L’Inde connaît une terrible érosion des libertés publiques sous le gouvernement du Premier Ministre nationaliste hindou, Narenda Modi. A traiter de sujets politiquement sensibles, journalistes, universitaires, professions intellectuelles s’exposent à un harcèlement et des manœuvres d’intimidation explicites, dénonce La Maison des Libertés dans un récent rapport. L’extension de l’intimidation est devenue explicite en la personne de mon frère journaliste, Siddharth Varadarajan. Il a reçu une convocation ce vendredi – jour de ses cinquante-cinq ans – de la police de l’Uttar Pradesh, l’Etat le plus peuplé d’Inde, sous le chef d’avoir violé plusieurs lois. Siddharth, qui travaille à New Delhi, est le fondateur du Wire, un des plus importants portails en ligne. Y a été publié un récit qui peignait le Ministre en chef de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath, sous un jour peu avantageux. Le Wire rapportait que M. Adityanath, un prêcheur passé en politique, avait participé à un rassemblement religieux à Ayodhya, berceau de la divinité hindoue Rama, en violation ouverte du confinement national contre le coronavirus. La rédaction du Wire attribuait par erreur une citation à M. Adityanath, erreur rectifiée à la fin même du récit. Deux lecteurs n’en arguèrent pas moins que cela constituait une diffamation à l’égard de M. Adityanath. L’un des deux dit même que cela lui avait occasionné de l’angoisse. Tous deux déposèrent plainte à la police d’Ayodhya, en suite de quoi mon frère eut à répondre de six forfaits différents : avoir désobéi à l’ordre d’un officier public, avoir répandu une rumeur contre une communauté religieuse dans le but de provoquer une émeute, avoir usé d’un ordinateur pour dépersonnaliser un individu, avoir transmis en ligne du matériel obscène, avoir désobéi à un règlement officiel en période d’épidémie, avoir répandu des rumeurs dans le but de causer la panique. Ces accusations en réponse à un reportage étaient si évidemment incongrues qu’on ne pouvait qu’en conclure qu’elles étaient portées contre Siddharth en vue de l’intimider et le réduire au silence durant tous les mois de l’enquête. Alors que bon nombre de média faisaient le dos rond sous l’orage, lui et le Wire n’avaient pas fléchi et continuaient de critiquer Modi et Adityanath. 

Le 10 avril, plusieurs policiers de l’Uttar Pradesh, certains en civil, firent irruption au domicile de mon frère à New Delhi pour lui remettre des réquisitions lui intimant de comparaître devant la police d’Ayodhya le 14 avril. L’Inde sera alors toujours sous confinement. Son épouse Nandini, professeure de collège, les intercepta dans la rue, insistant pour qu’ils lui remettent les papiers en question. Après s’y être refusés – un policier soutint que le règlement interdisait de remettre tous documents à des femmes ou des enfants –, ils finirent par le faire. J’ai parlé à Nandini qui m’a répondu ceci : 

« Alors que règne le confinement général du pays et que chaque policier a pour tâche de le faire respecter, on peut d’étonner qu’ils envoient un SUV plein de flics faire 700 kilomètres, d’Ayodhya à Delhi, pour délivrer un mandat de comparution à Siddharth. Toute cette affaire transpire de mauvaises intentions. Ils entendent réduire les derniers medias libres au silence. »


(Traduit de l’anglais par Gilles Hertzog)

Un commentaire

  1. Les pays ne deviennent pas des dictatures en réprimant la liberté d’expression, ils la répriment parce qu’ils sont devenus des dictatures.
    Quand les muscles spinaux d’un régime se contractent au premier sifflement, que la pression qu’il exerce sur celles et ceux suant sang et eau sous son couvercle bien vissé, pousse les peuples en ébullition à recouvrer leurs libertés, quelles qu’en soient les conséquences, fussent-elles dévastatrices, non seulement pour le régime, mais pour l’État et, plus ou moins directement, les composantes chaotiques de la société féodale de masse qu’il régit, on est en droit de penser que la confiance des gouvernés dans leurs gouvernants repose sur une sorte de culte sectaire, inculquant la servitude volontaire à ses adeptes nationaux, je n’ai pas dit adeptes nés, lequel état de soumission ne peut être instauré que par la terreur que ledit culte fait naître en ces derniers, une forme de confiance aveugle ou d’aveuglement de la conscience obtenue par la mauvaise force, la force qui fait loi, une force invoquant la nécessité qui, serait-elle avérée, ne devrait jamais se substituer à la logique du juste, qui, ce faisant, nourrirait à son encontre une défiance négative convertible en déviance nihiliste, une faim de renégociation du contrat asocial, grondante, spiculaire, tenaillant le dharma ulcéré à un larron de peuple prêt à prendre tous les risques pour détourner l’attention des geôliers, scier les barreaux d’une fenêtre nargueuse, glisser la tête dehors et se jeter dans l’océan Libertaire, que sa cellule soit située au dernier sous-sol ou au sommet d’une tour.
    Aria est cerné par un binôme de frères-ennemis existentiels.
    Iran rêve de rejoindre ce club ultraconvoité dont les nucléarisateurs de Pakistan s’apprêtaient à encarter al-Qaïda, quand le Satan américano-sioniste aurait la mémoire strabistique et niaquée d’en décider autrement ; ceci explique peut-être que, l’an dernier, les commandes de pétrole à la RII aient baissé de 85 % alors qu’elles progressaient de 72 % auprès des USA.
    Les théoriciens du califatalisme nous firent savoir qu’ils ne se contenteraient pas d’être, pour les terres de conquête sous les traits desquelles ils aiment à se représenter les États de non-foi, ce qui inclut a fortiori une civilisation polythéiste plurimillénaire, un ennemi de l’extérieur stricto sensu.
    Raison de plus pour que Modi adopte l’attitude des grandes démocraties que son univers hermétique, par le biais de Pythagore ou d’Allen Ginsberg, n’aura jamais cessé d’abreuver des sagesses de sa science ou de sa science de la sagesse et, plutôt que de persécuter indistinctement ses opposants comme un vulgaire fasciste, oppose, par son application rigoureuse d’une jurisprudence placée sous la haute protection des garde-fous universalistes, une fin de non-recevoir aux optimistes invétérés qui auraient l’outrecuidance de légitimer les aspirations de la République islamique aryenne à poursuivre son programme d’enrichissement d’uranium à condition qu’en échange, celle-ci apporte des gages de paix et d’amitié à la Supranation, de type Accord de Vienne allégé, favorisant, par pure malice ou maladresse insigne, le démantèlement du droit international à la faveur d’un travestissement du droit des rois à disposer de notre temporalité.