Questions improvisées d’un ami new-yorkais
Quel est le plus grand accomplissement de ta vie ?
Avoir eu l’immense et inattendue (absolue et totale) joie d’être né à Melilla, en Afrique.
Le plus grand échec ?
Je les découvrirais un par un. Serait-il encore à venir ?
Que regrettes-tu ?
Mille occasions, par exemple, ne pas avoir consacré plus de temps à tant de choses.
Que te reste-t-il à faire ?
Être.
Un personnage historique auquel tu t’identifies ?
Deux monstres ? : Attila, amoureux à la fin de sa vie. Staline, adolescent et fervent séminariste à Tbilissi.
Une époque où tu aurais aimé vivre :
Le Big Bang. Il serait si difficile de vivre en dehors du présent.
Qui admires-tu ?
Mon père (martyr et saint), Topor, Marcel Duchamp, Beckett. Chaque jour, leur présence me manque, comme celle de Kundera, Breton, Tzara, Andy Warhol, Louise Bourgeois, Dalí, Picasso, Cioran, et une infinité d’autres.
Qui détestes-tu ?
Ma tête ?
Si tu avais un pouvoir illimité, que ferai s-tu en premier ?
Le limiter, au moins.
Qui aurais-tu aimé être ?
Comment le dire modestement ? Fernando Arrabal ? Je suis le fruit de mes circonstances.
Une œuvre d’art que tu considères fondamentale et essentielle ?
Humblement, je dois dire : la mienne.
Le pouvoir a-t-il un genre ? Le sexe a-t-il du pouvoir ?
Quelle galère ! Quousque tandem ? Ne penses-tu pas que ces jumeaux grossiers nous font assez souffrir ? Communiquent-ils avec des masques ?
Quelle est la plus grande extravagance que tu aies commise ?
Malheureusement, je pense avoir toujours erré en dehors des clous. Ou en marge.
Un repas ?
Le plat que me préparaient les gens qui disaient m’aimer dans ma petite enfance.
Que devrait ressentir ton lecteur ?
La confusion nous captive-t-elle au point de créer des obligations ? Le Cyclope aveugle est difficile à distinguer du borgne.
Y a-t-il une prise de position politique dans ton œuvre ?
La politique me dérange ou m’ennuie. Je n’arrive pas à m’intéresser à ses hauts. Ni à ses fléaux. Dans ma vie quotidienne. C’est pourquoi j’ai été surpris par l’accueil réservé à ma lettre à Franco, alors que le dictateur était encore en vie.
Laquelle de tes définitions célèbres penses-tu qu’elle devrait figurer dans le dictionnaire ?
Il me semble impossible d’établir un quelconque lien entre mon dictionnaire et le dictionnaire officiel ou idéal. Pas la moindre harmonie. Sans que nous perdions tous deux notre identité. Il est plus courant de voir un chameau passer par le chas d’une aiguille que de retrouver le chamelier qui a tenté de le faire.
Aimerais-tu retourner en Espagne ?
Après une période de pénitence obscurantiste, je ne voudrais pas que nous nous aventurions sur les chemins des mystifications lumineuses.
Et ta patrie en tant que citoyen ?
Pendant des décennies, je me suis habitué au mépris officiel et à l’obstination de la censure. « La colère est comme un cheval emballé », a dit Henri VIII.
Pourquoi tes œuvres, écrites il y a plus d’un demi-siècle, telles que Fando y Lis ou Pique-nique,suscitent-elles un tel intérêt chez les jeunes ?
Je ne refuse pas les applaudissements. Je ne les recherche pas non plus. Ce serait accorder de l’importance à quelque chose qui n’en n’a pas.
« Guernica » de Picasso ?
Son vrai titre pendant huit ans fut « Cris de femmes, cris d’enfants, cris des colombes ». Dans les ménageries et les musées, nous nous observons : rien n’est plus aphrodisiaque que l’innocence.
Beaucoup te considèrent déjà comme un auteur classique. N’est-ce pas dangereux ?
Ce danger disparaît-il avec cette reconnaissance ? Ou persiste-t-il, tel le sourire du chat d’Alice au pays des merveilles ?

« Pseudo-arrabalesques » pour Melilla
« …l’étincelante éternité d’une nuit à Melilla ? »
« …le globe survit-il grâce à des circuits fermés…ouverts ? »
« …tant de délires et d’exaltations minent-ils ? »
« …ses années le suivent-elles ? à portée de main ? »
« … qui ne brise pas les miroirs connaît-il dix années de sérénité ? »
« …si les mensonges existaient vraiment, ne ferions-nous que mentir ? »
« …la lune est-elle le soleil des nuits de Melilla ? »
« …Averroès ignorait-il qu’il était Averroès ? »
« …rêves : allusions ou allégories ? »
« …ce qui est entrevu est-il moins vu que ce qui est discerné ? »
Poème plastique

