En 1959, la Fondation Ford a invité six écrivains européens, dont je faisais partie, à passer six mois « de rêve » aux États-Unis.

Selon la fondation nous deviendrions les écrivains les plus notoires de nos pays respectifs. Une prédiction extravagante – presque prophétique ? – qui, d’Italo Calvino à Günter Grass, de Robbe-Grillet à Hugo Claus s’est vue réalisée à 5/6 (l’Espagne exclue).

À cette époque, on voyageait en bateau avec d’énormes valises sans roulettes. Dalí me raconta que Gala voyageait avec vingt mallettes et ballots, tandis que lui n’emportait qu’un seul bagage.

Des années plus tard, les autorités culturelles australiennes décidèrent que je serais, un jour, à moi seul, l’écrivain le plus renommé d’Europe. Pari totalement improbable, voire hilarant, qui me conduisit à passer un mois inoubliable aux antipodes.

Ce voyage presque extravagant dura trois jours, avec petit-déjeuner, dîner et tout le reste identiques chaque jour. Les escales furent brèves et constantes ; à notre arrivée à Karachi, nous n’eûmes droit qu’à une demi-journée de visite au Marché Central.

À Sydney, mon arrivée coïncida avec celle du contingent de l’Opération espagnole Marta : 800 femmes célibataires et catholiques, âgées de 20 à 35 ans. Ce plan du gouvernement franquiste était censé envoyer en Australie des femmes qui, à l’instar de la sœur de Lazare de Béthanie, seraient soumises et obéissantes. Ces délicieuses Martas ressemblaient-elles davantage à leur sœur ?

Je n’ai pas pu rentrer d’Australie en passant par Mexico. Alejandro Jodorowsky ne m’attendait pas non plus, malgré l’annonce de mon arrivée pour mercredi. Jodorowsky obtint une dérogation car le gouvernement mexicain, fidèle à la república en guerra, interdisait l’entrée à tout Espagnol muni d’un passeport de Madrid.

Comme Phileas Fogg dans Le Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, en volant vers l’est, j’ai gagné un jour sans m’en rendre compte et j’ai involontairement laissé Jodo en plan.

Cinq « pseudo-arrabalesques » pour le voyage

« …avide, comme la sagesse ? »

« …les éléments nous différencient-ils ? »

« …si flegmatique, débordant d’anxiété ? »

« …plaisant, sans impertinence ? »

« …jouir, serait-ce la règle qu’il s’est fixée ? »

« …aux moyens infinis, sans “fin” ? »

« …toute remémbrance est-elle pérenne ? »

Poèmes plastiques

Souffrances du jeune Werther.
Fosse aux serpentes.
Angelus de Millet.