BHL : « L’Europe est de nouveau au bord de l’abîme à cause de ce retour foudroyant de la haine des Juifs. »

lundi 03 juin 2024

Bernard Henri Lévy a ouvert la soirée en expliquant de quel réflexe – pour reprendre le concept qu’il employait dans Sur la route des hommes sans nom – était né, chez lui, la décision d’organiser cette soirée : le sentiment que, depuis le 7 octobre, l’Europe moderne s’est effondrée. L’Europe, à savoir cette civilisation selon l’esprit qui, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, s’est construite à partir d’un impératif central, le « plus jamais ça » d’Adorno. Dans son discours, Bernard-Henri Lévy démontre que ces trois mots constituent le véritable « Grund » de l’Europe. L’Europe, ce continent qui, après avoir ruminé une haine millénaire contre les Juifs, lui a donné libre cours en l’espace de quatre ans, lors d’un génocide qui fut à la fois le comble de la barbarie et de la technique rationnelle – comme si l’Europe toute entière, celle de l’ombre autant que des Lumières, s’y était accomplie. C’est contre ce trou noir, c’est contre l’ensemble des idéologies qui s’y cristallisaient, que la construction européenne a été initiée par des hommes et des femmes qui, rappelle Bernard-Henri Lévy, étaient avant tout des lecteurs de Primo Levi et de Malaparte.
Quatre-vingt ans, demande-t-il, suffisent-ils à effacer la mémoire des hommes ?
Pourquoi voit-on renaître, à l’extrême gauche, un antisémitisme qui, non content de « surfer » sur la tragédie d’une guerre, adhère à la tradition de l’antisémitisme socialiste ?
Pourquoi l’extrême droite, loin d’être l’ami d’Israël qu’elle prétend incarner, n’a-t-elle jamais rompu avec ses relents, sa généalogie et ses pulsions de mort ?
Pourquoi l’explosion de l’antisémitisme est-elle à ce point sous-traitée par les candidats « respectables » de cette élection européenne ?
Dans cette situation, la littérature n’est-elle pas sommée de répondre à cette noirceur par la seule richesse dont elle dispose : la puissance des mots ?
Et La Règle du jeu, qui depuis 30 ans est de tous les combats humanistes, ne se devait-elle pas de réunir, au théâtre Antoine, des écrivaines, des écrivains, des politiques, des artistes, des journalistes qui, Français, Israéliens ou Européens, partagent la même souffrance et la même inquiétude ?