L’Éditorial

Il y a en France une passion pour l’Italie et La Règle du jeu en a témoigné à de nombreuses reprises. Dans ce qu’elle a de meilleur, l’Italie est unique et irrésistible. Elle nous accompagne intellectuellement et poétiquement. Elle représente une émotion singulière, la certitude d’un bonheur ou la mémoire d’un moment précieux. De Florence, Milan, Naples, Palerme, Rome, Turin, Venise, Ferrare au moins un roman, un film, un retable, une église, un musée, une place, une fontaine ou un crépuscule nous hante, nous porte, nous illumine. Et sans doute avons-nous tous à l’esprit un modèle de voiture rouge vif, le nom d’une équipe de football, une chanson, un air d’opéra. Il y a, oui, une « mythologie Italie ». Elle est splendide. Mais face à ce qui se produit aujourd’hui dans ce pays auquel nous sommes si liés, la « mythologie » doit laisser pour un temps place à l’analyse, à la raison. Car c’est la stupéfaction et la consternation désormais qui s’imposent. Et nous sommes d’autant plus préoccupés que, comme le rappellent des auteurs que nous avons réunis dans ce volume, l’Italie a été à plusieurs reprises au cours du dernier siècle une forme de laboratoire sulfureux d’évolutions politiques développées ensuite ailleurs. 

Un triple mouvement nous a donc engagés à consacrer un grand dossier à la situation politique de la Péninsule. Cette dimension laboratoire tout d’abord qu’il nous faut analyser de près pour mieux comprendre ce qui s’y passe, ce qu’est ce gouvernement Meloni, son action, son imaginaire politique, ses références. Et par voie de conséquence ce qu’impliquerait dans l’appareil d’État, dans la presse, dans les musées et les théâtres, dans l’esprit d’une nation, pour les minorités, pour les migrants, pour celles et ceux qui n’appartiennent pas à la majorité nationaliste mais cultivent la marge, l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en France. La volonté ensuite de prendre la mesure de l’évolution de l’Italie depuis vingt-cinq ans pour comprendre en profondeur les malaises qui la traversent, saisir ce qui a pu pousser une majorité d’électeurs italiens à faire des choix populistes depuis l’apparition du Mouvement 5 étoiles, de la Ligue et de Fratelli d’Italia, mettre en évidence le malaise social qui ronge une société vieillissante, et enfin rappeler les années d’extrême violence – les années de plomb, les années de la stratégie de la tension, de l’attentat de la piazza Fontana à Milan en décembre 1969 à l’attentat de la gare de Bologne en août 1980, en passant par l’assassinat d’Aldo Moro au printemps 1978 – mais aussi les meurtres commandités par la mafia, sur ce que représentèrent les morts des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, à cinquante-sept jours d’intervalle, en 1992. Toute cette violence est présente dans la mémoire commune des Italiens, d’autant plus présente que de nombreuses zones d’ombre demeurent quant aux conditions dans lesquelles un tel déchaînement de terreur a pu naître et se déployer. Enfin, et troisième raison qui nous a engagés dans la réalisation de ce dossier, il y a une échéance électorale cruciale dans quelques mois. Avec ce mois de septembre 2023, nous entrons en effet dans une période d’une importance majeure pour l’Europe. Sur fond d’invasion russe barbare, odieuse et cruelle pour les Ukrainiens, redoutable pour l’équilibre géopolitique de notre continent, se prépare la campagne des prochaines élections au Parlement européen, en juin 2024. Ne nous trompons pas, ces élections ne sont pas secondaires parce qu’européennes. Précisément, elles sont pour cette raison absolument prioritaires, et plus encore compte tenu de la situation politique en France. Dès maintenant, il est ainsi capital que plus encore que par le passé nous nous hissions à la hauteur que requiert cet engagement européen. Cela implique une curiosité intellectuelle pour nos voisins, les plus proches comme les plus éloignés, une volonté de comprendre, au-delà des facilités, des poncifs parfois, la réalité sociale, politique, culturelle des pays qui travaillent à nos côtés depuis des décennies à élaborer un destin commun pour notre continent. Cela implique des échanges et des débats. Cela invite à développer des réseaux, des plateformes, des forums au niveau du continent. Cela doit nous inciter à renouer avec cette belle idée d’une Europe de la pensée, d’une Europe des intellectuels dont des positions communes, des convictions partagées auront, c’est notre conviction, un réel poids politique. 

Dans cet esprit nous avons réuni tous ceux que vous allez lire au sein de ce numéro.
Écrivains et intellectuels, journalistes et universitaires, politiciens et éditeurs, de générations différentes, d’expériences multiples, ce sont des voix parmi les plus respectées et recherchées en Italie, pour certaines méconnues encore en France, évidemment contestées, vilipendées parfois, par celles et ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir. Des voix singulières que nous sommes heureux et fiers de vous proposer. Des voix singulières qui ont immédiatement voulu témoigner à la faveur d’un essai, d’une fiction, d’un entretien afin de faire comprendre à Paris et en France tous les enjeux de ce qui se joue en ce moment en Italie. 

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La disparition de Silvio Berlusconi en juin dernier, huit mois après les élections législatives du 25 septembre 2022 qui avaient permis à la coalition des trois droites (Fratelli d’Italia, Ligue et Forza Italia) d’arriver en force à la Chambre des députés comme au Sénat, puis de former un gouvernement sous la férule de Giorgia Meloni, ce décès d’un homme dont les derniers mois auront été marqués par la pathétique apologie de Poutine, a renforcé le duo populiste de droite extrême. Conscients qu’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, Giorgia Meloni et Matteo Salvini sont à la fois complices et ennemis politiques, leur attitude agressive à l’endroit des réfugiés et le rejet de la vision de l’Europe défendue actuellement par Ursula von der Leyen formant le socle de leur accord. L’association de ces trois droites était étrangement qualifiée de coalition de centre-droit. La mort du Cavaliere déchire ce voile pudique qui ne trompait personne mais avec lequel les Italiens préféraient couvrir l’identité réelle de cette majorité. L’Italie a bel et bien à sa tête un gouvernement comme aucun autre État d’Europe occidentale n’en a connu depuis des décennies : un gouvernement d’extrême droite. 

De Berlin, Bruxelles ou Paris, une attention distraite à ce qui se passe dans la Péninsule depuis l’automne 2022 pourrait conclure à une fausse alerte. Dès son arrivée au palais Chigi, Giorgia Meloni a en effet soigneusement cherché à gagner une respectabilité au niveau international. À la fois pour rassurer ses partenaires économiques, les milieux financiers et ses alliés au sein de l’OTAN. Autant d’attitudes qui lui ont permis de conforter les fondations de la politique internationale d’un pays fondateur de l’UE sans lesquelles elle n’aurait pu survivre longtemps à la tête du gouvernement et de plus librement entreprendre, en politique intérieure, la révolution qu’elle porte et qui signifie un changement en profondeur de l’Italie d’aujourd’hui et de demain. 

Giorgia Meloni souhaite apparaître comme une conservatrice, rien de plus que la représentante d’une vision conservatrice de la société italienne. Mais la vraie nature du parti qu’elle a créé et dirige émerge régulièrement. Et personne n’est dupe. L’impossibilité de Meloni à rappeler que la Constitution italienne est née de l’antifascisme, son refus de souligner que la justice a définitivement conclu à la responsabilité du terrorisme noir, de l’extrême droite, dans l’attentat de la gare de Bologne, la constance avec laquelle elle s’oppose à faire disparaître la flamme d’origine fasciste de l’emblème de son parti, tout cela est d’une limpidité consternante. Tout aussi éloquente est la difficulté de la présidente du Conseil à tenir ses troupes, à contenir les démons. Conséquence évidente de l’ambiguïté dont elle fait preuve, les expressions des plus radicaux de ses soutiens, de ses compagnons de lutte se multiplient, certains n’hésitant pas, malgré leur responsabilité publique, à mentir ou à mettre en cause la parole du président de la République Sergio Mattarella. 

On l’observe avec toujours plus d’évidence, l’accession au pouvoir de l’extrême droite italienne est par ailleurs une aubaine pour l’esprit de vengeance, pour les théories du complot, pour une vulgarité que l’on sent à son aise, dans les milieux de la culture notamment. La jouissance d’une présence au pouvoir encourage chez certains obscénité et trivialité au nom d’une liberté d’expression qui aurait été muselée par le passé. En un mot, pour l’extrême droite, c’est le grand soir. Ce qui se passe depuis quelques mois à la tête de la RAI est emblématique de ce tournant. La portée culturelle de ce pôle audiovisuel public est connue. Aujourd’hui ce grand symbole est menacé comme il ne l’a jamais été. Plusieurs des figures les plus appréciées pour leur professionnalisme ont annoncé leur départ à la suite de nominations orchestrées par le gouvernement. L’expression décomplexée de la droite extrême aura ainsi un accès prioritaire aux canaux de diffusion des chaînes de radio et télévision publiques. Ils s’ajouteront aux réseaux sociaux où elle est déjà active. Cette situation nouvelle permettra aux thèses des climato-sceptiques, aux affirmations racistes une plus grande audience. Et ce pouvoir télévisuel possédera la faculté de censurer l’adversaire politique ou l’intellectuel de l’autre camp. C’est ce qui est arrivé au début du mois de juillet à l’écrivain et intellectuel Roberto Saviano : la diffusion d’émissions consacrées au crime organisé a été annulée sous la pression de ceux qui sont désormais au pouvoir. 

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Chacune des contributions que vous allez découvrir offre une perspective, un angle de vue, un ton. Des thèmes reviennent, des inquiétudes sont communes, des réflexions se complètent. Les écrivains et écrivains-essayistes, chacun avec son talent, chacun dans un registre particulier, Giosuè CalaciuraGiuliano da EmpoliPaolo GiordanoNicola LagioiaDacia MarainiStefano PiedimonteRoberto Saviano et Antonio Scurati, les universitaires Manuela CaianiLeo GorettiTomaso MontanariGianluca PassarelliMaurizio RidolfiNathalie Tocci, les journalistes et éditorialistes Lucia Annunziata, grande figure de la RAI qui a annoncé récemment son départ, Massimo Giannini, le directeur de La StampaEzio Mauro, éditorialiste à La Repubblica qu’il a dirigée durant vingt ans, Maurizio Molinari, le directeur actuel de La Repubblica et Stefano Montefiori, correspondant à Paris du Corriere della Sera, une éditrice entre Paris et l’Italie, Teresa Cremisi, et trois personnalités politiques dont les propos nous confirment qu’il y a toujours en Italie, même si leur voix est minoritaire actuellement, une hauteur de vue, une volonté de changement et une vigie morale. L’ancien président de la Commission européenne et président du Conseil italien, Romano Prodi, un homme parmi les plus estimés et craints à la fois dans son pays, nous offre une analyse de la situation italienne et une réflexion sur la situation géopolitique du moment, mais également nous propose, et c’est sans doute l’une des parts les plus optimistes de notre dossier, une perspective ambitieuse, un projet de la plus haute importance pour le développement de liens essentiels entre la rive sud de la Méditerranée et l’Europe : la création d’une Université méditerranéenne. Un pari sur l’avenir qui s’oppose en tous points à la peur malsaine de l’étranger, de l’Arabe, de l’Africain prodiguée par des politiciens irresponsables. Elly Schlein, la secrétaire du Parti démocrate élue au printemps 2023, nouvelle figure de la gauche italienne que nous introduisons d’une certaine manière en France, une femme engagée aux positions fermes et résolues face à l’extrême droite et qui porte un projet politique soutenu par des convictions européennes qu’on ne trouve plus guère dans la gauche française, les progrès sociaux et la conversion écologique passant selon elle par une Europe des progressistes. La sénatrice Liliana Segre, pour les raisons que vous découvrirez, a tenu un discours magnifique, il y a quelques mois, au moment d’ouvrir la session parlementaire du Sénat. Après avoir rencontré Carlo Feltrinelli et qui nous ont permis de prendre la mesure de l’importance de la Fondation Giangiacomo Feltrinelli à Milan, de son histoire extraordinaire, nous avons décidé de vous en faire part pour vous inviter à suivre ses activités remarquables qui contribuent à comprendre mieux les maux de l’Italie et participent de l’invention d’idées, de projets pour qu’advienne une autre Italie. 

La couleur générale de cette mosaïque de textes et d’entretiens est sombre. Car l’heure, oui, est grave. L’émergence du populisme de droite qu’incarnent Giorgia Meloni et Matteo Salvini s’inscrit dans une dynamique européenne redoutable qui voit l’AfD en passe de devenir le deuxième parti le plus important en Allemagne, le FPÖ sur le point de prendre le pouvoir en Autriche, le Vlaams Belang faire vaciller l’intégrité de la Belgique, Vox toujours aussi menaçant en Espagne malgré un revers important lors des élections de juillet dernier, PiS demeurer très haut dans les sondages en Pologne après huit ans au pouvoir et avant une échéance électorale décisive à l’automne, les Démocrates de Suède décider de la vie ou de la mort du gouvernement à Stockholm, les Vrais Finlandais à la tête de ministères essentiels dans un pays qui vient d’entrer dans l’OTAN et Fidesz cadenasser la vie démocratique en Hongrie. Cette internationale de l’extrême droite mobilise, accentue son mouvement, gagne des positions que nous pensions imprenables. Gare à ce qui se profile à l’horizon. En creux, cet ensemble de textes et d’interventions appelle à une prise de conscience, à un réveil, à un combat. À chacun de nous de mener cette lutte à quelque endroit qu’il se trouve. 

Pour conclure, nous voudrions évoquer brièvement une conversation que nous avons eue avec Bernard-Henri Lévy à Milan, près de La Scala, via Silvio Pellico, quelques mots que nous avons échangés au sujet du grand écrivain Alberto Moravia, mort en 1990. Avant de le retrouver, nous avions été frappé qu’à quelques mètres de notre lieu de rendez-vous, une plaque commémorative rappelle que l’Hôtel Regina, dans cette rue, fut le siège du quartier général des SS à Milan à partir de septembre 1943 et que de nombreux résistants et innocents y furent torturés avant d’être envoyés dans des camps de concentration et d’extermination. La via Silvio Pellico porte par ailleurs le nom d’un écrivain et éditeur qui fut arrêté avec d’autres, en 1820, par les autorités habsbourgeoises pour soulèvement et sédition contre la présence autrichienne. Condamné à mort tout d’abord, puis gracié par l’empereur, il fut envoyé dans l’atroce prison du Spielberg en Moravie où il resta dix ans. Après sa libération, il publia ses mémoires, Le mie prigioni (Mes prisons), récit de ce qu’il avait enduré durant des années, qui eut un succès considérable auprès des intellectuels italiens et une renommée européenne. Compte tenu de ce contexte, de cet étrange télescopage de temps et de lieux, d’apprendre par la bouche de Bernard-Henri Lévy qu’Alberto Moravia aimait à se définir « Européen d’origine italienne » n’eut que plus d’impact. Dans une conférence consacrée à l’auteur du Conformiste et du Mépris que nous avons lue ensuite et dont le texte a été repris dans Pièces d’identité, il affirme que pour Moravia, « l’idée européenne, et son engagement au service de cette idée, était comme un moyen de faire souffler un vent de liberté et de déstabiliser cette hideuse, navrante, catastrophique, passion nationale ». Nous y sommes.

Christian Longchamp

Sommaire

ÉDITORIAL
MASSIMO GIANNINI Un premier bilan pour Giorgia Meloni, la Sœur d’Italie
MAURIZIO MOLINARI L’irrésistible ascension des populismes
NICOLA LAGIOIA Entre Falcone et Borsellino, 57 jours qui changèrent une génération
Entretien avec ROBERTO SAVIANO Se taire n’est pas une option
STEFANO PIEDIMONTE La machine à broyer de la droite autoritaire italienne
TOMASO MONTANARI Fascisme en Italie, encore
ANTONIO SCURATI Fascisme et populisme
LILIANA SEGRE La Constitution italienne, notre étoile polaire
GIOSUÈ CALACIURA Courte croisière en mer Tyrrhénienne
Entretien avec ROMANO PRODI L’Italie, l’Europe et la Méditerranée
NATHALIE TOCCI et LEO GORETTI Une Italie anti-européenne se fait elle-même du tort
EZIO MAURO Turin, l’usine infinie
STEFANO MONTEFIORI Le Parti démocrate et le Mouvement 5 étoiles: (im)possible alliance?
Entretien avec ELLY SCHLEIN L’Europe et la gauche de demain
CHRISTIAN LONGCHAMP La Fondation Giangiacomo Feltrinelli ou le laboratoire de la pensée progressiste
DACIA MARAINI L’époque de la peur et de la régression
LUCIA ANNUNZIATA Une année sans Mario Draghi
Entretien avec GIULIANO DA EMPOLI L’Italie et les ingénieurs du chaos
GIANLUCA PASSARELLI La Ligue de Matteo Salvini : extrême droite, nationalisme régional et gouvernement
MANUELA CAIANI Meloni, l’Europe et la « transnationalisation» des droites
MAURIZIO RIDOLFI L’héritage d’Aldo Moro et d’Enrico Berlinguer dans le discours et l’imaginaire public de l’Italie contemporaine
TERESA CREMISI Entre deux patries
PAOLO GIORDANO À jamais touriste

2 Commentaires

  1. Nous nous étions interrogé sur le bien-fondé du statut d’opposant politique victime d’un régime oppressif que ne manquerait pas de s’attribuer le migrant djihadiste, quand bien même notre État de droit aurait-il veillé à lui maintenir la tête dans le seau du terrorisme et du grand banditisme. Permettez-nous une autre question de droit retorse : un combattant d’AQMI fuyant les tortionnaires du groupe Wagner possède-t-il le profil du parfait candidat légitime au statut de réfugié ?

  2. La Bible n’est pas une prostituée.
    Elle ne brade pas son droit d’aînesse contre un plat de lentilles.
    Les substances organiques, c’est elle qui les délivre à quiconque s’est révélé capable de se lever et de marcher contre les mauvais vents.
    Son contenu peu clément fait mordre la poussière d’anges aux manipulateurs et autres interprètes occultateurs.
    Voilà pourquoi un lecteur judicieusement honnête ne s’aventurera pas à isoler de l’édifice insaisissable qu’elle contribue à bâtir, cette sublime parasha qui enjoint Abrahâm d’ouvrir sa porte aux étrangers au cas où ces derniers s’avéreraient être des anges, sous peine de voir lui sauter au plexus un rouleau fulminant regorgeant de remous héroïques.
    Il y verra une mer s’ouvrir pour frayer un passage à des êtres humains dont l’extermination eût été funeste à leur espèce, puis se refermer sur ceux-là mêmes qui avaient projeté de les jeter au fond des eaux amères.
    Le pion est-il en guerre contre l’universel occidental ? Consciemment sans doute pas, si l’on omet la Cause des peuples qui dépeuplent sa casuistique.
    Que faire de ce jihâd armé auquel un donneur d’ordre évanescent conseille de dézipper à intervalles irréguliers son costume de rampant ? L’identifier. Le démanteler. Le neutraliser. En en retournant de préférence les meilleures taupes.
    Nous ne confondons pas le pion, le fou et le royal joueur d’échecs du méta-empire fantôme. En l’espèce, l’accueil que semblent réserver nos clercs blochiens à une possible infiltration saoudienne des accords d’Abraham n’est pas sans évoquer la satanique surprise des présidentielles démocratiques iraniennes de 2013 : une promesse de paix Canada Dry comme on les aime dans nos cénacles pas-de-vaguistes pétris de fausse fraternité.
    Nous attendons toujours une reconnaissance de l’État juif et du peuple éponyme qui en poursuit la fondation, ce peuple élu par lequel le Seul Dieu s’est fait connaître aux nations — quel homme de Dieu y trouverait à redire ? — dont nous ne voudrions pas que les voisins feignent de s’en rapprocher pour mieux le vider de son être en hâtant de retour de pseudo-réfugiés pas plus pelishtîm que ne le furent les colonies de peuplement romaines auxquelles on fit subir le sort funeste et néanmoins banal des autochtones plus ou moins archaïques d’une terre de conquête dont le nouveau souverain ne prendrait pas le risque d’en exploiter les ressources avant que le terreau miné de l’indépendantisme n’eût été déporté.
    Non, camarade Lavrov, l’Occident ne mène pas contre vous une guerre directe. Il en serait ainsi uniquement s’il avait décidé une fois pour toutes d’en finir. Auquel cas, soyez rassuré… vous en seriez le premier informé.
    Au risque de contrarier les plans de vos propagandistes et de tous ceux qui, face à eux, trouveraient ingénieux de recourir à leurs méthodes pulvérulentes, aucun des alliés de l’État ukrainien ne déclenchera un conflit nucléaire mondial entre l’OTAN et la Fédération.
    Nous serions vous, nous prierions les ciels pour que jamais l’Un-Deux ne s’oppose à ce que le bal masqué Eyes Wide Shut de la fin des temps soit reporté à une date ultérieure.