Claude Lanzmann s’est rendu immortel par ses films. Maintenant, honorons l’écrivain.

C’est pour moi un honneur et un plaisir de faire l’éloge de Claude Lanzmann à l’occasion de l’attribution du Welt-Literaturpreis. J’ai connu CL à l’époque du tournage de Shoah. Nous vivions alors dans la même rue de Paris. Il était sans préjugés envers moi, bien que je fusse la petite-fille de Winifred Wagner, une proche de Hitler. Grâce à lui, je me trouve ici à prononcer cette laudatio.

Il est à la fois délicat et facile de faire son éloge. Délicat car il s’est déjà lui-même loué dans une interview récente : « Claude Lanzmann », je le cite, « sait tout simplement écrire. Il y a des phrases de quelque vingt lignes qui mériteraient d’être citées dans les manuels de littérature, des phrases d’une facture classique. Ce livre – Le lièvre de Patagonie – est de la vraie littérature ». On est un peu surpris. Où se trouve la modestie des grands de la littérature autobiographique et des mémoires, ce genre français si riche? Depuis quand un auteur est-il à la fois juge et partie?

Malgré tout, il n’est pas impossible à d’autres que lui de faire son éloge. Avec ce chef d’œuvre qu’est Shoah, Lanzmann s’est assuré depuis longtemps d’une place parmi les immortels. Une œuvre de mémoire, unique et monumentale, sur l’extermination des juifs par les nazis. Ce film sans archives, sans preuves tangibles, dévoilant en toute simplicité des visages, donnant à entendre les voix des survivants et des bourreaux, montrant les lieux des crimes et l’herbe qui les couvre aujourd’hui, littéralement et métaphoriquement, est un chef d’œuvre de l’indirect ; l’évocation que fait CL de l’indicible est comparable au monsterdrama de Karl Kraus, Die letzten Tage der Menschheit, drame dans lequel l’ineffable cruauté de la Grande Guerre est perçue seulement à travers les propos des participants. La force de Shoah lui a valu médailles, prix, interventions médiatiques, articles, attributions d’honneurs – doctor honoris causa –, etc. ; il a été honoré dans le monde entier.

Et il est toujours aussi facile de célébrer en Lanzmann un acteur majeur de l’histoire contemporaine. Il l’a non seulement écrite mais aussi vécue, comme par exemple lorsqu’il participait, adolescent, à la Résistance, avec les dangers encourus et les vies sauvées, en province comme à Paris. Figure centrale de l’histoire contemporaine, il l’est aussi en tant que journaliste et essayiste politique ; il su rendre l’atmosphère et le contexte politique du Paris d’après guerre, marqué par la lutte des classes, l’existence d’une gauche philosophique, voire existentialiste, dont les mot-clés étaient guerre d’Algérie et littérature engagée.

On pouvait entendre sa voix dans les « Temps Modernes », dans « Le Monde », dans « L’Express » ou dans la presse plus populaire comme « Elle » ou « France Dimanche ». CL y abordait la politique internationale mais aussi les faits divers d’un Paris en pleine ébullition. Un portrait de l’époque «  vu à travers son tempérament ». A travers son expérience, il brosse l’histoire de la France. L’ex-étudiant en philosophie de Tübingen et le lecteur de philosophie à l’université de Berlin, ville qui alors était encore ravagée (l’Allemagne était vue comme pays de la philosophie et pas encore comme celui des bourreaux) écrit les premiers articles sur « Deutschland hinter dem eisernen Vorhang », et se met en route, en tant que grand reporter, à travers la Corée du Nord, la Chine, l’Amérique du Sud et dans les pays arabes et africains.

Le fait qu’il ait reconnu des erreurs politiques est pour nous une motif supplémentaire d’admiration. Il nous est alors aisé de le louer pour avoir dépassé l’obsession de l’utopie de ces années d’après guerre. Le communisme tel qu’il existait alors fut longtemps pour lui, né dans une famille de gauche,  « le ciel sur sa tête », et ce malgré sa connaissance des procès staliniens. Il a abandonné son idée, son rêve d’une Afrique révolutionnaire, mot-clé Frantz Fanon, en prenant conscience que l’on ne peut en même temps soutenir une Algérie révolutionnaire et être pour la création d’un état d’Israël démocratique. La découverte de sa judaïté et sa profession de foi en faveur du jeune Etat l’ont empêché de s’engager aux côtés des « Damnés de la terre », les Palestiniens. Cela explique aussi son désaccord avec Ben Bella.

Le problème de la création de l’Etat d’Israël ne relève plus alors pour lui des analyses marxistes de lutte des classes ou d’idéologie de libération. Quant à la question de l’extermination des juifs d’Europe, elle se place hors de tout repère historique et temporel et pose la question du mal absolu – une question fondamentale qui transcende la science historique.

C’est pourquoi il ne participe pas vraiment aux événements de mai 68. Il commence son film Pourquoi Israël et s’éloigne idéologiquement de Sartre, qui devient maoïste. De plus se brise alors son premier mariage avec la célèbre actrice Judith Magre.

Le journaliste, le voyageur et le militant politique fréquente le milieu Sartre-Beauvoir, liés aux gens du théâtre, au milieu littéraire et philosophique, par amitié mais aussi par son travail comme directeur de publication des Temps Modernes, fonction qu’il occupe encore aujourd’hui. Mais CL quitte l’influence et la protection de ce milieu. Le militant de gauche français devient juif et cinéaste et se pose alors un dilemme. En tant que juif, il doit se poser la question – pourquoi ne pas émigrer en Israël, aider à la construction du jeune Etat ? Ben Gourion l’y a encouragé. Comme peintre de la catastrophe juive il doit aussi se poser la question : comment faire le portrait des disparus ? Ce questionnement porte une dimension quasi-religieuse. L’impossibilité de reproduire les évènements des chambres à gaz – fait sur lequel Lanzmann revient sans cesse dans la genèse de Shoah – est comparable à l’interdiction de la religion juive de représenter Dieu. Dans Moise et Aron de Schönberg, Moise sait qu’il ne peut invoquer le Dieu « inimaginable » et « indicible » que par le langage, tandis que le chanteur (!) Aron tente de rendre Dieu compréhensible au peuple au moyen d’une image. Lanzmann, l’homme de l’image, n’est pourtant pas devenu un Aron, il respecte les commandements de l’Ancien Testament.

Pourtant, Lanzmann n’est pas totalement un juif croyant et pratiquant, même s’il épouse en Israël, selon la tradition et les rites, l’écrivaine Angelika Schrobsdorff, née à Berlin, il est avant tout Français et il le reste. En découvrant en même temps Israël et son identité juive, il prend conscience du fait que les juifs de la diaspora sont sans patrie, et prend alors fait et cause pour eux. Un jour, ce juif sécularisé, laissé seul dans un village pendant le shabbat, se pose des questions. Où sont passés tous les juifs? Il n’est pas avec ceux qui prient à la synagogue et qui, comme il l’écrit, « in wildem Trotz als die Meinen betrachten ». Il comprend alors que ce n’est pas le regard d’un antisémite qui fait d’un juif un juif, comme Sartre le proclamait dans son célèbre essai de 1944, Réflexion sur la question juive, mais que le peuple juif possède son identité propre, forte et indépendante. Il comprend qu’il y a un « extérieur » et un « intérieur » et que c’est exactement cet « extérieur » qui, en tant que Français, lui a permis de tourner son premier film, Pourquoi Israël ?. Mais aussi Shoah – film qu’un survivant n’aurait pu réaliser. De même, c’est grâce à cet « extérieur » qu’il a pu réaliser deux autres de ses films, Tsahal et Sobibor, le premier étant un éloge des forces de défense d’Israël, le second un récit de la seule rébellion juive qui eu jamais lieu dans un KZ.

Abordons maintenant la notion d’identité. L’image que C.L. cultive de lui-même est celle d’un combattant, d’un héros et il en fait part en toute simplicité. Le jeune Résistant n’est pas loin. Il est pilote de chasse dans un avion israélien, plongeur, cavalier, navigateur, alpiniste et arpenteur de déserts. Un vrai casse-cou. Theodor Herzl aurait rêvé d’un Lanzmann pour la construction de l’Etat juif, il représente ce que Max Nordau, compagnon de route de Herzl, souhaitait comme nouvelle image du juif : « un juif de muscles », destiné à remplacer la molle figure du « juif-talmud » ou du « juif des cafés ». A Bâle, lors du premier congrès sioniste de 1897, la délégation internationale eut d’ailleurs droit à une démonstration sportive. Cette énergie de Lanzmann, magnifiée dans son image de combattant, produit cette soif de vie, cette soif d’amour et cette ténacité. C’est grâce à cette ténacité qu’il a pu aller au bout du projet de Shoah sans jamais désespérer malgré les difficultés.

Allons plus loin. Sa fascination presque dérangeante pour tout cet héroïsme comporte sa zone d’ombre. Disons-le tout net : la peur. La peur liée à la réflexion sur la vie et la mort, et au sentiment d’être un rescapé. Ceci est manifeste dans la métaphore du lièvre, image et titre de son livre. Le lièvre est l’animal le plus peureux qui existe. Il court en zig zag, avec de brutaux changements de direction. Les lièvres observés par Lanzmann à Birkenau, en Serbie et en Patagonie survivent, car ils parviennent à se glisser sous la clôture métallique des camps et à se sauver de l’autre coté de la route. Lanzmann se demande souvent s’il aurait parlé sous la torture, s’il aurait trahi ou bien s’il aurait été capable de donner sa vie. Il se demande aussi s’il ne serait pas plutôt une poule mouillée. A quoi cela sert-il d’être courageux quand le courage se solde par la mort ? Un mort héroïque reste un mort. L’opposition lâcheté/courage – comme défini par l’ethos de Sartre – reste le noyau douloureux de ce questionnement existentiel, fil conducteur de son autobiographie.

L’Angst de Lanzmann devant l’ultime moment est une angoisse très précise. C’est la peur d’une fin violente, causée par la terreur et par la violence de l’Etat. L’effrayant premier chapitre du livre est empli par l’image de la guillotine et de ses effets dans l’histoire et donne sa tonalité générale au Lièvre de Patagonie.  La guillotine est évoquée ici sous forme littéraire à propos de Julien Sorel, le mauvais garçon du Rouge et le Noir de Stendhal ; sous forme  journalistique, par association, lorsque l’auteur décrit le cou du curé tueur d’Uruffe, ce village sur lequel il a écrit en 1958 un reportage spectaculaire ; ou bien sous forme de menace imaginaire, ce couperet sur sa tête pendant le tournage de Shoah, quand l’argent manquait et le temps pressait.

Parmi les stratégies que la peur suscite qui permettent de la surmonter, l’attaque, par exemple chez les animaux qui montrent les crocs. Lanzmann agit parfois de la même manière. Autre stratégie développée : la disparition de la peur de la mort grâce à la notion d’éternité. Il dit la possibilité de dépasser le temps et la temporalité, son désir profond d’être sans âge, son désir d’un présent éternel, hors du temps. « Je ne sais pas ce que vieillir veut dire. Ma jeunesse éternelle participe à la jeunesse du monde ». Et ceci, seul le souvenir le permet. Mais le souvenir s’efface facilement et ne peut subsister que s’il est plus que des traces dans des archives, des musées ou des monuments. Il nécessite une mise en scène, il doit prendre chair et se transformer en présent. Seul le souvenir qui est redevenu vivant provoque l’émotion et l’empathie des contemporains.

Shoah transmet le souvenir par des témoignages, mais son impact est dû au cadre narratif structuré philosophiquement et grâce à une interprétation et une dramaturgie toutes littéraire. Dans le film, les protagonistes changent de statut : « Comme sur une scène théâtrale, ils deviennent des personnages. A leur manière, ce sont des personnages de roman », Lanzmann explique. Le livre ici célébré relève de la même conscience esthétique. « J’avais besoin de mes films afin de pouvoir écrire enfin mon histoire », dit C.L.

Comment l’auteur Lanzmann procède-t-il pour rendre dans ce livre la matière de sa vie aussi vivante ? Comment met-il en scène son « dur désir de durer » et par quels procédés narratifs ?  Shoah n’est pas plus un film documentaire que le Le Lièvre de Patagonie n’est une autobiographie « normale », qui suit un fil chronologique.

Lanzmann insiste sur l’honnêteté, l’authenticité de ses mémoires et on ne peut que lui donner raison. Ce qu’il a oublié ne saurait être mentionné. C’est cela qui déterminé la forme littéraire : elle suit le cours de la mémoire. Le souvenir est arbitraire, cours en zig-zag telle la course du lièvre – il confond parfois lieux et le temps, suit une association d’idées ou se concentre sur un mot-clés. Les quatre derniers chapitres sont les plus cohérents, par exemple quand il raconte les douze ans de travail sur Shoah ou l’épisode émouvant où il réussit à faire en sorte que le coiffeur survivant de Treblinka se confie ou encore lorsqu’il doit convaincre des nazis de donner tous les détails tout en les filmant en caméra cachée

Ce vagabondage associatif contribue à la vivacité du livre. Nous sommes pour ainsi dire dans la conscience de Lanzmann et nous le suivons, sautant avec lui comme le lièvre. Nous ne lisons pas le livre de l’extérieur, nous ne nous trouvons pas devant un mur de souvenirs qui nous seraient étrangers, au contraire, nous sommes au coeur d’un roman d’aventure. Episodes, anecdotes, stories forment un ensemble haut en couleur. L’auteur décrit avec verve des « actes gratuits » ; par exemple, lorsque étudiant, afin de prouver son existence et ivre de liberté, il se déguise en curé pour collecter de l’argent ou lorsqu’il vole un épais essai sur Hegel, ce qui conduira à son arrestation. Amusante aussi est la description de sa première visite dans un bordel luxueux – un cadeau de son père et de son beau-père – et autres anecdotes concernant le milieu littéraire parisien. Bizarre et touchant à la fois le destin de ses compagnons et collègues, des « Jeckes » éparpillés dans le monde.

Mais avant tout, cette autobiographie-roman contient des merveilleux portraits littéraires de ses amis les plus proches et les plus aimés. La relation triangulaire Lanzmann-Beauvoir-Sartre constitue en soi un roman portant sur les débuts de la libération érotique; sa folle passion pour une infirmière nord-coréenne relève d’un théâtre de boulevard d’un comique particulier. Certaines scènes sont dignes du slapstick, par exemple lorsqu’il fait revivre sa mère Pauline, d’autres sont tragiques, lorsqu’il raconte l’histoire de sa sœur, récit qu’initialement il ne voulait pas écrire. Encore et toujours des métaphores bien filées pimentent ce texte, ainsi, lorsqu’à Pékin le peuple affiche sa solidarité avec Mao, Lanzmann voit défiler de son balcon « Débordant à perte de vue … cinq cent mille Pékinois, un caviar de têtes noires … ».

Outre la souplesse de la forme et l’intérêt des histoires, il existe une troisième raison pour nous de plonger dans cette vie. Non seulement Lanzmann use de nombreuses citations directes, mais encore a-t-il réussit à emprunter à Flaubert la faculté de se mettre dans la peau de l’autre. Il se glisse en quelque sorte dans la personne qu’il décrit, devenant elle, illustrant ainsi le fameux « Madame Bovary, c’est moi », de Flaubert. Déjà comme journaliste il avait l’habitude d’analyser en profondeur son vis-à-vis, ses mensonges, ses silences, sa raison et sa folie. Cette capacité hallucinative l’a fortement aidé pendant les interviews de Shoah ; et lui permet  par cet art de l’empathie d’inviter le lecteur à participer au roman de sa vie.

Et voici un autre procédé de l’auteur qu’il convient d’examiner. Pourquoi utilise-t-il tant de références littéraires et cinématographiques appartenant à l’horizon culturel de sa génération? Pensant à son amour perdu en Corée, il se souvient des scènes de Brève Rencontre, le film de David Lean. Lors d’une situation brûlante dans un café parisien, lui vient à l’esprit une scène de Scarface, de Howard Hawks. Lorsque, très jeune, il se rend à Milan pour la première fois, il ne s’approprie d’abord la ville qu’en utilisant de façon récurrente une formule constituée des premières lignes de la Chartreuse de Parme ; des vers de Rimbaud s’imposent à lui lorsqu’il enfile sa combinaison avant de monter dans le Phantom de l’armée de l’air israélien; Le Bateau ivre s’impose à lui comme une évidence lorsqu’il contemple deux grands fleuves chinois mêler leurs eaux.

Il ne s’agit pas ici de la part de l’auteur d’un quelconque étalage gratuit de culture mais plutôt d’une perception particulière de la réalité, passant par la littérature, par les arts plastiques, par la beauté des mots. Il s’est toujours plû à souligner sa mémoire visuelle exceptionnelle. Lorsque qu’il avait associé à un événement, une image, un vers, une scène – peut-être même une saveur – il peut les faire revivre à volonté et le temps perdu peut ainsi être retrouvé. J’en suis certaine, s’il lui arrivait de lire aujourd’hui les premières lignes de La Chartreuse de Parme, c’est Milan, la cathédrale et toute sa jeunesse qu’il revivrait alors. Au fond, Claude Lanzmann n’est pas très éloigné du plus grand des romanciers et explorateurs de la mémoire – Marcel Proust. Les procédés romanesques qu’il utilise et sa façon de faire revivre les souvenirs fonctionnent de la même manière et il a montré quelle stimulation des sens et de la perception sont nécessaires afin de sauver le passé de « l’oubli ».

Deux passages en particulier de son autobiographie illustrent mes propos ; ils concernent la manière dont des mots, arrivés par hasard dans son champ visuel, se transforment en réalité physique. En 1946, au cours d’un voyage en train à l’étranger avec ses camarades de classe préparatoire, il aperçoit dans la nuit, saisi par une « grande exaltation », les panneaux portant les noms exotiques des gares traversées – Brig, Simplon, Stresa. « La rencontre des noms et des lieux… attestait la vérité du monde, scellait l’identité des mots et du réel, dévoilait le vrai de la plus poignante façon », réagit-il. Ce processus mental peut paraître trivial mais structure d’autres expériences dans des circonstances comparables, passant du mot à la réalité qu’il recouvre par simple imprégnation visuelle. C’est toujours selon ce même processus que lui reviennent d’autres expériences terribles dans lesquelles les mots sont à l’origine de la découverte de l’horreur, suscitant en lui un choc, celui du passage du mythe à la réalité. Des décennies après ce voyage son regard effleure un panneau de village portant l’inscription Treblinka. L’interdiction ontologique dont il a chargé ce mot maudit est annulé d’un seul coup. C’est aussi au fronton de la gare que se dresse insolemment en lettres de grande taille le nom Treblinka. La réalité de Treblinka s’impose alors à lui, sa matérialisation le frappe comme la foudre – et il commence aussitôt le tournage.

Cher Claude – le lièvre n’est pas seulement le symbole vivant de la fuite dans la lumière des phares de ta voiture en Patagonie, il est aussi un mythique « animal fantasmagorique », l’incarnation immédiate d’un accord entre le monde et le Moi, cette conscience de l’unité qui annule aussi le temps. Tout devient présent, tu n’as plus d’âge. Peut être est-ce la raison pour laquelle tu veux renaître en lièvre ? Cet animal est plus qu’un survivant, il est l’illustration de la fécondité et de la productivité. Mieux même, il est le symbole du triomphe de la vie  et du génie humain.

(Nike Wagner, discours à l’occasion de la remise du Welt Literaturpreis à Claude Lanzmann, le 5 novembre 2010. Texte traduit avec affection par Bettina Foulon et Zeline Guéna.)

2 Commentaires

  1. Lanzmann est très certainement un génie. J’étais très impatiente d’aller l’écouter à la médiathèque Emile Zola, à Montpellier, il y a quelques mois. Mais quelle déception. Lansmann s’est montré odieux avec le professeur qui le présentait. J’ai par la suite vu comment il traitait Onfray au Café Picouly. Quel dommage.

  2. Boucles

    Les boucles du jour
    Tombées à vos pieds
    Caressent les nuits
    De nos mémoires brûlées.

    Auschwitz, 3 septembre 1941, Pologne.

    (Extrait du “ Voyage des Ombres“ Editon.Du Cygne 2007)