« A cette époque, Hitler voulait me tuer parce que j’étais juif.
Maintenant, Poutine essaie de me tuer parce que je suis Ukrainien. »

Roman Shvartsman, 88 ans, survivant ukrainien de la Shoah, a prononcé un discours d’une force toute ukrainienne au Bundestag, ce 29 janvier 2025, lors d’une cérémonie en mémoire des victimes de la Shoah, dans le cadre des commémorations internationales des 80 ans de la « libération » d’Auschwitz.

Son témoignage, aussi immense que bouleversant, a laissé la salle sans voix, submergée par l’émotion. Il a été applaudi, comme le fut Volodymyr Zelensky sur le lieu même du camp d’extermination d’Auschwitz, la veille, en Pologne, seul dirigeant à avoir été honoré d’une telle clameur parmi le parterre d’officiels et chefs d’États.

« Un témoignage poignant sur les crimes nazis, nous rappelant que nous ne devons jamais permettre qu’une telle tragédie se répète », a dit Lyudmyla Mlosh, présidente de l’Union centrale des Ukrainiens en Allemagne.

La radio publique allemande Deutsche Welle a saisi l’instant. La vidéo s’est propagée à l’infini sur la Toile et les réseaux, dès les premières secondes de sa diffusion, sur autant de comptes en Europe qu’outre-Atlantique, et bien sûr, en Ukraine, où le visage de Shvarysman est déjà bien connu.

Roman Shvartsman, citoyen d’Odessa, survivant de la Shoah, chef de l’Association juive de l’oblast éponyme et de ses 198 survivants, déporté à l’âge de 5 ans dans le ghetto de Berchad, près de Vinnytsia, est seul devant un président, un chancelier, des ambassadeurs, les parlementaires, des responsables politiques venus de toute l’Allemagne. Il arbore les médailles du courage de son pays, et sa dignité d’homme en étendard. Rien, manifestement, n’aura réussi à le briser.

Il porte une kippa que personne dans l’Histoire ne lui fera ôter. Roman Shvartsman avait déjà raconté un peu de son drame en 2023, dans une Odessa faisant face à la guerre d’invasion à grande échelle menée par la Russie contre l’Ukraine, une interview donnée au Jerusalem Post.

Lors d’attaques à la roquette russes sur la ville, il avait dû dévaler en urgence absolue les dix étages par les escaliers de son immeuble sans abri antiaérien jusqu’au sous-sol. Il lui a fallu attendre des heures dans le froid. Lorsqu’il a pu en ressortir, toutes les fenêtres alentour avaient été soufflées et des éclats de verre jonchaient la pelouse. La poussière les avait étouffés, lui et son épouse. « Une école et une église ont été abîmées par le tir et un bâtiment quelques mètres plus loin a été éventré ». S’il n’était pas allé au sous-sol, il aurait été tué.

Lorsque le journaliste lui demande si la guerre a rouvert ses blessures de survivant de la Shoah, la voix et les lèvres tremblantes, il répond : « oui ».

Roman Shvartsman avait quatre ans et demi lorsque Hitler lança l’opération Barbarossa en 1941, rompant le pacte germano-soviétique.

« Depuis que la Russie a attaqué nos civils, nos villes et notre système énergétique le 24 février 2022, nos vies et nos libertés sont à nouveau en danger.
Poutine essaie de nous détruire en tant que nation, tout comme Hitler a tenté de détruire le peuple juif pendant la Seconde Guerre mondiale.
A cette époque, Hitler voulait me tuer parce que j’étais Juif.
Maintenant, Poutine essaie de me tuer parce que je suis Ukrainien
 », a-t-il dit.

Il vit l’agression de la Russie contre l’Ukraine comme les atrocités barbares perpétrées par les SS pendant la Seconde Guerre mondiale. Il implore que son pays, l’Ukraine, soit armé, pour être sauvé. Il sait, comme son audience, et il le dit, que l’Ukraine a aussi besoin de missiles allemands à longue-portée. Il implore les nouvelles générations d’agir pour que personne ne subisse plus jamais de telles souffrances, meurtres et tortures, en appelant à « une responsabilité aussi historique que morale ».

« Je vous exhorte à nous armer pour que Poutine mette fin à cette guerre de destruction » dit-il.

« En aucun cas l’Ukraine ne doit être mise à genoux par la supériorité russe.

Il ne peut y avoir de paix sans liberté et justice.

Quiconque croit que Poutine se contentera de l’Ukraine se trompe.

L’Ukraine a besoin d’une défense antiaérienne. Odessa a besoin de défenses antiaériennes pour protéger ses habitants et ses ports.

Nous avons besoin d’avions pour atteindre la supériorité aérienne.

Nous avons besoin de davantage de missiles à longue portée pour détruire les aérodromes et les dépôts de missiles russes à partir desquels nous sommes quotidiennement attaqués.

Nous avons besoin de votre soutien pour libérer les populations des territoires occupés.

Le monde doit cesser d’avoir peur !

L’Ukraine fera tout pour éviter que la guerre ne vous frappe !

Chers amis !

Notre devoir historique et moral est de veiller à ce que personne ne souffre ou ne soit torturé.

Aujourd’hui, dans ce lieu historique, je voudrais vous demander de continuer à vous battre pour l’Ukraine et ma ville natale d’Odessa.

Aujourd’hui, nous devons une fois de plus faire tout ce qui est en notre pouvoir pour remettre la barbarie à sa place.

C’est la seule voie vers la paix et la compréhension mutuelle.

Je vous supplie de nous armer pour que Poutine mette fin à cette guerre d’anéantissement. J’ai échappé à la destruction une fois. Maintenant, je suis vieux, mais je dois vivre avec la peur que mes enfants et les enfants de mes enfants soient victimes d’une guerre d’anéantissement.

La mémoire des victimes du national-socialisme doit être pour nous un principe directeur et nous engager à construire un avenir dans lequel l’humanité et la justice ne sont pas de vains mots. »

Son association est soutenue par le Joint Distribution Committee, l’International Fellowship of Christians and Jews (IFCJ), qui fournit aide alimentaire, médicale, et un soutien social aux survivants afin qu’ils puissent surmonter une nouvelle guerre…

Le 4 avril 2022, Vanda Obiedkova, 91 ans, survivante de la Shoah elle aussi, est morte de faim et de froid dans un sous-sol de Marioupol, assiégée par la fureur et la terreur russe.

Vanda s’était déjà cachée des mois durant dans une cave de cette même ville, pour survivre à l’occupation nazie.

« Maman ne méritait pas une telle mort », avait réussi à dire, en larmes, sa fille, quelques heures seulement après son arrivée en lieu sûr. Elle avait assisté impuissante à la disparition de sa mère, restant à ses côtés jusqu’au dernier moment. Elle et son mari ont risqué leur vie sous les tapis de bombes pour lui donner une sépulture « dans un parc public à moins d’un kilomètre de la mer d’Azov »…

Que des survivants de la Shoah et de l’Holodomor aient à affronter à nouveau une agression militaire, à caractère génocidaire, devrait rester comme une sorte d’insupportable oxymore aussi honteux qu’ahurissant, aussi révoltant qu’abominable pour l’univers tout entier.

Puisse le monde accéder à la demande de tous ces frères et sœurs en humanité, ensevelis dans des gouffres d’oubli, de cynisme et de lâcheté.

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