Donald Trump, fidèle à son style imprévisible, a surpris tout le monde en annonçant avoir parlé avec Vladimir Poutine d’un accord de paix en Ukraine. Enthousiaste, il a relayé l’échange sur Truth Social, affirmant que le président russe était prêt à signer un accord de paix dont personne ne percevait les tenants ni les aboutissements. Dans la foulée, il a contacté Volodymyr Zelensky pour lui faire part de ses « avancées ».
En parallèle, le nouveau Secrétaire à la Défense des États-Unis, Pete Hegseth, a jeté un pavé dans la mare en déclarant que Washington ne garantirait plus la sécurité de l’Europe sans une contribution financière plus importante des Européens à l’Ukraine et une augmentation considérable des budgets militaires des pays de l’OTAN. Pire encore pour Kyiv, il a qualifié le retour aux frontières de 2014 d’« illusion » et estimé que l’Ukraine devait envisager de céder des territoires à Moscou pour parvenir à un accord.
Dans le même temps, le Secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, en visite en Ukraine, entendait négocier un accord sur les métaux rares, en remboursement de l’aide américaine. Kyiv a refusé de céder le contrôle de ses ressources stratégiques aux États-Unis, rendant les discussions stériles.
Ces prises de position ont déclenché une avalanche de réactions pessimistes en Ukraine et en Occident, jubilatoires en Russie. Pour autant, l’annonce de Trump n’a rien changé à la situation sur le terrain ni à ce qui relève de la géopolitique touchant au conflit lui-même.
Au-delà du coup de com’, la réalité dicte sa loi : les positions de l’agresseur et l’agressé sont aussi irréconciliables qu’incompatibles. Kyiv ne renoncera pas à son intégrité territoriale, et Moscou ne se contentera de rien d’autre qu’une soumission totale de l’Ukraine. En clair, l’accord que Trump imagine est un mirage.
La Conférence de Munich sur la sécurité qui s’est tenue ce week-end a remis les pendules à l’heure, réenclenchant une autre dynamique. Zelensky a martelé un message clair : pas de négociations sans garanties de sécurité solides pour l’Ukraine. Il a averti que si l’Occident cédait aujourd’hui, Poutine testerait bientôt la solidité de l’OTAN ailleurs. A son tour, Ursula von der Leyen a remis les choses en place : l’abandon de l’Ukraine ne signifierait pas seulement la défaite de Kyiv, mais un affaiblissement fatal de l’Europe et des États-Unis.
Enfin, si la Maison-Blanche caresse l’idée de négociations, Washington continue de livrer des armes, et le Congrès, malgré les divisions partisanes, garde un cap pro-ukrainien.
Si Trump pense être un négociateur hors pair, il commet une erreur de débutant : il offre des concessions avant même de s’asseoir à la table des négociations. Déclarer d’emblée renoncer à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, considérer la perte des territoires comme acquise, c’est donner à Poutine exactement ce qu’il veut, sans rien obtenir en échange. Or, la seule chose qui a jamais fait bouger le Kremlin, c’est le rapport de forces, un facteur en effet incontournable.
Vu sous cet angle, le Kremlin est aujourd’hui face à une résistance renforcée. Si Poutine comptait sur la confusion politique aux États-Unis, s’il comptait sur le possible chantage de Trump de couper l’aide financière et militaire à une Ukraine rebelle à tout diktat diplomatique, s’il espérait que certains pays européens en profitent pour se défausser eux aussi, si, en un mot, Poutine misait sur la lassitude de l’Occident pour lui ouvrir un boulevard, la conférence de Munich lui aura opposé un rappel cuisant à la réalité.
L’Ukraine est loin d’être à genoux. Son refus de céder ses métaux rares aux États-Unis prouve que sa souveraineté n’est pas à vendre. Elle ne cherche pas seulement à survivre, elle prépare l’après-guerre, consolide son économie et ses alliances, renforce à marches forcées la production de ses arsenaux militaires pour éviter toute vassalisation, à commencer vis-à-vis de Washington.
L’Europe, malgré ses divisions internes, resserre les rangs. Ursula von der Leyen l’a martelé : la défense de Kyiv est une question existentielle pour l’Occident. Quant aux États-Unis, ils ne sont pas aussi désengagés que le Kremlin et les bonnes âmes à son service en Europe aimeraient le faire accroire. Trump fait du bruit, ses conseillers envoient des signaux contradictoires, mais derrière ce tapage médiatique, les armes et l’aide continuent d’arriver. Les Républicains eux-mêmes sont divisés, et le Congrès pourrait rester un rempart contre un abandon pur et simple de l’Ukraine.
La stratégie de Trump repose sur un postulat erroné : l’idée qu’il peut « faire un deal » avec Poutine en traitant directement avec le Kremlin, en court-circuitant Kyiv et en imposant ses conditions. Sauf que cela ne fonctionne pas. L’Ukraine ne cédera pas sur sa souveraineté.
Si Trump veut être l’homme qui met fin à la guerre, il devra comprendre une chose essentielle : ce n’est pas à Zelensky de faire des concessions, mais à Poutine de reculer. Et pour cela, il n’existe qu’une solution : une pression militaire et économique implacable sur Moscou.
Trump, qui veut se positionner comme un président anti-guerre et anti-interventionniste, est-il prêt à s’engager dans cette voie ? Rien n’est moins sûr. S’il choisit de ne rien faire, il ne fera que prolonger la guerre, comme Biden avant lui. S’il coupe brutalement l’aide, il affaiblira Kyiv un temps, obligeant a contrario les Européens à enfin assumer, tous ensemble, la défense de leurs intérêts stratégiques. En revanche, si les États-Unis maintiennent leur soutien à l’Ukraine et que l’Europe prend davantage le relais, la Russie finira par s’essouffler. C’est exactement ce que Poutine craint le plus.
L’avenir est incertain, mais le cap se précise. Malgré les apparences, la situation n’est pas aussi favorable au Kremlin qu’il y paraît aux yeux des commentateurs. L’Ukraine n’est pas seule. Même si Washington se fait plus hésitant, cahin-caha l’Europe s’organise, s’unit chaque jour davantage sur la question ukrainienne, les livraisons d’armes continuent. La Russie est enlisée. L’armée russe, malgré les annonces triomphantes de sa progression de quelques kilomètres en six mois, est affaiblie. Ses offensives lui ont coûté des milliers de morts, aucune issue optimiste n’apparaît à l’horizon. Moscou cherche à gagner du temps, espérant un effondrement ukrainien ou un basculement politique en Europe, comme dernièrement à Washington, l’AfD ferait-elle un score inédit aux prochaines élections allemandes.
La Conférence de Munich a montré que malgré le chaos politique et les stratégies incertaines, le soutien à l’Ukraine tient bon. Oui, il y a des tensions. Oui, les Américains envoient des signaux ambigus ou, parfois, terrifiants. Mais en filigrane, un fait demeure : personne n’est dupe de la nature de la menace russe.
Les États-Unis, même s’ils tergiversent, comprennent que céder aujourd’hui, c’est affronter un Poutine encore plus dangereux demain.
L’Europe, hier lente à réagir, sait qu’un recul face à Moscou mettrait en péril la sécurité du continent.
Quant à l’Ukraine, elle a prouvé une fois encore qu’elle ne négocierait jamais en position de faiblesse.
La Conférence de Munich a refroidi les illusions du Kremlin. Non seulement le soutien de l’Europe à Kyiv ne faiblit pas, mais il se raffermit. Moscou espérait une dynamique différente : une Amérique divisée, une Europe affaiblie, une Ukraine isolée. Au final, les positions se sont durcies contre la Russie. Et l’Ukraine vient de rappeler qu’elle entend bien rester maîtresse en dernière instance de son destin.
Dans ce même Munich où s’est tenue la Conférence sur la sécurité, à l’automne 1938, la France et la Grande-Bretagne sacrifiaient les Sudètes à Hitler, sur l’autel de la paix. Elles avaient, cingla Churchill, à choisir entre le déshonneur et la guerre. Elles choisirent le déshonneur et elles eurent la guerre. L’Ukraine ne se prêtera pas à un remake de Munich. La paix aux couleurs de la reddition n’est, pour elle, pas une option.
Le crime de Hitler paya. Le crime de Poutine ne paiera pas. Et les dealers de paix honteuse, aussi puissants soient-ils, en seront pour leurs frais : voilà notre espoir.
L’heure de la vigilance a sonné. Rien n’est joué. De la vigilance à la résistance, il n’y aura qu’un pas. Nous serons bientôt fixés.
La méthode Coué donc.
Les menaces proférées par un ancien membre du G8 d’user du feu nucléaire à l’encontre de ses hyperpuissants ex-homologues avaient eu de quoi désarçonner le camp des démocraties dans sa fantastique chevauchée d’un Contre-Millénarisme qui, après avoir surmonté son faux départ, pouvait enfin savourer l’expansion triomphale des droits de l’homme.
Mais avant de définir un axe de riposte efficace, il nous faudrait évaluer l’état psychologique, voire psychiatrique, du nouveau maître de l’agenda international, quitte à tomber dans le piège qu’il nous tendait.
D’aucuns, afin de mieux convaincre les Démocratiens de la nécessité d’entrer en guerre aux côtés de l’Ukraine, créditeraient l’aptitude de l’ennemi à vitrifier Londres ou Paris ; ce faisant, nos esprits à futer dépasseraient les attentes du Petit Ursson en tétanisant d’angoisse leurs propres populations.
Trois ans plus tard, le différentiel entre manifestations de joie et sentiments d’inquiétude ayant succédé respectivement de chaque côté du rideau de fer fantôme aux déclarations américaines sur de possibles négociations avec l’agresseur fou (?) n’est pas sans rappeler les explosions de joie de ces uchro-Palestiniens adoubés par l’ONU et l’UE en regard des soupirs de soulagement en demi-teinte d’une majorité d’Israéliens dont l’annonce d’un cessez-le-feu n’aurait pas le pouvoir d’effacer de leur conscience la trop longue et profonde expérience qu’ils ont de l’ennemi juré de l’humanité.
À une différence près tout de même : quand il s’agit d’empêcher Israël de se défendre contre une entité néfaste ayant planifié son anéantissement, la joie des antisémites arabo-musulmans est partagée par le camp de la démocratie, — damned !
Les États-Unis sont l’allié n° 1 de tout Occidental qui se respecte.
Le plus puissant vaisseau démocratique du monde, de surcroît, aussi exaspérants que se fussent révélés pour ses opposants la couleur politique ou les traits de caractère du dirigeant auquel en fut confié le gouvernail, reste un pilier de tout cap stratégique ou diplomatique pouvant être tenu par chacun d’entre nous, pour peu que « nous » fassions encore sens dans le nouveau désordre mondial.
Si nous avons des réserves quant au fait que les Américains songent à reparler aux Russes avant l’après-Poutine, montrons-nous capables de parler avec eux de ce qui nous chiffonne, plutôt que de paraître traiter en ennemie notre seule et unique planche de salut.
Quarante ans qu’on nous bassine avec le postulat selon lequel on ne choisirait pas son ennemi. Eh bien ! j’ai une très neutre nouvelle pour vous, mes chers congénérés multipolarisés : ici-bas comme partout ailleurs, on n’est pas toujours libre de choisir son allié.