Bernard-Henri Lévy repart sur les champs de bataille. Après deux films passés aux côtés des combattants kurdes, qui ont sans aucun doute contribué à faire connaître la cause de ce peuple défenseur des valeurs démocratiques et de la liberté contre Daech, mais lâchement abandonnés par l’Occident, c’est au Nigeria, que, dans un reportage pour Paris-Match, l’écrivain, dans les pas de Malaparte, a ajouté une nouvelle scène, terrible, au Kaputt infini qu’il écrit depuis quarante ans. Il faut lire «Match» : des scènes de massacres à Godogodo, au centre du Nigeria, où les chrétiens vivent dans la crainte et sous le fil de l’épée des Fulanis, des islamistes classés comme un des principaux périls terroristes du globe. Les mots sont rudes, et presque interloqués par l’ampleur de la barbarie : croix en braises, cendres d’églises, supplice de l’évêque de Jos, pillages, viols, tortures, témoignage de 17 chefs de communautés chrétiennes venus raconter au philosophe un quotidien de souffrances et, au sens propre, de martyre. Poids des mots, et chocs des photos; les images rapportées du Nigeria sont effarantes : cadavres entassés à l’arrière des pick-ups comme du petit bois ou des fétus, enfants tordus de douleurs, corps face contre terre dans un champ, fosses communes où pêle-mêle gisent des morts… En un mot : un début de Darfour. Une situation de pré-génocide. Rwanda, 1993….

Le geste du philosophe rappelle l’un de ses précédents livres, Les Guerres Oubliées, cette série de grands reportages sur des conflits passés sous les radars de l’actualité diplomatique et médiatique en 2001, au Burundi, en Angola, au Soudan, au Sri-Lanka, en Colombie. Mais ici, les exactions des Fulanis diffèrent de deux façons. D’abord, dit BHL, ce sont certes des guerres oubliées, mais elles ne sont pas seulement monstrueuses, elles disent aussi quelque chose de notre époque. Elles sont des guerres exemplaires du XXIe siècle : le massacre des chrétiens du Nigeria, bien sûr, par l’ampleur des pertes civiles (alors que les guerres du XXe siècle avaient des proportions inverses, entre pertes civiles et militaires), poids de l’islamisme, volonté de pureté mêlée aux sentiments religieux. Et deuxièmement, ce que sous-entend le philosophe au long de ce reportage, c’est que l’«oubli» des Fulanis n’est pas pure désinvolture, pure paresse journalistique (comme pouvaient l’être celles de 2001, selon l’adage de Raymond Cartier, de Match, déjà, selon lequel les lecteurs étaient plus intéressés par «la Corrèze que le Zambèze»). Non, BHL accuse à demi-mots de complicité les autorités étatiques du Nigeria de silence, d’infiltration par les Fulanis du gouvernement et des forces de sécurité. Certaines bonnes âmes sur Twitter, se sont émues du rappel de ces faits, nuisibles à un pays qui aura, dans 20 ans, plus d’habitants que les Etats-Unis, et qui est déjà la première puissance économique d’Afrique. Mais, comme Péguy disait : «Pour voir, il faut voir». Il faut cesser ce déni à l’égard des Fulanis, mobiliser la communauté internationale.

C’est d’autant plus paradoxal que le Nigeria figure déjà, hélas, sur la carte de la gangrène islamiste. Boko Haram, désormais absorbé, comme dans une OPA, par Daech, est ce groupe qui, dans le nord-est du pays, terrorise les abords du Lac Tchad, jusqu’à menacer, au plus fort de sa puissance, Abuja, la capitale, et les pays alentours. Désormais en repli, devenu guérilla, ces terroristes ont été rendus tristement célèbres pour l’enlèvement d’une centaine de lycéennes de Chibok, vendues comme esclaves. Ils forment, avec Aqmi et le GISM au Sahel, les chebabs dans la Corne de l’Afrique, l’une de ces galaxies qui composent un vaste arc de crise, depuis le Golfe de Guinée jusqu’au Yémen, en passant, donc, par le Nigeria. Mais les Fulanis, eux, sont passés sous silence – pourquoi ? Quelles raisons autres, si ce n’est de mauvaises raisons, c’est à dire une étrange mansuétude, de l’électoralisme, une affinité idéologique, la volonté de redorer un pays certes richissime en pétrole, mais dont l’économie est en crise ?

Le Nigeria a été le lieu, pendant la guerre du Biafra en 1967, où s’est inventé le droit humanitaire, d’ailleurs lorsqu’on massacrait, déjà, des chrétiens, les Ibos. Il faut donc non se taire – n’en déplaisent à certains, mais comme le fait Bernard-Henri Lévy, attirer l’attention de tous. Il faut donc se déciller, et regarder, non seulement Boko Haram, mais cette «autre moitié du soleil» dont parle Chimamanda Ngozie Adichie, la célèbre romancière nigériane : l’extermination ethnique des Chrétiens menée par les Fulanis.

5 Commentaires

  1. POURQUOI BERNARD HENRI LÉVY N’INTERPELLE T’IL PAS CE PAPE FRANÇOIS QUI SOIT DISANT REPRÉSENTE LES CHRETIENS ‼️😡🆘 DE TOUTE FAÇON YESHOUA CRIE MAIS DEPUIS DES SIÈCLES L’ÉGLISE EST SOURDE

  2. Ripostons aux égarements de l’humanisme sartrien dont l’armement des faiblesses conceptuelles continue de soutenir que le monde irait mieux si la statue de Liberty Island tombait à la renverse dans les eaux stygiennes.
    Ripostons au bras armé du fascisme quiétiste.
    Ripostons aux croisés de l’islam.
    Ripostons à la Ligue islamiste mondiale.
    Ripostons à la Ligue pan-nationaliste arabe.
    Ripostons au AK de MBS et à sa tentative de coranisation du Continent-Mère.
    Ripostons au comité de tout prix littéraire qui admettrait que l’un de ses membres accuse de génocide l’État résiliant des survivants d’un innommable crime.
    Ripostons à toute scène littéraire se révélant incapable de faire face aux erreurs de jugement qui la plomberaient, en cautionnant le terrorisme d’aujourd’hui à travers son impuissance à éprouver une once de remords envers des modes opératoires jadis validés par ses papes dans le cadre d’une décolonisation qui, profitant d’un aveuglement internationaliste, n’en fut que plus mal barrée.
    Ripostons aux stratèges saisissables des grandes puissances en voie de sous-développement.
    Ripostons à l’entrisme ultralibéral et à son financement soi-disant inconscient des scénarios barbares où s’enlisent nos héros.
    Ripostons à tous ces flemmards bipolaires feignant de ne pas réaliser qu’en guise de vote utile, leur système pluraliste leur offre une troisième voie libérale-démocrate, à laquelle ils pourraient conférer une large majorité si, suite à l’édifiante conversion au Brexit du candidat Ready for Everything, leur intention était toujours de s’opposer au brexiter du 10 Downing Street, et si leur aversion pour le monde de la finance n’avait pas fini par l’emporter sur ce qui jusque-là nous permettait de distinguer leur doctrine antiestablishment de l’antilibéralisme nazi.
    Ripostons à nous-même.
    Ripostons aux intimidations des meilleurs d’entre soi, lesquels ne renonceront jamais à l’outrecuidance de nous intimer l’ordre de nous accoquiner avec le PIR en sorte que nous, l’Autre, les délivrions du mal.
    Et, par-dessus l’économie de marché, n’imaginons pas pouvoir endiguer une vie que nous aurions échoué à protéger, rien qu’en lui démontrant qu’il est vain de miser sur la peste pour se débarrasser d’une toxi-infection décomplexée.
    Bornons-nous à éradiquer le choléra.
    Et la peste d’elle-même, tel un banal mirage, s’évanouira.

  3. Je trouve ce texte dangereux. « Fulani », contrairement à ce que vous semblez penser, n’est pas un groupe idéologique ou une secte religieuse; il s’agit d’un groupe ethnique, environ 20 millions de personnes au Nigéria, et au moins autant ailleurs en Afrique de l’Ouest et dans le monde (Guinée, Sénégal, Mali, Gambie, Burkina, Côte d’Ivoire, Ghana, France, USA, Belgique…) avec une langue (et ses variantes locales), une culture et une histoire. Mais j’imagine que ce genre de complexité, de nuances n’intéressent ni vous ni le chevalier blanc dont relayez les propos, et que votre ignorance ne vous semble pas un obstacle pour proférez votre opinion.

  4. Bernard Henri Lévy n’est jamais allé au secours de qui que ça soit, sauf de lui même et d’Israël. Ce n’est même pas un pompier pyromane, c’est un pyromane tout court. Ce qu’il adore c’est allumer le feu, s’asseoir et regarder brûler, et puis…à la fin donner des conférences et écrire des livres en se faisant passer pour le messie, alors que c’est le diable en personne.

    Bien je crois que vous aller effacer ce commentaire…mais bon ça ne fait rien.