefs hitlériens. Je vous entends déjà, toi et tes semblables : «Faut toujours qu’ils fassent chier avec leurs histoires de Juifs…» Mais oui, petit Godin, puisqu’il faut bien vous combattre, minables auxiliaires de l’antisémitisme – salopards.

2 Commentaires

  1. Jeannette, la grand-mère de Noël Godin, était domestique dans une riche famille de diamantaires d’où l’antisémitisme viscéral de son petit-fils.
    Idem pour Vladimir Poutin, dont le grand-père Spiridon, cuisinait les petits plats de l’antijuif Staline…

  2. J’aurais tant aimé avoir écrit cet article. Mais je n’aurais pas su le faire aussi bien. Bravo !