La nouvelle est tombée hier, 6 septembre 2021. Vingt ans après l’assassinat du commandant Ahmad Shah Massoud, la terre des vallées du Panjshir a vu s’effondrer, mort, sur son sol balayé par le courage de ceux qui résistent encore et entendent briser les chaînes talibanes qui enserrent le pays des chevaux, un autre homme. Pas n’importe quel homme. Dans sa chute, l’Afghanistan a emporté Fahim Dashty.

Qui était Fahim Dashty ? Fahim Dashty – il faut répéter son nom, celui d’un brave, comme un écho qui perdure par-delà la vie de ce courageux afghan – était journaliste. Il était de ceux qui se battaient pour pouvoir l’être et le rester, pour pouvoir continuer d’exercer l’honneur de son métier dans une région du monde où, preuve en est sa disparition à l’âge de quarante-huit ans, cela ne va pas toujours de soi. Noblesse de ceux qui ont l’écriture au ventre, la liberté au cœur.

Après le retrait des Talibans au début des années 2000, et alors que le pays renaît à peine, Fahim Dashty saisit l’occasion de cette nouvelle respiration afghane, et trouve son souffle en créant un journal : le Kabul Weekly, huit pages tirées à 4000 exemplaires, mêlant dari, pachtoun, anglais et français. C’est sa contribution personnelle à la reconstruction de sa nation tant aimée. Et quelle contribution ! Il va plus loin en soutenant le droit des journalistes à exercer leur fonction via son agence de presse Ariana et défend par ricochet, à travers ce combat qui sera celui de sa vie, la liberté d’expression en Afghanistan. Dans la foulée, Dashty devient le directeur de l’Afghanistan National Journalist’s Union (ANJU) fondée en janvier 1981 dans le quartier de Qalaï Fatullah, au centre de Kaboul. Il se lie avec la Fédération Internationale des Journalistes et l’Association des journalistes indépendants d’Afghanistan, avant de poursuivre sa mission au sein de la Federation for Afghan Journalists and Media Entities qui voit le jour en 2012. Mission est le mot. Il y avait quelque chose, une puissance, qui animait cet homme-là, comme un sacerdoce. Sa religion c’était la Presse, sa foi l’émancipation.

Bernard-Henri Lévy fit sa connaissance en 2002, par l’intermédiaire de Frédéric Tissot, lorsqu’il est mandaté sous statut diplomatique par le Président de la République Jacques Chirac pour établir un rapport fort de propositions pour établir une coopération de la France en vue de la reconstruction du pays. Fahim Dashty est celui qui inspira le projet franco-afghan des Nouvelles de Kaboul, son propre journal servant, à bien des égards, de modèle à suivre. Il contribua à ce journal dont il faudra, un jour, raconter l’histoire et, à cette occasion, donner à lire des textes de Fahim Dashty.

Mais Fahim Dashty, contraint par un revers des temps qui courent (à reculons), soit l’invasion, à nouveau, de son pays par les Talibans à l’été 2021 après le retrait des boys de Joe Biden, ne fut pas qu’un simple journaliste.

Rattrapé par la barbarie, dans un pays en débâcle, l’homme de plume s’est engagé dans la résistance dans les montagnes du Panjshir auprès du fils d’Ahmad Shah Massoud, Ahmad Massoud. Il était celui qui parlait le mieux de son chef, de son ami. Il était celui qui voyait dans ce jeune homme un berger sans troupeau, tournée vers le ciel et ses étoiles, qui aurait dû voir le monde à travers une lunette d’astronomie bien plus que dans le viseur d’un fusil. Dashty devient, par amour pour l’Afghanistan libre, le porte-parole du Front National de Résistance. Sur les lignes d’un duel désolant, il n’a cessé de délivrer des informations sur l’évolution de la lutte contre les talibans.

Abattu par la frappe d’un drone dans le district d’Anaba à Dashtak, Fahim Dashty prononçait ces mots, dans un élan de courage : « Si nous mourons, l’histoire parlera de nous comme des hommes qui ont défendu leur pays jusqu’au bout ». Eh bien voilà, nous y sommes. Jusqu’au bout oui, il aura défendu son pays. Au nom de la liberté.

Si le Panjshir est tombé, il est tombé avec Fahim Dashty.

Vingt ans jour pour jour après l’assassinat du commandant Massoud.

Vingt ans jour pour jour après qu’il eut survécu à l’attentat à la caméra piégée qui tua Massoud, à qui il était venu présenter, ce 9 septembre 2001, un projet de centre culturel dans le Panjshir.

Vingt ans après qu’il fut blessé aux mains et au visage.

Vingt ans après… L’Afghanistan vingt ans après.

Ruse de l’Histoire ?

Lâcheté des hommes.

Courage des résistants.

Fahim Dashty est mort au combat.

Hommage à Fahim Dashty.