Le réel, dirais-je, c’est le mystère du corps parlant, c’est le mystère de l’inconscient.
Jacques Lacan, 15 mai 1973.
Ekstasis hier et aujourd’hui
Dans la tragédie d’Euripide, Les Bacchantes, produite en 405 av. J.-C., peu de temps après la mort de l’auteur, le dieu Dionysos admoneste le roi Penthée égaré : « Tu ne sais pas ce que tu te prépares, ni ce que tu fais, ni qui tu es. » Penthée a tenté d’attacher et d’emprisonner un groupe de femmes qui étaient des adeptes du dieu, mais les chaînes ont glissé de leurs pieds et les verrous de la prison se sont ouverts. Penthée, l’accusant de luxure, arrête Dionysos qui est déguisé en mortel, coupe ses longs cheveux flottants et ordonne qu’il soit mis aux fers – mais les chaînes qui l’emprisonnent se révèlent aussi inefficaces que celles qui attachaient les femmes. Peu de temps après, dans ce drame psychosexuel, Dionysos attire dans un piège Penthée, sexuellement réprimé et répressif, jouant sur ses désirs secrets. Vêtu de vêtements de femme et habité par des visions du dieu transformé en taureau, Penthée, personnage allégorique, se rend dans la nature pour espionner en voyeuriste les femmes extatiques qui adorent le dieu. E.R. Dodds (1960), professeur de droit à Oxford, traduit son impatience haletante : « Pensez-y ! J’imagine qu’ils sont dans les buissons maintenant, comme des oiseaux en train de s’accoupler, serrés dans l’étreinte de l’amour. » Peu après, Penthée sera démembré par sa propre mère. Ce récit tiré de la mythologie grecque est édifiant. Le sujet sûr de lui et faussement maître de soi se détruit lui-même. Pour acques Lacan, ce Penthée autoritaire incarne la « passion de l’ignorance » qui caractérise notre relation fondamentale au savoir.
L’extase dérive d’un mot grec, ekstasis, qui signifie se tenir à l’écart de l’existence normale. C’est un territoire dangereux : même ses frontières ne peuvent être explorées sans un courage qui ne peut être réduit à une simple transgression. Selon les mots de Dodds dans la préface de son édition des Bacchantes :
« Nous ignorons à nos risques et périls la demande d’expérience dionysiaque (c’est-à-dire extatique). Pour ceux qui ne lui ferment pas leur esprit, une telle expérience peut être une profonde source de pouvoir spirituel et d’eudaimonia. Ceux qui répriment cette demande en eux-mêmes ou refusent sa satisfaction aux autres la transforment par leur acte en un pouvoir de désintégration et de destruction, une force naturelle aveugle qui emporte l’innocent avec le coupable. » (Dodds, 1960)
L’ekstasis préserve la possibilité d’avancées épistémiques. En tant que tel, le principe d’ekstasis revêt une importance renouvelée à notre époque de fascination pour le moi. La montée de l’identitarisme reflète notre narcissisme culturel. Le refus de sortir de sa bulle, l’impératif égocentrique de l’identité expliquent la résurgence agressive des guerres culturelles qui préoccupent aujourd’hui les universités.
Pourtant, l’exigence de neutralité de genre n’est qu’une autre version de l’exigence de valeurs familiales. Un idéal en a remplacé un autre. Tous deux, cependant, sont des impositions exigeant que tous les sujets se conforment à un mode de vie et de plaisir socialement validé. Déranger les défenses de l’ego et remettre en question les normes est une entreprise risquée, surtout aujourd’hui. Pourtant, le risque qui découle de la fermeture de notre esprit à ce défi est bien plus grand : « une force naturelle aveugle qui balaie l’innocent avec le coupable ».
La liberté d’expression académique accorde un espace de travail en dehors des constructions dominantes, qu’elles soient jugées salutaires ou illusoires, que ce soit au niveau de l’individu (l’ego) ou de la société (les normes). Selon les termes du rapport du Comité C. Vann Woodward de l’Université Yale (Comité sur la liberté d’expression, 1974), cette liberté est la liberté « de penser l’impensable, de discuter de l’innommable et de remettre en question l’incontestable ». Agir autrement revient à condamner le discours à un agenda sociopolitique, un programme conditionné non par la liberté mais par le dogme.
L’inconscient et l’autre
Si l’ekstasis désigne un lieu qui peut être habité en dehors ou à l’écart du discours commun, quel type de relation spatiale est-il en jeu ? Pour les disciples de Dionysos dans la Grèce antique, l’ekstasis était structurée en opposition aux normes sociales qui régissaient leur vie. Dans la tragédie d’Euripide, Dionysos a marqué le roi Penthée avec l’intervention inaugurale de la psychanalyse : « Tu n’es pas maître de toi-même. Tu ne sais pas. » Dans le langage lacanien, cette opération s’appelle la division subjective ; elle fait référence à la perturbation de l’illusion, de la fausse croyance que nous sommes ce que nous pensons être, que nous sommes nous-mêmes. C’est une scission dans la cohérence interne imaginée de notre être qui crée l’espace pour que quelque chose d’autre émerge. Cette autre chose, l’inconscient, se rapporte à la vie intérieure, aux pensées, aux fantasmes, aux rêves, aux faux pas, aux inhibitions, aux symptômes et aux angoisses.
Pour commencer à aborder la question de la liberté d’expression académique du point de vue psychanalytique, il est nécessaire de situer plusieurs termes élaborés par Lacan : l’inconscient, le savoir, la vérité et la parole. Ce sont des concepts fondamentaux interdépendants qui nous permettront d’aborder les débats actuels autour de la liberté académique à partir d’une logique différente : celle du discours analytique.
La question de l’intérieur et de l’extérieur a préoccupé Jacques Lacan dès sa première proposition du sujet de l’inconscient et jusqu’à ses développements ultérieurs en topologie. Dans les années 1950, Lacan est revenu à la découverte freudienne de l’inconscient, à une époque où le pouvoir institutionnel dans le domaine de la psychanalyse occultait la proposition essentielle de Freud selon laquelle l’homme n’est pas le maître de son être. En faisant cet audacieux retour linguistique à Freud, Lacan a affirmé que l’inconscient est structuré comme un langage. Le langage est à la fois intérieur, produisant la possibilité, pour nous, de penser et de parler, et en même temps le langage vient toujours de l’extérieur. Les premiers mots d’un enfant sont entendus par les parents, sur YouTube, ou dans une conversation au parc. Les sons qui deviendront la base de la subjectivité sont des fragments de langage pris de l’extérieur et intériorisés. En conséquence, Lacan a formulé le langage comme le discours de l’Autre. Le langage est l’Autre parfait, étranger à notre corps et dont notre corps dépend pour communiquer. Nous prenons souvent notre corps pour nous-mêmes ; mais ce qui anime les êtres parlants, c’est un inconscient assemblé de signifiants. Or l’inconscient est l’Autre dans la mesure où il est produit par la collision inaugurale du langage et du corps. C’est pourquoi Lacan s’est tourné vers la topologie, en particulier vers le ruban de Möbius. Le sujet de la psychanalyse pourrait être formalisé par cette figure topologique dans laquelle le dedans n’est pas discontinu au dehors. Dans la clinique de la psychanalyse, le binarisme du dedans et du dehors, du sujet et de l’Autre, cède la place.
L’Autre, du moins dans le moment classique de l’œuvre de Lacan, peut être compris comme constitué de tout ce qui a été dit, de tous les mots, du dépôt de signifiants nécessairement incomplets ou manquants, parce qu’il manque toujours quelque chose au langage. La vérité ne se dit pas toute… Elle ne peut que se mi-dire… Lacan retient une définition du signifiant qui reviendra tout au long de sa carrière : le signifiant représente le sujet pour un autre signifiant. À cet égard, la vie psychique des êtres parlants – ce qui est dit, ce qui est pensé, ce qui est écrit, ce qui est argumenté, appris, enseigné, bref, le savoir – se résume à des combinaisons de signifiants qui nous représentent en articulation avec d’autres signifiants. Aucun de ceux-ci n’est propre au sujet, mais ils constituent l’Autre. Cette perspective apporte un autre éclairage sur ce qu’est une idée originale. Rien ne peut être pensé sans l’Autre qu’est le langage. La matière de nos concepts les plus intimes est toujours empruntée à l’extérieur – qui est aussi à l’intérieur. D’où, chez Lacan, le néologisme fameux : « extimité ». L’intime est l’extime.
La dimension de l’inconscient produit un effet d’ekstasis qui perturbe notre sens de la cohérence interne. Pour la psychanalyse, lorsque quelqu’un dit « je ne hais pas mon père », il dit en même temps : « Je hais mon père. » Freud (1925) a démontré ce principe de négation. Au niveau du savoir inconscient, il n’y a pas de négation. L’expression négative contient le même matériel signifiant, les mêmes mots que l’expression affirmative. Si l’on considère que personne ne dit seulement ce qu’il veut dire, c’est le rapport entre les mots que l’on prononce et celui qui parle qui compte. En psychanalyse, ce qui est dit littéralement est examiné plus en profondeur que l’intention supposée de ce que l’on imagine qu’il dit. Le terme « non-binaire » sert à souligner davantage le binaire auquel il s’oppose. Il annonce l’existence d’un binaire et l’annonce lors de la présentation de soi. Dire « je suis non binaire » s’oppose et en même temps renforce le binaire de genre. On pourrait dire la même chose de quelqu’un qui affirme : « Je ne suis pas transphobe. » Ce locuteur est le sujet de la transphobie. Quelles que soient nos croyances professées, les mots nous occupent. Le signifiant représente un sujet pour un autre signifiant. Nous avons le choix de lutter contre les signifiants et d’analyser la relation que nous entretenons avec eux, même lorsqu’ils sont en conflit avec ce que nous croyons être. L’enjeu n’est pas tant que nous nous représentons nous-mêmes au monde, mais plutôt que les mots nous représentent pour d’autres mots. Cela, bien sûr, si nous suivons l’axiome de Lacan sur le sujet du signifiant, une pilule difficile à avaler.
Humilité intellectuelle et recherche de la vérité en science
En 1963, dans le Bulletin des scientifiques atomistes, Hedwig Born et le lauréat du prix Nobel Max Born ont établi l’un de leurs principes directeurs : « La recherche infatigable et sans compromis de la vérité est la marque qui distingue le scientifique du charlatan. Elle constitue l’éthique indispensable de la science. » Quand une entreprise intellectuelle compromet sa quête de la vérité, que ce soit par idéologie, par paresse, par préjugé religieux ou par désir d’enrichissement personnel, elle devient rapidement corrompue. Ce principe s’applique d’autant plus lorsque la complexité de la recherche rend l’objectif de la découverte de la vérité insaisissable. Les contraintes idéologiques sont aussi délétères que les shibboleths et la superstition, et leur antidote dans le domaine de la science est la méthode empirique et l’humilité du scientifique qui cherche à remettre en question et même à falsifier les hypothèses, y compris les siennes. De l’aspiration inaugurale de Freud à une psychologie scientifique à la tentative de Lacan de forger une science du signifiant, la psychanalyse est perpétuellement « en attente de devenir une science » Dans ses derniers séminaires, Lacan aborde de front les limites de la psychanalyse, allant jusqu’à la reconnaître comme une sorte de « délire ». Comme la science, la psychanalyse aspire à produire un savoir sur le réel, ce qui est impossible car parler du réel exige que nous imaginions et donc que nous déployions l’imaginaire à partir du réel. L’un des statuts du réel auquel Lacan s’est attaqué est le réel comme ce qui exclut le sens. L’effort pour donner un sens à ce qui est incompréhensible suggère déjà une construction ou une projection du sens à partir du réel comme étant l’impossible à symboliser, à mesurer ou à comprendre.
Ce qui est impossible à formaliser ou ce à quoi il est impossible de donner du sens dans la sexualité et le réel sexuel, nous contraint à tenter sans cesse de produire du savoir là où il ne peut y avoir de sens – dans le sexuel. Il ne cesse de ne pas être écrit et nous continuons donc à écrire à travers nos symptômes. À côté de l’inconscient de Freud, l’impossibilité d’écrire le rapport sexuel est l’apport le plus significatif de la psychanalyse à l’étude du savoir. Concept lacanien souvent mal compris, le non-rapport sexuel ne peut être séparé des développements de Lacan sur le statut de l’écriture en psychanalyse : « Tout ce qui est écrit part du fait qu’il sera à jamais impossible d’écrire comme tel le rapport sexuel. C’est de là qu’il y a un certain effet du discours qui s’appelle l’écriture. » (Lacan, 1975) Le sexuel, l’un des noms du réel, est voué à être le lieu le plus controversé du savoir. On peut le considérer comme le chantier de toute connaissance : « Ce que j’appelle “l’impossible, c’est le Réel” se limite à la non-contradiction. Le Réel est l’impossible seulement à écrire, soit : ne cesse pas de ne pas s’écrire. Le Réel, c’est le possible en attendant qu’il s’écrive. » (Lacan, 1977) Il est possible à chacun de dire n’importe quoi, mais tout ne peut pas s’écrire. Tout ne peut pas se démontrer logiquement pour produire une formule qui rende compte de sa structure. Il n’y a pas de E = mc2 pour le sexuel.
Savoir et vérité
Le retour de Lacan à la découverte freudienne de l’inconscient comme linguistique lui a permis de poser des questions sur les conditions de la connaissance. Emportons ces questions avec nous sur le chemin de la problématique de la liberté d’expression académique.
« Qu’est-ce que le savoir ? Il est étrange qu’avant Descartes, la question du savoir n’ait jamais été posée. Il a fallu l’analyse pour que cette question se renouvelle. L’analyse est venue nous annoncer qu’il y a du savoir qui ne se sait pas, un savoir qui se supporte du signifiant comme tel. Un rêve n’introduit à aucune expérience insondable, à aucune mystique, cela se lit dans ce qui s’en dit.
[…] Faut-il tout ce détour pour poser la question du savoir sous la forme – qu’est -ce qui sait ? Se rend-on compte que c’est l’Autre ? – tel qu’au départ je l’ai posé, comme le lieu où le signifiant se pose, et sans lequel rien ne nous indique qu’il y ait nulle part une dimension de vérité, une dit-mension, la résidence du dit, de ce dit dont le savoir pose l’Autre comme lieu. » (Lacan, 1975)
L’année du Séminaire XX, Lacan a retravaillé le statut du savoir à un moment charnière d’impasse dans sa tentative de formalisation de la psychanalyse. Il s’est intéressé aux mathématiques, à la logique et à l’écriture pour poursuivre l’étude de la question de la transmission en psychanalyse : comment transmettre ce que l’on sait de l’expérience d’une analyse sans qu’elle se résorbe dans l’imaginaire ? Le registre de l’imaginaire est une dimension illusoire où tout peut se dire et où tout est permis. On peut imaginer presque tout – mais pas tout. Peut-on démontrer un savoir du réel rencontré dans l’analyse sans recourir à la dimension toujours mouvante du sens ? Comme le précise Jacques-Alain Miller (2010), une question s’est posée à Lacan dès le début de son œuvre : qu’est-ce qui, finalement, est réel en psychanalyse ? Cette recherche du savoir se double d’une recherche de la vérité.
Savoir et vérité sont deux termes avec lesquels Lacan a travaillé pendant les vingt années précédentes de son séminaire annuel donné à Paris. Dans le passage cité ci-dessus, Lacan s’interroge sur le savoir et répond avec la contribution essentielle de Freud à ce domaine : il y a un savoir qui n’est pas connu et qui est fondé sur des mots. Cela ouvre un nouveau paradigme dans l’histoire de la connaissance. Lacan poursuit en demandant : « Qu’est-ce qui sait ? » C’est dans l’Autre. L’Autre est le lieu où le signifiant est posé, où demeure ce qui est dit. Sans l’Autre, un lieu qui abrite les signifiants, il n’y a pas de dimension possible de la vérité. Ici, Lacan fait référence à la vérité comme à une « dit-mension ». Ce néologisme repose sur une équivoque ; dans le mot « dimension », on peut entendre le signifiant « dit ». Ainsi, la dimension de la vérité selon Lacan est la dimension du dit. Ce néologisme s’inscrit dans le prolongement d’une proposition tirée du premier discours de Lacan en 1953, « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse » : « […] la parole constitue la vérité […] même s’il [le discours] est destiné à tromper […]. » La vérité ne préexiste pas à l’acte de parler. La vérité est produite lorsque ce qui est dit se rassemble dans le lieu de l’Autre, par extension : dans l’inconscient. Cependant, cette vérité est une vérité variable et instable. Dans le schéma lacanien du discours analytique, le savoir est à la place de la vérité :
« Que le vrai vise le réel, cet énoncé est le fruit d’une longue réduction des prétentions à la vérité. Partout où la vérité se présente, s’affirme elle-même comme d’un idéal dont la parole peut être le support, elle ne s’atteint pas si aisément. Quant à l’analyse, si elle se pose d’une présomption, c’est bien celle-ci : qu’il puisse se constituer de son expérience un savoir sur la vérité. »
Ces mots de Lacan en 1972 constituent un tournant par rapport à ses premières relations avec la vérité dans les années 1950. « Le vrai vise le réel » : cette affirmation s’applique à de nombreuses disciplines – la science, les mathématiques, la philosophie et certainement la psychanalyse. Au fil des ans, tandis que Lacan a élaboré la question de ce qui est réel en psychanalyse, la vérité et le réel se sont éloignés. Dans ses premiers enseignements, la vérité avait un statut privilégié, en même temps que le symbolique avait le statut du réel. Comme le souligne Jacques-Alain Miller (2010), le premier Lacan eut une tentation hegélienne : tout ce qui est rationnel est réel. L’idée de Lacan, à l’époque, était que grâce à la psychanalyse, la dimension illusoire et toujours changeante de l’imaginaire, avec tout son pathos, sa fumée et ses miroirs, pouvait être déchiffrée à travers une armature symbolique structurée par le langage.
Au moment du Séminaire XX, Lacan était depuis des années déjà engagé dans un déplacement vers la question de la jouissance et du réel. La vérité a une structure de fiction et elle est couplée au mensonge. En suivant les observations de l’expérience analytique, nous pouvons parler de la vérité dans la mesure où elle est toujours une vérité « menteuse » ; c’est un point que Miller a soigneusement exploré dans ses séminaires et qui suit l’aphorisme de Lacan dans le séminaire XX selon lequel la vérité est toujours, et par principe, mi-dite. On ne peut jamais dire toute la vérité. D’un point de vue structural, il est impossible de tout dire. En d’autres termes : l’Autre est absent ou, plus précisément, selon le mathème de Lacan, il est interdit S(Ⱥ). L’expérience d’une analyse, par opposition à l’étude académique de la psychanalyse, permet de constituer un savoir de la vérité. Si l’on entre dans l’analyse à la recherche de la vérité, on finit par rencontrer le réel comme l’impossible. La vérité perd son éclat. Elle devient moins convaincante que les fragments de savoir produits par les rencontres contingentes avec le réel dans l’analyse, qui délimitent ce qu’il est impossible de savoir pour chaque être parlant.
Quel est le rapport avec la liberté d’expression académique ? Qu’est-ce que tout cela implique pour l’université, en dehors de l’expérience analytique ? En quoi la contribution de Lacan à l’étude du savoir et de la vérité a-t-elle un impact sur les problèmes contemporains que l’on observe au sein de l’Académie ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d’examiner les paradigmes discursifs en jeu. Que se passe-t-il sur le plan social aujourd’hui ? Dans le Séminaire XVII, Lacan a posé que les discours organisent les liens sociaux.
Identité et Académie : les nouvelles questions de l’être
Notre époque célèbre l’être comme vérité. Une formule du discours dominant dans les sphères sociales et académiques pourrait être : je suis ce que je dis être. Ce n’est un secret pour personne que les conflagrations de la censure et de la liberté académique s’enflamment autour des questions d’identité. Les problèmes contemporains liés à la liberté d’expression académique reflètent fondamentalement notre nouvelle crise d’identité. La quête du savoir sur la vérité semble opposée à l’identité comme vérité. D’un côté, nous avons le canon de l’histoire du savoir et l’histoire elle-même. De l’autre, l’élévation au statut de vérité. Dans l’Université aujourd’hui, l’être (« je suis ») prend le pas sur le savoir en position de vérité. Dit plus simplement : l’identité l’emporte sur le savoir. Pour éviter le piège de la polarisation qui justifie plus ou moins l’un ou l’autre camp, nous devons comprendre pourquoi, en ce moment de malaise dans la civilisation, nous passons du paradigme du savoir au paradigme de l’être.
Il est important de noter que nous ne parlons pas ici de la suppression d’un corpus de connaissances au détriment d’un autre, par exemple du classique canon occidental eurocentré opposé aux disciplines postcoloniales. Ces deux disciplines, avec les perspectives et conflits qu’elles engagent, peuvent très bien coexister et être étudiées dans le milieu universitaire pluraliste et agnostique qui caractérise une pédagogie efficace et démocratique. Le problème se pose lorsque l’histoire de la pensée est annulée, barrée ou censurée au nom de la protection de la position nécessairement fragile et instable de l’être en tant que vérité. Le caractère sacré de l’être en tant que vérité n’est pas un phénomène nouveau. Nous pouvons déjà le trouver dans la Bible hébraïque, lorsque Dieu parle à Moïse dans la scène du buisson ardent. Quand Moïse reçoit les Dix Commandements, il demande à Dieu ce qu’il doit faire si quelqu’un l’interroge et lui demande qui l’a envoyé. Dieu répond : « Je suis celui qui suis. » C’est la parfaite tautologie de l’être : l’autonomination. La parole de Dieu et le savoir qu’elle contient sont incontestables, car il n’y a aucune possibilité didactique d’approcher l’être de Dieu. Dieu est ce qu’il est. Cela fonctionne bien pour la religion qui dépend de la croyance mais cela devient problématique lorsqu’on le transpose dans des domaines du savoir qui, après les Lumières, trouve son fondement dans la raison. Lorsque certains mots ou idées – qui ne sont rien d’autre qu’une articulation de nombreux mots – deviennent sacrés, et d’autres mots ou idées innommables, nous opérons à un niveau religieux : la sainteté contre le blasphème.
La psychanalyse démontre le caractère fondamentalement illusoire de l’être. Ce que nous appelons l’identité est un produit de la parole. Tout peut advenir si on le dit. Dans la proclamation du Dieu monothéiste ou sa manifestation dans la politique identitaire contemporaine, « je suis ce que je dis être », « je suis » dépend de « je dis ». Tout peut être, car tout peut être dit. Cela nous conduit rapidement aux dangers du relativisme, qui sont bien vivants aujourd’hui dans les guerres culturelles. Comment sortir de la soupe cosmique, ambiguë, de l’ontologie et de toutes les prétentions à la vérité ? Lacan pose le problème en constatant le rapport de l’être au discours du maître :
« Pour l’exorciser, il suffirait peut-être d’avancer que quand on dit de quoi que ce soit que c’est ce que c’est, rien n’oblige d’aucune façon à isoler le verbe être. Ça se prononce c’est ce que c’est, et ça pourrait aussi bien s’écrire seskecé. On ne verrait à cet usage de la copule que du feu. On n’y verrait que du feu si un discours, qui est le discours du maître, m’être,ne mettait l’accent sur le verbe être.
[…] Toute dimension de l’être se produit dans le courant du discours du maître, de celui qui, proférant le signifiant, en attend ce qui est un de ses effets de lien à ne pas négliger, qui tient à ceci que le signifiant commande. Le signifiant est d’abord impératif. » (Lacan, 1975)
Jacques-Alain Miller a beaucoup enseigné sur la distinction entre être et existence dans le cadre de l’expérience psychanalytique dans son séminaire « L’être et l’Un » (2010-2011). Tout ce qui est dit peut être, mais cela ne veut pas dire que quelque chose existe. Pour que quelque chose tienne au niveau de l’existence, il faut que cela passe l’épreuve de la démonstration. Ce qui existe est ce qui peut être démontré logiquement ; il faut que cela puisse être écrit. Pour Lacan, l’écriture a un statut spécifique qui se rapporte à son projet de formalisation mathématique. Il s’agissait pour lui de tenter de démontrer et de transmettre un savoir sur la psychanalyse sans tomber dans l’illusion d’établir une science de la psychanalyse :
« La formalisation mathématique est notre but, notre idéal. Pourquoi ? Parce que seule elle est mathème, c’est-à-dire capable de se transmettre intégralement. La formalisation mathématique, c’est de l’écrit, mais qui ne subsiste que si j’emploie à le présenter la langue dont j’use. C’est là qu’est l’objection – nulle formalisation de la langue n’est transmissible sans l’usage de la langue elle-même. C’est par mon dire que cette formalisation, idéal métalangage, je la fais ex-sister. C’est ainsi que le symbolique ne se confond pas, loin de là, avec l’être, mais qu’il subsiste comme ex-sistencedu dire. C’est ce que j’ai souligné, dans le texte dit L’Étourdit, de dire que le symbolique ne supporte que l’ex-sistence.
En quoi ? C’est une des choses essentielles que j’ai dites la dernière fois – l’analyse se distingue entre tout ce qui a été produit jusqu’alors du discours, de ce qu’elle énonce ceci, qui est l’os de mon enseignement, que je parle sans le savoir. Je parle avec mon corps, et ceci sans le savoir. Je dis donc toujours plus que je n’en sais.
[…] Il y a du rapport d’être qui ne peut pas se savoir. C’est lui dont, dans mon enseignement, j’examine la structure, en tant que ce savoir – je viens de le dire –impossible est par là interdit. C’est ici que je joue de l’équivoque – ce savoir impossible est censuré, défendu, mais il ne l’est pas si vous écrivez convenablement, l’inter-dit, il est dit entre les mots, entre les lignes. Il s’agit de dénoncer à quelle sorte de réel il nous permet l’accès.
Il s’agit de montrer où va sa mise en forme, ce métalangage qui n’est pas, et que je fais ex-sister. Sur ce qui ne peut être démontré, quelque chose pourtant peut être dit de vrai. C’est ainsi que s’ouvre cette sorte de vérité, la seule qui nous soit accessible, et qui porte, par exemple, sur le non-savoir-faire. »
Ce passage dense du célèbre séminaire de Lacan, Sur la sexualité féminine, les limites de l’amour et du savoir (1972-1973), offre un indice pour nous sortir de l’impasse des débats sur la liberté d’expression. Ce qui distingue la psychanalyse, en tant que discours, des autres discours, c’est que nous ne savons pas ce que nous disons parce que nous parlons avec notre corps. Il n’y a pas de savoir sans le corps qu’est l’inconscient. Jacques-Alain Miller a bien dit comment Lacan a fait progresser l’inconscient freudien pour produire un nouveau terme, le parlêtre, et finalement le corps parlant. L’impossible à savoir, ce qui est interdit entre les mots, c’est la jouissance produite par les corps qui parlent. La psychanalyse vise à exposer ce qui ne peut être dit, qui est la condition même de la parole, la jouissance – un concept psychanalytique au cœur de l’œuvre de Lacan –, qui résiste toujours au savoir et à la représentation. Le savoir sur la vérité de la jouissance ne peut être qu’une vérité mensongère face au réel comme impossible.
À ce moment-là, Lacan (1972) affirme que c’est la seule vérité qui nous soit accessible. Cela fait écho à un point central du Séminaire XVII, « Vérité, sœur de jouissance ». Miller, dans « L’économie de la jouissance » (2008), souligne une équivoque fondamentale dans la tournure lacanienne du cogito cartésien : « se jouit » contient les mêmes lettres et les mêmes sons que « je suis ». La vérité de « je suis » contient la formule d’un corps qui jouit. On voit ici pourquoi, dès lors qu’il est question de vérité, il y a tant de souffrances et de conflits irréconciliables. Dans la clinique, à l’Université et dans la rue, la vérité et la jouissance ont trouvé une sororité. On ne rencontre pas l’une sans l’autre.
Vers un nouvel engagement éthique
L’histoire du vitrum flexile (verre flexible) est une fable morale qui exhorte l’inventeur à se méfier des découvertes qui ne sont pas les bienvenues en leur temps et leur lieu, même si ici l’obstacle est l’avidité égoïste plutôt que l’arrogance idéologique. Le satiriste romain Pétrone raconte comment un homme a tendu un verre à l’empereur Tibère, l’a délibérément laissé tomber par terre, puis a réparé la bosse avec un petit marteau. En apprenant que son visiteur était la seule personne à connaître le secret du vitrum flexile, Tibère a immédiatement fait décapiter l’homme. De peur que l’or et l’argent de l’empereur ne perdent de leur valeur… L’histoire des sciences et de la médecine regorge d’exemples de dogmes entravant le progrès. L’explication du système solaire héliocentrique a mis Galilée en danger de mort. L’expression métaphorique « réflexe de Semmelweis » fait référence au réflexe de rejet de nouvelles connaissances qui remettent en cause les croyances dominantes. Elle commémore la lutte d’Ignace Semmelweis pour combattre la fièvre puerpérale et réduire la mortalité en se lavant les mains avec une solution chlorée, une pratique qu’il fondait sur l’observation empirique selon laquelle beaucoup plus de femmes mouraient dans les cliniques où médecins et étudiants en médecine pratiquaient à la fois des autopsies et des actes obstétriques. Ce n’est qu’après sa mort que ses avertissements et ses preuves ont gagné en crédibilité. Plus proche de nous, Albert Einstein n’a jamais reçu le prix Nobel pour sa théorie de la relativité : même après la claire démonstration de sa validité, l’antisémitisme croissant, y compris l’accusation selon laquelle la relativité était une « science juive » frauduleuse, a empêché sa reconnaissance. Einstein a bien reçu le prix Nobel de physique en 1921, mais uniquement pour ses travaux sur l’effet photoélectrique (Friedmann, 2022).
Le sexe, avec son pouvoir de structurer la psyché humaine, est un champ de bataille social, économique et moral dont l’histoire témoigne depuis ses débuts. Par sa complexité, le sexe est non seulement un sujet mais un agent causal de l’histoire, de la musique, de l’art, de la littérature, du cinéma… Les actes sexuels peuvent être considérés comme sublimes ou sordides, sacrés ou criminels, voire parfois tout cela à la fois, et la manière dont les sociétés émettent ces jugements dépend fortement du temps et du lieu. Mais si nous voulons poursuivre le cours de la civilisation, alors l’intellect et l’objectivité doivent prendre le pas sur le réflexe et l’émotion.
Le sexe est une cible tentante pour la législation et les législateurs se sont parfois arrogé – y compris récemment – le rôle de juger ce qui peut ou non être enseigné ou écrit dans une revue universitaire. En 1999, la Chambre des représentants des États-Unis a voté à 355 voix contre 0 pour condamner une méta-analyse scientifique publiée dans le Psychological Bulletin, une revue de l’American Psychological Association, sur l’impact des abus sexuels sur ceux qui en ont été victimes enfants. Exaspéré, Jonathan Rauch, chercheur à la Brookings Institution, a observé :
« Je ne sais pas qui a raison, vous non plus, et le Congrès américain non plus. La science est souvent imparfaite et la plupart des scientifiques ont des préjugés. La réponse est que d’autres scientifiques ayant des préjugés différents doivent faire plus de recherche. La critique consciencieuse, aussi féroce soit-elle, contribue à faire avancer ce processus. Mais le processus compte sur les critiques pour qu’elles fassent l’effort d’être honnêtes. » (Rauch, 1999)
La demande éphémère de la Floride de supprimer les sections sur le sexe et le genre du cours de psychologie de niveau universitaire Advanced Placement (AP) a signalé un dogmatisme déplacé par rapport à la nature du sujet. Le fait que le ministère de l’Éducation de Floride ait cédé n’atténue que modérément une menace inquiétante d’intrusion de l’État (Blake, 2023).
Sur les campus universitaires enclins à l’activisme politique et social, les questions LGBTQ+ et d’identité de genre sont devenues des sujets brûlants. Le 18 avril 2023, un débat sur l’identité de genre à l’Université de Pittsburgh s’est déroulé comme prévu, mais des manifestants ont bloqué les rues entourant le lieu et l’effigie d’un des participants a été brûlée (Schneider, 2023). Riley Gaines, une nageuse américaine qui s’est publiquement opposée à la participation d’athlètes transgenres à des sports universitaires, a fait face à une foule hostile lorsqu’elle a pris la parole à l’Université d’État de San Francisco (Jacques, 2023). Le 7 septembre, un petit groupe d’étudiants du Washington College a fait taire le professeur de jurisprudence McCormick de l’Université de Princeton, venu donner une conférence sur « The Truth-Seeking Mission of the University », en raison de ses déclarations antérieures sur les questions transgenres (Bontranger, 2023). Le problème ne se limite pas aux États-Unis : en témoignent l’affaire de la clinique Tavistock en Angleterre (ci-dessous) et le cas de la professeure Kathleen Stock.
Jusqu’en octobre 2021, Kathleen Stock était professeure de philosophie à l’Université du Sussex, après avoir été nommée Officier de l’Ordre de l’Empire britannique (OBE) en 2020. Tout en défendant les droits des personnes transgenres, la docteure Stock a clairement indiqué que les espaces réservés aux femmes devaient être protégés : « De nombreuses femmes transgenres sont toujours des hommes avec des organes génitaux masculins, beaucoup sont attirées sexuellement par les femmes et elles ne devraient pas se trouver dans des endroits où les femmes se déshabillent ou dorment de manière totalement libre. » Elle a décrit cela comme « un problème structurel général dans notre société et la façon de le traiter » (Doherty-Cove, 2018). Sa position a déclenché des réactions de fureur. Quelque 600 philosophes universitaires se sont opposés à sa nomination à l’OBE, bien que 400 l’aient défendue ; les étudiants de l’Université du Sussex ont exigé son licenciement. La police lui a conseillé d’installer des dispositifs de sécurité à son domicile et d’utiliser des gardes du corps sur le campus (Griffiths, 2021). Le vice-chancelier de l’université a qualifié son traitement de « harcèlement et intimidation ». Son apparition en mai 2023 à l’Oxford Union a été perturbée (Weaver, 2023).
Le fait que le sexe soit également un champ de bataille idéologique ne surprendra personne dans le monde psychanalytique. Mais a fortiori, étant donné la vulnérabilité de l’exploration de la sexualité humaine aux forces politiques et religieuses, c’est la sonnette d’alarme qui résonne dans la nuit lorsque les universitaires et les cliniciens deviennent l’objet de la censure des revues professionnelles, des associations professionnelles et des institutions universitaires pour leurs prises de position sur des questions controversées en matière d’identité de genre. À l’aune de la férocité de ces batailles contemporaines, les arguments académiques et cliniques entourant la suppression définitive de l’homosexualité dans le DSM-III de la nosologie antérieure semblent iréniques. Après tout, ce processus incluait un débat lors de la réunion annuelle de l’American Psychological Association et même un référendum des membres, il faut l’admettre après coup (Drescher, 2015). Il n’en a pas été de même dans le choc des opinions concernant la dysphorie de genre et les soins médicaux affirmant le genre, et ce choc illustre la crise de la liberté académique au sein des communautés académiques et cliniques. Dans le monde clinique, ceux qui croient que toute approche de l’identité de genre peut représenter une « science établie » limitent leur propre vision et font tort aux personnes qui sollicitent leurs conseils et leur traitement. Maintenir le droit d’annuler et de censurer ceux qui remettent en question les hypothèses théoriques est une atteinte aux fondements de l’Académie, à l’éthique médicale et à la base du développement des connaissances en psychanalyse.
La rétractation d’articles scientifiques est relativement rare : elle est estimée à 0,05 % des près d’1,5 million d’articles publiés chaque année (Oransky & Marcus, 2016). Deux tiers de ces rétractations sont dues à une mauvaise conduite universitaire. Les rétractations pour des raisons de contenu sont assez rares. Pourtant, Springer Nature Group, l’éditeur des Archives of Sexual Behavior, s’est rétracté pour « Rapid Onset Gender Dysphoria : Parent Reports on 1655 Possible Cases », coécrit par J. Michael Bailey, professeur principal de psychologie à l’Université Northwestern, et une militante qui travaille sous le pseudonyme de Suzanna Diaz. L’anxiété que Diaz ressent quant aux implications de son travail, en particulier pour sa fille, dont Suzanna pense qu’elle présente une dysphorie de genre à apparition rapide, est déjà un indice que cet épineux problème de la sexualité humaine nécessite davantage, et non moins, d’examen professionnel. L’article reconnaît les difficultés heuristiques de cette tâche : « Au moins deux problèmes liés limitent potentiellement cette recherche. » Mais la réponse hostile a été rapide et répressive, aboutissant à la rétractation de l’article par Springer.
Bailey a une longue histoire de contestation de l’opinion dominante. Son livre de 2003, The Man Who Would Be Queen, un ouvrage sur l’orientation sexuelle et le genre destiné au grand public, a déclenché une tempête de réactions qui a duré plusieurs années. Avant que les tensions ne s’apaisent, Northwestern a mené une enquête d’un an, qui a entravé le travail de son laboratoire. Le New York Times a rapporté que « deux chercheurs ont déclaré qu’un responsable des subventions gouvernementales leur a conseillé de se distancier du docteur Bailey pour améliorer leurs chances d’obtenir un financement » (Carey, 2007). Comme le rapporte le New York Times, le professeur de neurobiologie Ben Barres de l’Université de Stanford a observé que « Bailey semble gagner sa vie en affirmant que les choses que les gens tiennent pour vraies ne sont pas vraies ». Pour quiconque dans le domaine scientifique, cela devrait être un compliment et non une critique. Le New York Times poursuit : « Ce qui est arrivé à Bailey est important, car le harcèlement était extrêmement grave et cela pourrait arriver à n’importe quel chercheur dans ce domaine », a déclaré Alice Dreger, spécialiste de l’éthique et défenseuse des droits des patients, anciennement à l’Université de Northwestern, qui, après avoir mené une longue enquête sur les actions du docteur Bailey, a conclu qu’il était essentiellement irréprochable. « Si nous voulons faire de la recherche, alors nous aurons des gens qui diront des choses impopulaires, et si c’est ce qui leur arrive, alors nous aurons des problèmes, non seulement pour la science mais aussi pour la liberté d’expression elle-même. » (Carey, 2007)
De telles questions sont au cœur des soins aux patients. Elles ne seront pas réglées facilement, peut-être jamais, mais le silence est la pire approche pour résoudre les divergences d’opinion. La clinique Tavistock a fermé son service de développement de l’identité de genre en 2022, accablée par les critiques : « Le personnel de santé s’est senti obligé d’adopter une “approche affirmative et inconditionnelle” » ; et « une fois que les patients sont identifiés comme souffrant de détresse liée au genre, d’autres problèmes de santé qu’ils avaient, comme la neurodivergence, “peuvent parfois être négligés.” » (Andersson, 2022)
L’effondrement intellectuel est toujours le prologue de la souffrance. En 2018, un réseau d’une centaine de membres d’universités britanniques ont exprimé leur inquiétude face à « la suppression d’analyses et de discussions universitaires appropriées sur le phénomène social du transgérisme, et ses multiples causes et effets » (Lettre ouverte au Guardian, 2018). Ils ont signalé qu’en raison de leurs opinions, ils ont fait l’objet d’appels au licenciement et de tentatives de censure. À la lumière des enquêtes sur Tavistock, leurs inquiétudes sont justifiées. L’histoire de J. Michael Bailey et des tribulations de la clinique Tavistock ne sont pas des incidents isolés. En 2015, sous les acclamations vigoureuses des militants pour l’égalité des sexes, le Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto (CAMH) a congédié le docteur Kenneth Zucker de la direction de la Clinique d’identité sexuelle pour enfants et adolescents, et a fermé la clinique. La décision du CAMH a été prise peu de temps après une plainte de Rainbow Health Ontario. Kwame McKenzie, directeur médical du programme pour enfants, adolescents et familles du CAMH, a déclaré : « Nous tenons à nous excuser du fait que toutes les pratiques de notre clinique d’identité sexuelle infantile ne sont pas en phase avec les dernières réflexions. » (Ubelacker, 2015) Au moment de son licenciement, Zucker était depuis peu président du groupe de travail de l’American Psychiatric Association sur les troubles sexuels et de l’identité sexuelle pour le DSM-5, et il continue d’être le rédacteur en chef des Archives of Sexual Behavior. Adoptant une approche prudente pour « ne pas nuire » aux enfants préadolescents de genre variant, la clinique du docteur Zucker a soutenu les adolescents en quête de transition mais a encouragé les enfants à explorer leur sexe de naissance, et elle a pris soin de dépister les comorbidités, notamment l’autisme et la dépression, plutôt que de passer trop rapidement à des interventions d’affirmation de genre. Le principe clinique est simple, malgré ses ramifications socialement complexes : ne pas se précipiter sur une solution avant que la question ne soit posée.
La psychanalyse orientée par Lacan se distingue par son traitement non discriminatoire des normes. Elle remet en cause toutes les normes, qu’elles soient progressistes ou conservatrices. Cliniquement, elle ne semble pas prêter à controverse : tout ce qui est dit peut être remis en question car dans la parole, la possibilité pour le sujet de l’inconscient, le sujet du désir, d’émerger est essentielle pour aborder les symptômes singuliers que les êtres parlants utilisent pour créer une place dans l’Autre. Une façon de comprendre la psychopathologie est de considérer que nous sommes tous malades, en vertu du fait que nous sommes des êtres sexués par la rencontre avec le langage, ce qui n’a pas grand-chose à voir avec la biologie ou l’anatomie. La clinique de la psychanalyse s’ouvre autour de ce problème même de l’existence de deux signifiants, « homme » et « femme ». Dans le Séminaire XX, Lacan va droit au but : « Les hommes, les femmes et les enfants, ce ne sont que des signifiants. » (Lacan, 1975)
Quelle que soit la raison dernière pour laquelle McKenzie a jugé justifié de fermer la clinique et de licencier son directeur de longue date, cette justification n’a pas résisté au procès, et le CAMH a versé à Zucker plus d’un demi-million de dollars de dommages et intérêts et frais juridiques, et a dû lui présenter ses excuses… Le Gender Identity Clinic (GIC) n’en demeure pas moins fermé et le CAMH affirme : « Nous croyons que notre approche modernisée de prestation de services aux jeunes soutient mieux les patients diversifiés grâce aux meilleures pratiques et à des soins rapides. » (La Presse Canadienne, 2018)
L’attaque contre Kenneth Zucker est à mettre un parallèle avec les expériences de Lisa Littman, médecin et chercheuse scientifique qui a utilisé pour la première fois le terme « dysphorie de genre à apparition rapide » dans un article de 2018 publié dans PLOS One. Littman occupait le poste de professeure adjointe à la Brown University School of Public Health. Dans le mois qui a suivi sa publication, Brown a retiré de son site web le communiqué de presse annonçant l’article et l’a remplacé par une mise en garde. Bess Marcus, doyenne de la Brown’s School of Public Health, a précisé que l’étude de Littman « pourrait être utilisée pour discréditer les efforts visant à soutenir les jeunes transgenres et invalider les points de vue des membres de la communauté transgenre » (Wadman, 2018). Littman n’était pas titulaire, elle n’occupait pas un poste permanent et Brown a effectivement mis fin à son lien académique avec l’université. Les défauts méthodologiques mentionnés par les critiques étaient suffisamment valables pour que Littman modifie l’article, que PLOS One a finalement republié, mais la crainte du doyen que les conclusions puissent « invalider les perspectives » trahit un état d’esprit plus destructeur : une concession aux activistes. Jeffrey S. Flier, ancien doyen de la Harvard Medical School, a observé :
« De plus en plus, la recherche sur des sujets politiquement sensibles fait l’objet d’attaques aveugles sur les réseaux sociaux, ce qui peut à son tour faire pression sur les administrateurs de l’école pour qu’ils renversent les normes établies concernant la protection de la libre recherche universitaire. Il faut lancer une campagne pour mobiliser la communauté universitaire afin de protéger notre capacité à mener et à communiquer de telles recherches, que les méthodes et les conclusions suscitent ou non la controverse, voire l’indignation. Le droit des professeurs d’université à poursuivre leurs travaux sur des questions qui les intéressent, sans contrôle ni harcèlement, est un élément essentiel de la liberté académique. » (Flier, 2018)
Les inquiétudes de Flier n’étaient pas vraiment injustifiées, comme il l’a lui-même clairement indiqué dans un discours à l’Association of American Physicians et dans un essai ultérieur paru dans Quillette (Flier, 2024).
Parmi les autres atteintes à la liberté académique qui érodent les principes de l’enseignement supérieur et la pratique de la médecine figure l’affaire de la professeure Carole Hooven. Jusqu’en 2021, la docteure Hooven a codirigé des études de premier cycle dans le département de biologie évolutive de Harvard. Son cours sur « Hormones et comportement » a été nommé par le Harvard Crimson comme l’un des dix meilleurs cours. En 2021, elle a publié Testosterone. The Story of the Hormone that Dominates and Divides us. Dans une interview sur Fox & Friends, elle a affirmé que le mâle et la femelle « sont de véritables catégories biologiques reproductives. Ils sont importants. Ils sont basés sur les types de gamètes que nous produisons », avant d’ajouter : « Mais ce ne sont que des faits de la nature, et cela ne nous empêche pas de respecter l’expression et l’identité de genre de chacun. » (Hooven, 2024) Face à cette professeure de biologie évolutionniste qui, somme toute, ne faisait que partager à la fois son expertise et sa connaissance des questions de sensibilisation au genre, la réaction à Harvard a été féroce. Après cette brève interview, la directrice du « Diversity, Equity, and Belonging Taskforce » de son département a publié un tweet qualifiant ses propos de « transphobes » et de « dangereux », et une pétition du syndicat des étudiants diplômés l’a attaquée. Aucun membre de l’administration de Harvard n’a pris sa défense, ni le président de son département ni la doyenne de la Faculté des Arts et des Sciences de Harvard, Claudine Gay (qui fut également présidente de Harvard). Sa brillante carrière de vingt ans d’enseignement s’est rapidement effondrée. Aucun étudiant diplômé n’a plus accepté de travailler comme chargé de cours dans son cours magistral qui comptait régulièrement soixante-dix étudiants. Elle a pris sa retraite de son poste de maître de conférences permanent, mais a elle a été accueillie dans le laboratoire de Steven Pinker, professeur de psychologie de la famille Johnston de Harvard, ce qui lui a permis de poursuivre ses recherches et ses écrits (Hooven, 2023).
Après le soulèvement de mai 1968 à Paris, Lacan s’est intéressé à la structure des discours qui organisent les liens sociaux. Se rangeant politiquement du côté des protestations étudiantes, Lacan (1969) a déclaré : « Ce à quoi vous aspirez comme révolutionnaires, c’est à un maître. Vous l’aurez. » L’idée selon laquelle la révolution elle-même fait partie des machinations du discours du maître est désormais monnaie courante, mais elle semble être négligée lorsque les tentatives de supplanter l’ancien ordre de domination installent si rapidement un nouveau régime de contrôle, la suppression de la liberté académique et des tentatives de domination du langage lui-même. La suppression des données et des preuves pour protéger les formations identitaires menace l’heuristique même de la science et des soins aux patients. Luana Maroja, professeure de biologie au Williams College, a rapporté :
« Le NIH met désormais des barrières à l’accès à l’importante base de données “Génotypes et phénotypes (dbGaP)”. Cette base de données est un étonnant outil qui combine les génomes (la composition génétique unique de chaque individu) et les phénotypes (les caractéristiques observables de chaque individu) de millions de personnes. Ces phénotypes incluent l’éducation, la profession, la santé et les revenus, et, comme l’ensemble de données relie la génétique au phénotype au niveau individuel, il est essentiel pour les scientifiques qui veulent comprendre les gènes et les voies génétiques qui se cachent derrière ces phénotypes.
Le NIH refuse désormais aux scientifiques l’accès à ces données et à d’autres ensembles de données connexes. Les chercheurs rapportent que des permis leur ont été refusés au motif que leur base de données est “stigmatisante”. Selon un chercheur, il en va ainsi même si la recherche n’a rien à voir avec la race ou le sexe mais se concentre sur la génétique et l’éducation.
Les censeurs et les gardiens supposent simplement – sans preuve – que la recherche sur la population humaine est malveillante et doit être arrêtée. Les coûts de ce type de censure, à la fois auto-imposée et idéologique, sont profonds ; l’apprentissage des étudiants est compromis et des recherches importantes ne sont jamais menées. Le danger de fermer autant de voies de recherche est que la science elle-même devient une extension de l’idéologie, et qu’elle n’est plus une entreprise fondée sur la recherche de la connaissance et de la vérité. » (Maroja, 2022)
La perspective biologique, qui étudie les génomes, occupe un tout autre discours que celui de la psychanalyse, un discours que nous pourrions juger dangereux ou contraire à notre orientation clinique. Pourtant, supprimer cette recherche ou en limiter l’accès présente un risque bien plus grave. En général, la perspective selon laquelle « nous savons mieux, donc vous ne pouvez pas » est une perspective autoritaire. La psychanalyse, en tout cas avec Lacan, porte une éthique anti-autoritaire.
L’impensable et l’impossible
Jeffrey Flier, ancien doyen de la Faculté de médecine de Harvard, a conclu ses propos exprimant son désaccord sur le traitement réservé par l’université Brown à Lisa Littman (évoqué ci-dessus) par cet avertissement :
« Pendant des siècles, les universités se sont battues pour protéger la capacité de leurs facultés à mener des recherches considérées comme offensantes par l’Église, l’État ou d’autres puissantes instances. Leur succès à cet égard représente l’un des grands triomphes intellectuels des temps modernes, un triomphe qui se trouve au fondement des sociétés libérales. C’est pourquoi les enjeux sont élevés à l’Université Brown. Ses dirigeants ne doivent pas permettre qu’une seule question politiquement sensible – y compris la dysphorie de genre – devienne le point d’orgue d’un conflit qui sape progressivement nos précieuses libertés académiques durement gagnées. » (Flier, 2018)
Si la psychanalyse a sa place dans le conflit entourant la liberté académique, ce n’est certainement pas pour soutenir une idéologie plutôt qu’une autre. L’analyse est le seul discours qui ne soit pas fondé sur la domination, elle est l’inverse du discours du maître. Les analystes en tant qu’individus ou les groupes d’analystes entrent bien sûr dans la sphère politique, comme n’importe quel individu ou groupe. Mais dans la pratique psychanalytique, il est primordial de pouvoir séparer la personne de l’analyste de la fonction de l’analyste. La psychanalyse n’a pas sa place dans la tentative de préserver des systèmes de valeurs, qu’ils soient patriarcaux ou progressistes. Elle n’a pas non plus sa place dans la gouvernance ou la décision au niveau de la politique, de la législation et même de la pratique clinique de ce que l’on décide de faire de son corps. Vouloir « le meilleur » pour un patient et vouloir « l’aider » présente un risque sérieux dans le traitement, tant sur le plan éthique que clinique. L’insistance postfreudienne sur « l’abstinence » du psychanalyste est toujours d’actualité, même si elle a un sens nouveau : s’abstenir d’aider.
Mais le pari de la psychanalyse est d’offrir un lieu d’investigation, par la voie de la parole, du nouage imaginaire, symbolique et réel propre à chacun. Nous ne pouvons pas contrôler les corps, tout comme nous ne pouvons pas prétendre dominer les signifiants. L’expérience de la psychanalyse atteste qu’il existe une jouissance propre au fait d’avoir un corps, qui est fondamentalement inréglable et qui résiste à la connaissance de celui-ci. Cela ne signifie pas que pour chacun qui ose entrer en analyse, il n’y a pas une invention subjective qui permet un nouveau rapport à cette jouissance interminable qui fait partie intégrante de la vie. Ce que la psychanalyse en tant que pratique peut revendiquer pour elle-même et pour l’Académie dans son ensemble, pour citer à nouveau le rapport du Comité C. Vann Woodward de Yale, c’est « le droit de penser l’impensable, de discuter de l’innommable et de remettre en question l’incontestable ».
Comment la psychanalyse peut-elle entrer dans ce débat sans se retrouver réabsorbée dans la politique de l’imaginaire ?
Lacan a insisté sur le fait que la psychanalyse est affaire de mots. Suivons cette indication. Dans « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », il a renouvelé la découverte de l’inconscient par Freud, précisément en tant que linguistique : « Tel est l’effroi qui s’empare de l’homme à découvrir la figure de son pouvoir qu’il s’en détourne dans l’action même qui est la sienne quand cette action la montre nue. C’est le cas de la psychanalyse. La découverte – prométhéenne – de Freud à été une telle action ; son œuvre nous l’atteste […]. » (1966) La psychanalyse ne peut résoudre la lutte avec les mots qui alimentent les conflits idéologiques et politiques à l’intérieur et à l’extérieur de l’Université. Les efforts pour contrôler le langage se retournent contre nous parce que l’inconscient nous domine. Au lieu de cela, les psychanalystes étudient les mots, en particulier les mots interdits et les idées refoulées. Si nous pouvons retenir quelque chose des contributions de Freud et de Lacan à l’étude du savoir, c’est le manque de sens dans le sexuel, l’ab-sens sexuel. Ce qui est impossible à inscrire dans le savoir est souvent aussi impossible à supporter. Le sexuel est réel même si le genre se réduit à un terrain de jeu de signifiants. Pourtant, si nous explorons le terrain du non-rapport sexuel qui fonde une orientation psychanalytique, nous sommes mieux à même de situer les fictions qui suscitent des conflits sociaux et idéologiques autour de ce trou dans le savoir. Il ne s’agit pas d’une solution aux problèmes sociaux mais d’une perspective sur notre destin d’êtres parlants – de lutter contre l’impossible.
Notes
1. Pour plus de références sur le développement de la sexuation par Lacan, voir Brousse, M.H., Mode de jouir au féminin, Navarin éditeur, 2021.
2. Voir le thème des 52e Journées de l’École de la cause freudienne : « Je suis ce que je dis. Dénis contemporains de l’inconscient. »
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Schneider, S. (19 avril 2023), “Protesters shut down streets around Pitt University during controversial gender identity debate” [« Des manifestants ont fermé les rues autour de l’Université Pitt pendant un débat controversé sur l’identité sexuelle »], dans Witf : https://www.witf.org/2023/04/19/protesters-shut-down-streets-around-pitt-university-during-controversial-gender-identity-debate/ ; Reeve, E., Guff, S. (8 avril 2023)., “When a conservative podcaster came to campus, students did not want to listen” [« Lorsqu’un podcasteur conservateur est venu sur le campus, les étudiants n’ont pas voulu l’écouter »], dans CNN US : https://www.cnn.com/2023/04/28/us/pittsburgh-student-protest/index.html
La Presse canadienne (7 octobre 2018), “CAMH reaches settlement with former head of gender identity clinic” [« Le CAMH parvient à une entente avec l’ancien chef de la clinique d’identité sexuelle »], dans CBC : https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/camh-settlement-former-head-gender-identity-clinic-1.4854015
Ubelacker, S. (16 décembre 2015), “CAMH to ‘wind down’ gender identity clinic after damning review” [« Le CAMH va “fermer” la clinique d’identité de genre après une évaluation accablante »], dans Global NEWS : https://globalnews.ca/news/2404068/camh-to-wind-down-gender-identity-clinic-after-damning-review/
Université du Sussex (28 octobre 2023). Message du vice-chancelier.
Wadman, M. (30 août 2018), “New paper ignites storm over whether teens experience ‘rapid onset’ of transgender identity” [« Un nouvel article suscite une tempête sur la question de savoir si les adolescents connaissent un “début rapide” d’identité transgenre »], dans Science : https://www.science.org/content/article/new-paper-ignites-storm-over-whether-teens-experience-rapid-onset-transgender-identity
Weaver, M. (30 mai 2023), “Trans activists disrupt Kathleen Stock speech at Oxford Union” [« Des militants transgenres perturbent le discours de Kathleen Stock à Oxford Union »], dans The Guardian : https://www.theguardian.com/society/2023/may/30/trans-activists-disrupt-kathleen-stock-speech-at-oxford-union
