Dans un communiqué scandaleux diffusé le 3 mars, l’association « liberté pour l’histoire », ou plutôt « Liberté pour les négationnistes » devrait-on dire, vient de franchir un cap dans la provocation. Se félicitant de la décision du Conseil constitutionnel d’invalider la loi Boyer, qui devait pénaliser la « contestation outrancière » du génocide arménien, le groupe de Pierre Nora reprend à son propre compte la rhétorique négationniste de l’Etat turc en préconisant une commission d’historiens sur le sujet. A l’instar d’Ahmadinejad, qui en réclame une sur la Shoah.Cette demande constitue le stratagème le plus pernicieux de l’arsenal propagandiste d’Ankara à propos des événements de 1915. Elle vise à semer le doute en faisant croire à l’opinion que la lumière n’est pas faite sur cette entreprise d’extermination. Elle foule ainsi aux pieds le travail de centaines d’historiens de toutes nationalités qui écrivent depuis des dizaines d’années sur la question. Son but : dresser un nouvel obstacle devant la reconnaissance internationale du génocide et entraver la montée en puissance de sa condamnation politique avant 2015, date du centième anniversaire.Conséquence logique de cette fourberie : le génocide n’est plus un génocide et devient ainsi dans ce communiqué de l’association de Nora un simple « massacre ». Enfin, cerise sur le gâteau, l’association demande que la « commission d’historiens » qu’elle appelle de ses voeux soit placée sous l’égide de l’UNESCO. La même UNESCO qui, témoignant d’une forte sensibilité à l’influence de l’axe Ankara-Bakou, avait censuré le 15 juin dernier une exposition à Paris sur les fameuses Croix de pierre arméniennes médiévales détruites en masse par l’armée azerbaïdjanaise.La boucle est ainsi bouclée et Pierre Nora s’affiche désormais ouvertement comme l’un des principaux serviteurs du négationnisme sournois du génocide arménien sur le territoire français. Pendant ce temps les historiens turcs honnêtes sont muselés, l’article 301 du Code pénal fait peser une menace sur ceux qui reconnaissent les faits et Ragip Zarakolu, éditeur à Istanbul des livres sur cette entreprise d’extermination croupit en prison depuis octobre 2011, sans que jamais l’association de Nora n’ait dit un mot pour sa défense. Vous avez dit liberté ?Ara Toranian

Communiqué de l’association Liberté pour l’histoire

Le conseil d’administration de l’association Liberté pour l’histoire, réuni le 29 février 2012 sous la présidence de M. Pierre Nora se félicite de la décision du Conseil constitutionnel jugeant contraire à la Constitution « la loi visant à réprimer la contestation de l’existence de génocides reconnus par la loi ». Il a pris acte de ce que, en France, il ne revient pas au Parlement de légiférer sur l’histoire.Liberté pour l’histoire saisit cette occasion pour redire la nécessité urgente d’engager le gouvernement turc à favoriser la mise en place d’une commission internationale d’historiens, sous l’égide, par exemple, de l’UNESCO, chargée faire, dans des conditions scientifiques, toute la lumière sur les tragiques événements de 1915 et le massacre des Arméniens. En toute liberté pour l’histoire.Conseil d’administration de l’association Liberté pour l’histoire le 3 mars

4 Commentaires

  1. Merci à Bernard-Henri Levy d’avoir publié cet article de M. Toranian (et au Huffington Post US d’avoir publié l’excellent article de M. Levy). A lire tout ce qui s’est dit ces derniers temps, une chose est sûre : l’éthique n’est vraiment plus à la mode.
    Jean Daniel, responsable de la publication et rédacteur en chef du Nouvel Observateur, parent et admirateur de Pierre Nora, lui, n’a pas plus besoin de « commission » que les membres du gouvernement turc, qui ont déjà dit moult fois que « la Turquie ne reconnaîtra jamais de génocide » : après avoir suggéré de « laisser l’histoire aux historiens » Jean Daniel, auto-proclamé historien, donc, a écrit : « Les Turcs n’ont jamais entrepris d’exterminer systématiquement et méthodiquement les Arméniens ». Et pas une seule plume du Nouvel Obs n’y a trouvé à redire. Pas une. Ils ont juste publié deux lettres de lecteurs.
    Pour en savoir plus sur ce que M. Toranian pointe ici avec justesse, et surtout sur les intérêts défendus par les Nora et compagnie sous couvert d’une liberté d’expression à géométrie variable qui permet de traiter de calomniateurs les Français d’origine arméniennes et les historiens non arméniens sérieux , mais qui depuis le vote d’une loi toute récente, protège les Harkis des accusations portées par des indépendantiste algériens, voici deux liens très utiles.
    http://www.huffingtonpost.fr/seta-papazian/genocide-armenien-hitler_b_1313061.html

    http://www.collectifvan.org/article.php?r=0&id=61638

  2. Bonjour,
    En fait, je n’avais pas bien compris le but de ce projet de loi Boyer. Si je dis que des Arméniens ont été massacrés sans citer le mot « génocide », je risque un an de prison, c’est cela ? Ne serait-on pas dans de la théorie un peu abstraite pour les non-concernés (Ou tout simplement un peu objectifs) ?
    Votre position est difficile à tenir intellectuellement, c’est à dire être opposé à toute commission d’historiens sous l’égide de l’UNESCO. Pour quelqu’un d’extérieur (Appelons un chat un chat : ni d’origine arménienne, ni turc) cela est surprenant et même inquiétant. On a l’impression que les Arméniens de France veulent « bénéficier » du « statut » des Juifs de victimes de génocide, alors que le parlement israélien a refusé de reconnaitre le génocide arménien. Profond sentiment de malaise. Ne vaudrait-il pas plutôt que le parlement arménien vote une loi similaire concernant le génocide vendéen en France ou celui des Arawaks, ou que le parlement turc en vote une sur le génocide des Indiens d’Amérique, quand au parlement algérien, il légifèrerait sur les exactions des Japonais en Chine, ce serait plus clair …
    Pardonnez-moi d’utiliser la second degré, mais c’eszt pour tenter d’exprimer mon sentiment, celui d’être en face d’une situation ubuesque.
    Merci de votre attention,
    JM Leclercq

    • Merci a M.Leclerc.
      Vous avez pris de bons exemple pour montrer combien il est injuste de museler les gens avec des lois liberticides.
      Si cette loi était passé, ça aurait résolu quoi?
      Cela aurait vraiment servi la cause arménienne?
      L’Arménie aurait reconnu aussi ses nombreux crimes?

      On a besoin de paix, et non de lois qui figent l’histoire.

  3. L’Allemagne a reconquis une indépendance ainsi qu’un prestige au sein de la communauté internationale à partir du moment où sa prise de conscience de la spécificité des actes criminels qu’elle avait accomplis la conduisit d’une part, à accepter la condamnation que ses prédécesseurs avaient à la quasi unanimité rejetée dans les cendres, et d’autre part, à contribuer activement à la réparation de cette humanité qu’avaient visée ces crimes. Lorsque Merkel balance aux nations sur leurs gardes que dorénavant, son pays considérerait tous ceux qui attaqueraient Israël comme des agresseurs de l’Allemagne, elle fait de la honte la plus profonde que l’Histoire ait connue sa chance de connaître peut-être à présent un renversement à 180° portant sa fierté à une dimension correspondante.