Parce que les rapports troublants de Rachida Dati avec l’Azerbaïdjan (« Etat frère » de la Turquie) sont inquiétants, le site de « Nouvelles d’Arménie » a envoyé le 10 juin à tous les candidats qui lui apportent leur soutien, quatre questions touchant au génocide des Arméniens, au négationnisme, au devoir de mémoire et à l’importation de la propagande azerbaïdjanaise sur le territoire français.

Il s’agissait de permettre à ces 15 personnalités[1] qui sollicitent le suffrage des électeurs de faire connaître leur position sur ces sujets. Et ce, alors que leur championne, interpellée plusieurs fois en public et en privé à ce propos, a toujours refusé de répondre. Ce qui ne laisse pas d’étonner eu égard à l’actualité du panturquisme sur la scène internationale, dont les régimes frères d’Aliev et d’Erdogan sont les principaux acteurs.

Or, étrangement, aucun de ces candidats LR ou apparentés n’a souhaité non plus s’engager, hormis Florence Berthout, maire sortante du 5e arrondissement. Dans le meilleur des cas, ce silence interroge. Ces élus potentiels n’ont-ils pas de position sur ces questions ? Sont-ils terrorisés à l’idée d’exprimer une opinion qui pourrait s’avérer dissidente de celle de leur leader ? Sont-ils si sûrs de leur victoire qu’ils peuvent se permettre de mépriser les dizaines de milliers de Parisiens, de toutes origines et confessions, qui se sont mobilisés sur ces thématiques depuis au moins un demi-siècle ?

On se perd d’autant plus en conjecture, que c’est Jacques Chirac qui a promulgué la loi de reconnaissance du génocide le 29 janvier 2001, que Nicolas Sarkozy et François Fillon avaient fait voter une loi de pénalisation du négationnisme en 2012. Rien donc en principe susceptible d’effrayer un simple candidat LR (même si François Hollande avait également fait voter une loi dans ce sens en 2016).

Alors pourquoi cette omerta ? Nouvelles d’Arménie qui s’enorgueillit d’avoir obtenu des interviews exclusives des quatre derniers présidents de la République durant l’exercice de leur fonction, ne serait-il pas un média à la hauteur de ces postulants à des élections locales ?
Que cache l’attitude de ces 15 aspirants à des mairies d’arrondissement qui ont pour point commun de soutenir Rachida Dati ? Si ce n’est du dédain, s’agit-il de discipline ? Mais de la discipline envers qui ? A quelle ligne ? A quel principe ?

Faut-il le préciser, ce silence assourdissant, qui par contraste met d’ailleurs en relief le courage et la liberté de Florence Berthout, ne fait qu’alourdir l’inquiétude nourrie par la proximité affichée de Rachida Dati avec la dictature azerbaïdjanaise. Paris n’est pas en effet une municipalité ordinaire. Capitale de la France, cette ville-monde représente un intérêt de politique international. Il va sans dire que cet enjeu n’aura pas échappé à la dynastie Aliev, dont la diplomatie du caviar et les tentatives de corruption en Europe a maintes fois défrayée la chronique ces dernières années. Sans parler de son triste bilan démocratique régulièrement dressé par Amnesty international, RSF (166e place sur 180 dans le baromètre sur la liberté de la presse) ou l’OCCRP (Organized Crime and Corruption Reporting Project) qui a consacré un rapport terrifiant sur la lessiveuse azerbaïdjanaise (2,9 milliards de dollars blanchis entre 2012 et 2014). 

Faute de réponse du Bon Dieu sur cette problématique, on espérait de ses saints qu’ils nous rassurent. Le silence qu’ils ont cru bon d’opposer à ce questionnaire aussi légitime que basique fait craindre le pire pour la mémoire des victimes du génocide arménien en cas de victoire de Rachida Dati à la mairie de Paris. 


Les réponses de Florence Berthout à Nouvelles d’Arménie

Florence Berthout, maire sortante du 5e arrondissement.

Approuvez-vous la loi de reconnaissance du génocide des Arméniens promulguée par Jacques Chirac le 29 janvier 2001 ?

Il était grand temps que la France regarde en face l’histoire du peuple arménien. Cette loi est venue réparer une terrible injustice.

Il y a entre la communauté arménienne et mon arrondissement des relations d’amitié anciennes et profondes. De nombreux Arméniens y ont trouvé refuge après 1915 à l’image des parents de Charles Aznavour, qui lui-même a d’ailleurs fréquenté une école du quartier fameuse, celle des enfants du spectacle rue Cardinal Lemoine.

Soutenez-vous le principe d’une loi de pénalisation du négationnisme de ce génocide, comme s’y étaient engagés Nicolas Sarkozy, puis François Fillon candidat LR à la présidentielle de 2017 ?

Je suis favorable à la pénalisation de toute négation ou banalisation du génocide arménien. Il reste que, à ce jour, les tentatives du législateur pour inscrire dans la loi le principe d’une pénalisation se sont heurtées à la censure du Conseil constitutionnel.

J’espère qu’une réponse législative appropriée pourra être trouvée.

En cas d’élection, vous engagez-vous à ce que Paris continue de commémorer la mémoire des victimes de ce qui a été le 1ergénocide du 20e siècle et la plus grande catastrophe civile de la Première Guerre mondiale ?

Je m’y engage d’autant plus aisément que, depuis mon élection à la mairie du 5e en 2014, j’ai accompagné les cérémonies commémoratives du génocide arménien et régulièrement organisé des manifestations pour valoriser et rendre hommage à l’histoire et la culture du peuple arménien.

Vous engagez-vous, dans le cadre de vos prérogatives futures, à faire barrage aux opérations de propagande de la dictature azerbaïdjanaise (type village d’Azerbaïdjan), dans votre mairie et dans les lieux officiels de la capitale en cas d’élection ?

Les élus de la République doivent veiller à ne pas se faire instrumentaliser, sous couvert d’animations festives, sans conséquences apparentes. Je serai d’une vigilance extrême.


[1] Aurélien Véron, Jean-Pierre Lecoq, Jeanne d’Hauteserre, Pierre Maurin, Bertil Fort, Nelly Garnier, Valérie Montandon, Jean-Baptiste Olivier, Marie-Claire Carrère-Gée, Agnès Evren, Francis Spziner, Geoffroy Boulard, Rudolph Granier, Marie Toubiana, François-Marie Didier.