On ne sait pas trop à quoi joue l’écrivain et polémiste François Bégaudeau depuis quelque temps. On le savait depuis longtemps marxiste « détestant les bourgeois » comme il aime à le répéter à satiété, et défenseur absolu du communisme d’aujourd’hui et encore plus celui d’hier, le léninien, le stalinien, comme il l’écrivait un jour de grande inspiration sur feu son blog : « Il manque sans doute un livre blanc des expériences communistes. Qui raconterait quand même les bonds de tous ces pays en matière de santé et d’éducation, par exemple. Et puis quand même : sécurité de l’emploi, non-concurrence ou presque entre les travailleurs, relative égalité salariale. Beaucoup de pauvreté individuelle mais une vraie richesse des biens communs. » Pas un mot sur les goulags, pas un mot pour ces millions de pauvres femmes et pauvres hommes morts pour rien, cela va sans dire.

Le polémiste semble avoir trouvé un nouveau cheval de bataille, qui s’appelle Houria Bouteldja, ancienne Indigène de la République, dont il trouve la prose et les propos passionnants : « l’une des penseuses les plus importantes du moment ». Rien que ça. Rappelons en quelques mots les faits d’armes de cette penseuse sulfureuse que Bégaudeau porte très haut. Elle fit grand bruit par un essai signé en 2016 à La Fabrique, Les Blancs, les Juifs et nous. Vers une politique de l’amour révolutionnaire. Antisioniste viscérale, elle appelle les juifs à abandonner Israël, et à ne plus pactiser avec « le diable », autrement dit l’oppresseur blanc, comme ils le font selon elle. D’où sa phrase qui fait froid dans le dos : « On ne reconnaît pas un juif parce qu’il se déclare juif mais à sa soif de vouloir se fondre dans la blanchité. » Pire : les Juifs ? « vous faites partie de nos oppresseurs (contre les Musulmans NDLR), volens nolens. Vous, les “Juifs nouveaux”». Généralisation absurde et abusive, essentialisation, criminalisation même, qui fleurent bon l’antisémitisme. Pire encore : lorsqu’elle s’attaque à la Shoah, qu’elle tente de relativiser, d’amoindrir, de lui retirer coûte que coûte sa singularité, son unicité, pour affirmer que le nazisme n’est qu’une « filiation » du colonialisme. Oui, dit-elle contre Lanzmann qu’elle cite : à l’endroit de la Shoah, « le temps du blasphème est venu ».

Visuel de la rencontre entre Houria Bouteldja et François Bégaudeau.

De Libération au Figaro, le livre est considéré comme détestable et problématique. Clément Ghys de Libération résume bien la chose : « Logorrhée haineuse, brûlot odieux ». Didier Leschi, président de l’Institut européen en sciences des religions, précise qu’il y a une influence dans ce livre de la pensée de Maurras, « dans sa haine du juif associée au dégoût du métissage. »

On se souvient par ailleurs de cette photo datant de 2013 où on la voit, souriante, dans la rue, lever le pouce en l’air à côté d’une inscription au feutre : « Les Sionistes au goulag ».

La polémiste Houria Bouteldja.
La polémiste Houria Bouteldja.

Tout cela enchante visiblement Bégaudeau qui trouve l’ouvrage, répétons-le, remarquable, et Bouteldja « une des penseuses les plus importantes du moment ». Il ne jure plus que par elle, et embraie lui aussi sur les juifs, la question, le problème, alors que jusqu’à présent les juifs ne le passionnaient guère, avec des propos pour le moins ambigus, généralisant et de surcroît faux à plus d’un titre : Oui, dit-il sur la chaîne YouTube « À gauche », elle a raison de pointer du doigt « le problème des juifs en France » : « Il y a beaucoup à dire sur les juifs français actuels pris comme entité politique, presque force politique. Où sont-ils dans le rapport de force général ? Eh bien ils sont à droite ». D’abord d’où sort-il cette information sans fondement, sans fondement puisqu’en France aucune statique ethnique n’est autorisée ? Il nous ressort par conséquent une vieille idée antisémite qu’il y aurait un vote juif, un seul, unique, comme un bloc cohérent… Et il n’y a qu’un pas, bien sûr, qu’il franchit, quand il parle de « force politique », pour évoquer la soi-disant influence des juifs sur la politique. « Il y a beaucoup à dire » dit-il, et on aimerait effectivement en savoir plus, qu’il précise un peu sa pensée… Il ne manque pas dans cette interview, détail certes, mais qui n’est bien sûr pas neutre, de citer Dieudonné, « Oui, j’ai un petit côté taquin, comme disait Dieudonné », comme le fait d’ailleurs Bouteldja dans Les Blancs, les Juifs et nous, en se rangeant de son côté.

Bégaudeau ne s’arrête pas là, le sujet semble de plus en plus le passionner, comme l’atteste une rencontre récente entre les deux polémistes, visible aussi sur YouTube, où ils s’accordèrent tranquillement sur les qualités d’Alain Soral. Bégaudeau est sans ambiguïté : « Il y a des choses à choper chez Soral »… Il ne précisera pas ce qu’il entend par « choper chez Soral », comme d’habitude il préfère ne pas développer, mais dire qu’il y a des « choses à choper chez Soral » alors que l’on sait que l’antisémitisme est au cœur de sa pensée, qu’il irrigue sa pensée politique, on reste perplexe, pantois, abasourdi même. Tout ça sent mauvais, et un glissement semble nettement s’opérer.

Bouteldja, Dieudonné, Soral… Les nouvelles références, les nouveaux camarades de Bégaudeau. Quelle chute.

5 Commentaires

  1. Ce Bégaudeau est un loser (et il fume bien sûr …), plein de ressentiments comme c’est l’habitude de ces losers, et en bonne compagnie avec cette femme qui aussi se sent comme un « underdog » et veut se venger pour sa misérable estime de soi-même … Je ne comprends pas pourquoi il est possible de publier un antisemitisme prèsque à la manière de Goebbels dans la France d’aujourd’hui. Est-ce qu’on est devenu trop « politically correct » envers les autres ethnies ou est-il plûtot une arrogance envers eux?
    Merci beaucoup pour un bon commentaire.
    Amicalement de la Suède,
    Maja

  2. « Tous les poètes qui tombent, nous les ramassons ».
    Diderot, le neveu de Rameau.

  3. Je ne connais pas Bégaudeau, c’est-à-dire que je ne l’ai pas lu. Si je devais le faire, ce serait bien sûr pour le réfuter. Mais réfuter un antisémite, c’est encore lui donner des armes. Je ne lirai donc bégaudeau que s’il y a lieu d’en découdre une bonne fois.