Le lundi 17 juin 2024, Jordan Bardella a posté une vidéo sur X à l’attention de « toutes les femmes de France ». Il s’y présente comme « le premier ministre qui garantira de manière indéfectible, à chaque fille et à chaque femme de France, ses droits et ses libertés ». Parmi les principales promesses du président du RN : expulser les « délinquants et criminels étrangers ».

Marine Le Pen avait déjà déclaré, dans une « lettre aux Françaises » publiée le lundi 7 mars 2022, que « comme femme politique, je suis moi-même très attachée à la condition féminine en France », avant d’ajouter : « je ferai baisser la tête à ceux qui croient pouvoir ignorer qu’en France on respecte les femmes. »

Ces deux propos s’inscrivent dans la stratégie du RN depuis plusieurs années. Le parti joue en effet du genre de Marine Le Pen pour se présenter comme le défenseur des femmes et des personnes LGBT – qu’il s’agirait surtout de défendre contre les immigrés. Pour justifier cette posture, le RN se focalise notamment sur le harcèlement de rue – faisant mine d’ignorer, par exemple, que l’écrasante majorité des viols sont commis par des proches des victimes (conjoint, ex-conjoint, parent, ami…). Ce focus sur la rue ignore aussi, du reste, les nombreuses agressions commises par des néonazis (dont, récemment, le fils d’un proche de Marine Le Pen) contre des homosexuels.

En vérité, le RN (c’est-à-dire ses cadres, ses votes, son projet…) reste très loin d’une quelconque défense des femmes et personnes LGBT.

Nul besoin, par exemple, de chercher très loin dans le musée des horreurs du RN pour trouver les pires propos homophobes ou sexistes. Le député RN de la Somme Jean-Philippe Tanguy, pressenti comme potentiel ministre de l’économie d’un gouvernement RN, avait notamment affirmé que « monsieur Rothschild » avait recruté Emmanuel Macron « car il savait solliciter les aspirations homo-érotiques d’un certain nombre de cadres ». Marine Le Pen avait pour sa part qualifié Bertrand Delanoë de « figure de proue de la gauche pailletée, friquée et froufroutante ». Sébastien Chenu, porte-parole du RN, ne voit, lui, rien de rédhibitoire à ce qu’un de ses alliés traite les homosexuels « d’anormaux ». Et plusieurs députés du RN ont posé devant une pancarte traitant une de leurs collègues de « salope ».

De nombreux élus du parti restent par ailleurs farouchement opposés à l’avortement. Hervé de Lépinau (député RN du Vaucluse), Mathilde Paris (députée RN du Loiret), Christophe Bentz (député RN de Haute-Marne) et Caroline Parmentier (députée RN du Pas-de-Calais) ont par exemple tous comparé l’avortement à un génocide (voire à la Shoah). Laure Lavalette (députée RN du Var) avait, elle, signé en 2014 un engagement pour « abroger, à terme, la loi sur l’avortement ». Ces positions ne sont pas étonnantes lorsqu’on se rappelle que Marine Le Pen dénonçait encore, en 2012, les « avortements de confort ».

La candidate du RN à la présidentielle reprend par ailleurs certains pans du discours anti-LGBT de Poutine. Marine Le Pen estimait par exemple, en juin 2021, que « venir faire la promotion de quelque sexualité que ce soit à l’égard des enfants [apparaît] déplacé ». Une façon, odieuse, de sous-entendre que certains voudraient « convertir » les élèves à l’homosexualité (alors que ce sont bien les personnes LGBT, justement, qui subissent des thérapies de conversion). Marine Le Pen avait déjà dénoncé, par le passé, l’omniprésence du « lobby LGBT ». Et son conseiller éducation a aussi déclaré, en 2024, que le RN comptait s’en prendre à « l’entreprise idéologique de déconstruction de notre civilisation » qui serait imposée, à l’école, au travers d’une « propagande LGBT ».

Cette vision du monde se retrouve bien sûr dans les votes du parti. En voici quelques-uns, présentés année par année : 

En 2018, les députés RN se sont abstenus (ou absentés) lors du vote de la loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ; et ce, alors même que cette loi se concentrait sur le harcèlement de rue (soit la forme de violence la plus évoquée par le RN).

En 2019, les eurodéputés RN ont voté contre la condamnation des discours de haine et des discriminations publiques envers les personnes LGBT. 

En 2020, les élus RN au Parlement européen se sont opposés à une résolution condamnant la Pologne pour son interdiction de l’avortement. 

En 2021, les eurodéputés RN ont refusé de déclarer l’Europe « zone de liberté » pour les personnes LGBT. Les parlementaires RN n’ont pas pris part au vote de la loi Rixain sur l’égalité salariale. Le parti s’est aussi opposé à une résolution prévoyant des formations contre le harcèlement sexuel dans les institutions de l’Union européenne. Et plusieurs députés RN ont voté contre une proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique.

En 2022, les eurodéputés RN ont refusé d’approuver une résolution dénonçant une attaque homophobe dans un bar gay à Bratislava. Aucun des livrets du RN à l’élection présidentielle n’était consacré aux droits des femmes (alors qu’un livret entier était consacré à la famille). Marine Le Pen avait par ailleurs annoncé, lors de cette élection, son intention de supprimer le ministère consacré à l’égalité hommes-femmes.

En 2023, le parti s’est abstenu vis-à-vis de la directive européenne sur la transparence et l’égalité des rémunérations (dont l’objectif était d’appliquer, à partir du 7 juin 2026, l’égalité de salaires entre femmes et hommes pour un travail identique ou de même valeur). Le RN a voté (définitivement) contre l’adoption de la Convention d’Istanbul, qui porte sur la prévention de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (dont, notamment, les violences psychologiques, le harcèlement, les mariages forcés et les mutilations génitales). Et les eurodéputés du parti n’ont pas participé au vote pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité.

En 2024, le RN a soutenu un amendement excluant les dépassements d’honoraires de la prise en charge intégrale des soins liés au cancer du sein ; et le parti s’est déchiré sur la constitutionnalisation du droit à l’avortement. Ces deux votes sont pourtant mis en avant, dans la fameuse vidéo de Jordan Bardella du 17 juin, pour prétendre que le RN défend les « droits des femmes ». 

Bref : là aussi, la façade du RN ne tient pas debout. Ces quelques vérités sont pourtant rarement opposées aux cadres du parti. Alors que le premier tour des législatives a livré son verdict, il serait temps que la complaisance à l’encontre du RN cesse – et que celui-ci soit interrogé avec, au moins, la même sévérité que ses adversaires.

Un commentaire

  1. Là n’est pas vraiment le problème. Pendant ces débats secondaires sur la place des LGBT dans une société avancée, le Maître du Kremlin avance ses pions ! Il est encore temps de le briser (par une salve nucléaire déterminée) avant que, comme les Byzantins occupés à débattre du sexe des anges, nous nous retrouvions, trop tard, assiégés et bientôt vaincus.