La politique commence dans mon assiette
Ainsi donc, au terme d’un printemps européen pourri dont le non-événement du Rio+20 fut le sommet, par quel soubresaut d’intérêt pour Thomson me suis-je pris à continuer de m’investir dans cette chronique alors que tout un contexte socio-économique aurait poussé plus d’un à disparaître pour se vouer à des tâches plus réalistement rentables ?
Sans doute ce bon vieux Dr. Gonzo réveilla-t-il en moi ce goût de la vérité et de la cohérence, ce plaisir de l’immersion dans des sujets scabreux qui fâchent pour en retirer cette pourriture noble que l’on appelle information d’intérêt public.
Allez mon gars va jusqu’au bout de ta pensée, ne te laisse pas ronger par l’avidité du buzz et des paillettes qui phagocyte ô combien et avec quel succès le journalisme contemporain. Vas-y, surfe sur tous les gonzoïdes qui t’ont inspirés et partage, diffuse cette énergie de l’engagement, lance tes flèches et à bon entendeur salut !
Dr. Gonzo me perçait à cœur. Oh non, pas de nostalgie pour une époque qui, de surcroît, ne fut pas la mienne. Inutile la nostalgie. Comme le disait ce vieil Ezra Pound, toutes les époques sont contemporaines. Les zombies religieux de tous poils continuent un peu partout leur guerre contre les corps, et leurs désirs dès lors où ils ne concordent point avec la volonté de Dieu. Ou de la métaphysique du moment. A cet égard, nous savons que nos politiques – de droite comme de gauche – n’ont pas leur pareil pour nous resservir du sacrifice au nom des mânes trouées, hypothéquées de l’économie. Si seulement, nous étions assurés que cela fut pour un mieux, je ne dis pas. Mais rien n’est moins sûr, bien sûr. Le cœur à gauche (on aimerait y croire !), vous savez celui que l’on trempe dans la mayo pour lui donner un goût acceptable. Oh yes Doc, je suis avec vous dans ce pétrin, pétri, pétrifié par l’effondrement des valeurs auxquelles on croit et je me bats pour faire entendre la voix des insurgés que vous représentez. Souvenez-vous de celui avec lequel vous avez tiré sur la même cible, par une belle après-midi dans votre propriété. L’anecdote ici rejoint le symbolique, Christopher Hitchen tire effectivement dans la même direction, journaliste, critique, polémiste engagé, enragé… Souvenez-vous de Tom Wolfe, votre ami et collègue dandy en smoking blanc de six ans à peine votre aîné. (Si mes calculs sont bons, le bonhomme fêtait ses 81 années sur terre le 2 mars dernier). Celui qui un jour a écrit : La vérité est plus importante que l’imagination. Journaliste et romancier à qui l’on doit le volumineux et terrible Bûcher des vanités, Un homme, un vrai, et plus récemment : Moi, Charlotte Simmons…
Je quitte donc les collines du Colorado pour la côte-est des États-Unis. En gros, même époque, quoique vue sous des lentilles sensiblement différentes. L’ego au placard. Finie l’écriture quasi instantanée (dans la droite ligne de Kerouac), Tom Wolfe écoute, rassemble, compile et écrit après coup. En vérité, Wolfe est une espèce de sociologue balzacien. Un agent de renseignement, sans doute, haut en couleur, mais infiniment plus sobre et discret. Et sans doute fallait-il adopter cette attitude pour infiltrer et décoder de l’intérieur le gauchisme de Park Avenue.
Amis lecteurs, à demain.