Le général Kellogg, l’envoyé spécial du président Donald Trump pour l’Ukraine et la Russie, a récemment exprimé le souhait que l’Ukraine organise des élections d’ici la fin de l’année, pour peu qu’un cessez-le-feu avec la Russie ait été conclu.
Il y a, dans cette obstination des Américains à voir l’Ukraine organiser des élections en pleine guerre, une forme de myopie quant aux conditions requises. Comme si la démocratie se mesurait au nombre d’urnes déployées sur le terrain. Comme si l’on pouvait faire fi des combats de nos soldats sur les fronts, des bombardements sur nos villes qui, en cas de scrutin, redoubleraient, des centaines de milliers de familles ukrainiennes refugiées hors du pays.
Cet acharnement technocratique, que l’on jugera naïf, trahit une profonde méconnaissance des réalités ukrainiennes. La guerre n’est pas une campagne ni une soirée électorale, mais une suspension du temps démocratique, sous le poids des circonstances.
Le général Kellogg a dû rétropédaler. Il s’est vu rappeler que la constitution ukrainienne interdit tous scrutins en période de loi martiale. La démocratie ukrainienne ne borne pas à un calendrier électoral. Elle vit dans le respect de ses propres règles, sous le feu des envahisseurs russes.
Les Ukrainiens n’ont jamais refusé d’organiser des élections. Ils n’en ont simplement ni la possibilité, ni le droit. C’est là toute la différence avec la Russie. À Moscou, ce qu’on appelle par antiphrase « la constitution » est un chiffon de papier que l’on plie et déplie selon l’agenda d’un homme. En 2020, Poutine a organisé une « réforme » constitutionnelle, qui incluait un dispositif invraisemblable : la remise à zéro de ses précédents mandats. Ce tour de passe-passe lui offre de rester au pouvoir jusqu’en 2036, puisqu’il pourra briguer un nouveau mandat de six ans, au terme de sa « réélection » à la soviétique de 2024.
Le contraste avec l’Ukraine est frappant : la Constitution reste un cadre intangible, au cœur même de la guerre.
Zelensky l’a répété sans détour : « Les élections auront lieu dès la fin de la guerre, après la levée de la loi martiale et lorsque les conditions de sécurité seront réunies. » Il n’y a là ni fuite, ni esquive. Juste la simple logique d’un pays en guerre, qui défend la démocratie non en déployant des urnes au milieu des ruines, mais, armes à la main, protège la souveraineté de la nation.
Cette obsession des élections en Ukraine ne vient pas d’un réveil soudain de la conscience démocratique. Née en Amérique, elle a fait un détour par Moscou qui, en matière de sabotage et d’élections truquées, sait, ô combien, y faire. Moscou qui rêve d’une élection chaotique, d’un scrutin contesté, d’une Ukraine divisée. Toute fissure dans l’unité ukrainienne serait une victoire du Kremlin.
Le maître de Moscou hait Zelensky. Pas seulement pour des raisons politiques. Paradoxalement, le rêve de Poutine s’appelle Zelensky. Oui, Zélensky ! Qui incarne ce que Poutine rêve impossiblement d’être : un Président librement élu, soutenu par son peuple, respecté à travers le monde, fort, résistant, debout.
Poutine ne veut pas d’élections libres renforçant Zelensky, mais des élections sabotées depuis Moscou. Il veut une Ukraine à terre, un gouvernement faible, un Président fantoche, l’Ukraine redevenue un pion sur l’échiquier moscovite.
En résistant à la Russie, l’Ukraine a, non seulement prouvé sa force, mais montré à tous qu’on ne peut l’obliger à se plier à quelque oukase que ce soit.
L’Ukraine a aujourd’hui besoin, non d’élections, mais d’armes pour la victoire !
« Que veux-tu, enfant grec ? » demandait Victor Hugo, lors de la guerre d’indépendance contre les Turcs, dans le poème qui porte ce titre.
« Je veux de la poudre et des balles, répondit l’enfant grec. »