J’ai tout de suite aimé la proposition de Ghislaine Gouby. D’abord parce que j’aime la situation théâtrale, un endroit où il est possible de dire quelque chose et où les gens viennent précisément pour entendre. La scène est un endroit où on est responsable de l’écoute de ceux qui sont assis devant nous. A celui qui s’y trouve de se débrouiller pour que l’autre entende quelque chose. Mais je ne souhaitais pas, car je n’en ai pas les compétences, me substituer à un travail de programmatrice tel qu’aurait pu le faire Ghislaine, dont c’est le métier, et qui le connaît bien mieux que moi, je n’en voyais pas l’intérêt. Dans un premier temps, je me suis dit que je pouvais inviter des gens pour qui il est essentiel de faire de la scène, danseurs, acteurs, musiciens, mais qui, pour diverses raisons, s’en trouvent éloignés, et qui joueraient là une étape importante. Et puis je me suis rendue compte que ça non plus ce n’était pas un métier que je connaissais, répondre à des artistes, les stabiliser, les encourager, en tout cas certainement pas au moment où moi-même je sortais un livre, la publication de Une semaine de vacances étant intervenue entre l’invitation de Ghislaine avec ma première intention et aujourd’hui, c’était encore de la programmation, je ne pouvais pas faire ça, en tout cas pas à ce moment-là, même si c’était un peu décalé du schéma habituel, c’était tout de même un autre métier. Nous avons alors décidé Ghislaine et moi de reporter le travail avec les artistes en question à une prochaine saison, sous sa responsabilité, et pour certains j’interviendrais dans le processus de création, je participe à l’écriture notamment du projet musical, les musiciens sont en train de travailler, le choix des chanteurs n’est pas arrêté, le projet est en cours. En m’éloignant de mes intentions de départ, finalement trop proches de l’idée classique qu’on se fait de l’utilisation d’une scène de théâtre, je me suis donc peu à peu rapprochée de ce qui pour moi est l’essentiel, et j’ai compris que c’était finalement ce pourquoi Ghislaine Goubly s’était adressée à moi, pour non pas montrer des choses, des scènes, des gens, mais trouver un écrin pour entendre, faire entendre, écouter, poser des questions, présenter, dire, comprendre.

Je suis fière, par exemple, que, dans la personne de Jacques-Alain Miller, qui consacre sa vie à l’édition des écrits de Lacan, la psychanalyse puisse se retrouver sur la scène, lieu qui l’accueille rarement. On pourra lui poser toutes les questions qu’on voudra sur Lacan, sur « il n’y a pas de rapport sexuel », sur la psychanalyse en général, sur tout ce qui viendra, et lui bien sûr parlera, ce sera le samedi, juste après, une actrice lui succèdera, Norah Krief, qui est en ce moment la Célimène de Jean-François Sivadier qui monte Le Misanthrope, elle sera sur la scène de l’Odéon tout le mois de juin, ils sont pour l’instant en tournée, elle viendra à Toulouse juste après avoir joué à Valence, elle aura choisi le texte qu’elle lira, ce sera la dernière soirée. On aura commencé le jeudi par des questions, celles qu’aura envie de me poser Laure Adler, grande passionnée de théâtre. Depuis plus de quinze ans que je fais des lectures sur scène, j’ai beaucoup de chance d’avoir l’aide et le regard d’Alain Françon, un des très grands metteurs en scène d’aujourd’hui, à la fois classique et radical, dont la seule préoccupation, à l’exception de toute autre, est de se centrer sur ce que dit le texte, il cherche les meilleurs moyens de l’écoute, très loin de la seule obsession du spectacle et des images. Le film de Guy Debord, auteur de La Société du spectacle, qui sera diffusé dimanche, In girum imus nocte et consumitur igni, correspond à la même profession de foi. Faire comprendre que le théâtre ce n’est pas seulement le spectacle, on peut être sur scène et ne pas se montrer.

Je regrette si j’ai induit les Toulousains en erreur avec ma phrase un peu emphatique inscrite dans le programme à propos des gens qui viendraient sur scène comme si ça devait être la dernière fois. Il n’est pas question de se montrer sur scène ni pour la première ni pour la dernière fois, mais d’éloigner le théâtre du réflexe du spectacle pour se concentrer sur la découverte de ce que certains essaient de dire, dans des livres, dans des interviews, dans des conférences, et de transporter ça sur une scène, lieu ordinairement destiné à montrer. De la même façon je suis heureuse de la programmation des films qui mettent en scène des écrivains, car là aussi le cinéma sert à autre chose, le film où Dominique Rolin et Philippe Sollers se parlent, écoutent de la musique ensemble est magnifique, c’est ce film qui m’a donné l’idée de diffuser ou rediffuser les autres, dans lesquels la question du scénario ne viendrait à l’idée de personne, il s’agit de tout autre chose.

Le moment du brunch, avec Camille Laurens, Tiphaine Samoyault et Rachid O., trois amis écrivains qui viennent de sortir des livres tous les trois extrêmement intéressants, sera j’espère un moment d’amitié avec le public, en clôture de la semaine et avant la série des films.

Christine Angot

En avril, pendant une semaine, Christine Angot détiendra les rênes du Théâtre Sorano !

Avec Christine Angot, Laure Adler, Jacques-Alain Miller, Camille Laurens, Rachid O. et Typhaine Samoyault.

En complicité avec Le Marathon des Mots, France Culture et Ombres Blanches.

Programmation

Jeudi 18 avril à 20h : Conversation avec Laure Adler / gratuit
Vendredi 19 avril à 20h : Christine Angot dira La Lettre au père de Kafka et Une semaine de vacances, mis en scène par Alain Françon / 5 euros
Samedi 20 avril à 19h : Rencontre avec Jacques-Alain Miller / gratuit
Samedi 20 avril à 21h : Norah Krief lit Les Petits de Christine Angot / gratuit
Dimanche 21 avril à 12h : Brunch des auteurs avec Camille Laurens, Rachid O. et Typhaine Samoyault, suivi d’une projection de films parmi lesquels, Ecrire de Benoit Jacquot, Dominique Rolin – Philippe Sollers de Laurène L’Allinec / 5 euros avec café-croissant

 

Repères biographiques

Rachel Schwartz, sa mère, est née à Châteauroux en 31, elle y rencontre Pierre Angot en 58, venu travailler comme traducteur à la base américaine de la Martinerie. Il la prévient qu’il ne l’épousera pas mais ils décident d’avoir un enfant, il rentre à Paris à la fin de son contrat et avant la naissance de Christine, qui est déclarée en 59 à la mairie de Châteauroux, sous le nom de Christine Schwartz. En 72, la loi sur la filiation permet aux enfants naturels d’être reconnus a posteriori par leur père, sous réserve de l’accord de la famille légitime. Rachel Schwartz informe Pierre Angot de l’existence de cette loi, il accepte de reconnaître Christine et sa femme donne son accord. Pour l’état civil, elle devient alors Christine Angot. La mère et la fille déménagent à Reims. Elle va à l’école Notre-Dame, elle passe son bac, elle fait des études en droit à l’Université, elle obtient un DEA de Droit International Public, puis une bourse pour étudier au Collège d’Europe à Bruges. Entretemps elle a commencé à écrire. Elle quitte Bruges au milieu de l’année. Pendant six ans, les manuscrits qu’elle envoie aux éditeurs lui sont retournés. Vu du ciel est finalement publié en 90 dans la collection L’Arpenteur chez Gallimard. Deux autres livres suivent, passent inaperçus. Son quatrième roman, Interview, est refusé. Le rapport de lecture dit avoir été choqué par Léonore, toujours, et affirme qu’elle est dangereuse pour son entourage. Elle avait quitté Bruges pour Nice, sa fille y est née, puis Nice pour Montpellier, de nouveau elle cherche un éditeur, affronte de nouveau les refus, jusqu’à ce que Jean-Marc Roberts publie Interview chez Fayard en 1995. Le succès arrive en 99 avec L’Inceste. En 2000 elle s’installe à Paris. Elle écrit Pourquoi le Brésil ? puis Les Désaxés chez Stock, toujours avec Jean-Marc Roberts, qu’elle quitte en 2006 pour rejoindre Teresa Cremisi chez Flammarion où elle publie Rendez-vous. En 2007, Andrew Wylie lui propose de devenir son agent, elle signe alors au Seuil en 2008 pour Le Marché des amants, avant de retrouver Teresa Cremisi chez Flammarion pour Les Petits en 2011, puis Une Semaine de vacances en 2012.

Informations complémentaires

Théâtre Sorano

35 Allée Jules Guesde, 31000 Toulouse

Renseignements au 05.81.917.919

Bus n°1 arrêt jardin royal, bus n°24 arrêt Ozenne Métro Carmes ou Palais de Justice (ligne B)

Tarifs gratuit / 5 euros

Horaires : jeudi et vendredi à 20h, samedi à 19h et 21h, dimanche à 12h

www.sorano-julesjulien.toulouse.fr

Relations presse : karine.chapert@mairie-toulouse.fr / 05 81 917 906