Le premier long métrage de Guillermo Galoe, Ciudad sin sueño, réalisé avec la complicité des occupants du bidonville quasi mythique, la Cañada real menacée de démolition (près du théâtre Arrabal et de l’ancien abattoir de Madrid), raconte la fin de l’enfance d’un jeune à la beauté d’un bison fuyant les galaxies.

Le film évoque la fin d’un monde superbe quand les débris errants imposent leur ostentation. Il a été tourné dans à la Cañada real elle-même où Toni, 13 ans, est bouleversé lorsque sa famille reçoit un avis d’expulsion et apprend que son ami Saïd de Melilla quitte définitivement la Cañada.

Un long plan plongeant ouvre le film sur une superbe scène presque de cross-country : un vieux tacot lancé à toute vitesse, des enfants, les yeux brillants à bord, acclamant un chien courant – volant ? – dans la poussière kamikaze. Au volant, un homme barbu, le « pai » [père] tremblant d’impatience et de frénésie.

Avec son premier long-métrage, Guillermo Galoe nous plonge dans le quotidien d’un lieu unique, menacé de démolition. Un récit si actuel vibrant et poétique, salué au dernier Festival de Cannes.

L’adolescent s’auto-filme avec son ami dans une décharge, changeant les filtres de couleur de leurs téléphones ; pour un feux de joie au seuil de l’innocence et la fraicheur. Sans jamais avoir vu Viva la muerte !

Éblouissante liberté de grands espaces mais un destin aux souliers de plomb menace Toni dans le-plus-grand-bidonville-au-monde ? Son ami proche, Bilal, est contraint à l’exil à Marseille. Son grand-père, « pai », vendeur de ferraille, vend son chien adoré, Atomic, à un « baronne » du crack local qui traite aussi avec les chiens les blanches.

Pendant ce temps, son propre « pai » prépare discrètement le déménagement de sa famille dans un bâtiment de choque, chic ! Le temps païen vient unir l’enfer et le ciel. Adieu, communauté chaleureuse et rencontres pathétiques et poignantes ?

Guillermo Galoe s’est immergé pendant six ans dans la vie de la Cañada real, apprenant à connaître ses occupants. Il a réussi à magnifier tout ce qui apporte de la joie à ce grand-père et à cet adolescent.

Synonyme de liberté et de détachement, lorsque les maisons sont démolies par les bulldozers. Tout persévère aux quatre vents, laissant les âmes flotter. L’équipe de démolition, oiseaux de mauvais augure, semble annoncer le départ imminent, la fin programmée d’une vie précaire mais irremplaçable, avec les liens forgés au sein de la communauté.

Un garçon et son chien. Un monde en voie de disparition avec des loups hurlant.

Quelle belle surprise nous a stupéfié des arrabeaux de Madrid !

Dix « pseudo-arrabalesques » pour la Cañada real

« …mon chien et moi donnons notre touche royale à ce que nous avons entendu dans la Cañada ? »

« …dans la Cañada real de désillusions en contradictions, mon chien et moi connaissons-nous la vie ? »

« …ils sont si méfiants, pour tant et pour moi, ce n’est seulement, qu’une question d’être ? »

« …l’oiseau le plus rare, pouvait-t-il vraiment être chassé, sans la baronne ? »

« …ils essaient de nous étonner, mais ils n’obtiennent que nos moqueries ? »

« …dans les quinze kilomètres de la Cañada real, sous mes pieds et leurs pattes, démolitions et ordures ? »

« …pour les chabolas-&-bidonvilles, sommes-nous les premiers en Europe, au monde, dans l’univers ? »

« …notre Cañada real moderne, a-t-elle été baptisée Cañada Real Galiana au Moyen Âge ? »

« …la Cañada real, comme le monde lui-même, est-ce un tourbillon ? »

« …quand ils ont transhumancé vers les abattoirs, les loups hurlant, dans la Cañada ne sait-on tranhumancer ? »

« …quand je pense, est-ce que je me surcharge de quelque chose ? »

« …ce n’est pas vrai, mais c’est ce que je pense ? »

Antonio Fernandez Gabarre (Toni) dans « Ciudad sin sueño », de Guillermo Galoe. Dans un bidonville, l'enfance est accroupi et tient un chien blanc à ses côtés.
Antonio Fernandez Gabarre (Toni) dans « Ciudad sin sueño », de Guillermo Galoe. Photo : Pan Distribution.
Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal
Le cinéaste Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal, dans l’appartement du dramaturge-écrivain-cinéaste…
Fernando Arrabal, photographié en noir et blanc par Juan Barte, apparaît replié sur lui-même et nu, avec des ajouts au feutre du poète et dramaturge.
Fernando Arrabal photographié par Juan Barte (ajouts aux feutres du poète et dramaturge).
Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal
Guillermo Galoe et Fernando Arrabal, dans un café, à Paris.
Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal
Au centre : Fernando Arrabal ; à droite : Guillermo Galoe.
Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal
Le cinéaste Guillermo Galoe avec Fernando Arrabal, dans l’appartement du dramaturge-écrivain-cinéaste…