Vous, les poltrons. Vous qui faites le compte de vos propres fautes. Allez-vous rester les bras croisés devant ça, le supplice au ralenti, la catastrophe qui avance pas à pas, jusqu’au couronnement final de ce clown ?

Vous ne vendez pas votre âme au diable, Fernando Henrique[1] ? C’est curieux, parce que moi, oui. Et ceux que j’aime également. J’ai peur pour moi, et pour eux.

Il nous faut des déclarations bien claires de condamnation du Venezuela avant de signer le moindre manifeste démocratique, Samuel Pessôa[2], mon cher cousin ? Mais tu n’as pas encore compris que le Venezuela, nous l’avons ici, maintenant ?

Hélio Schwartsman[3], on ne peut pas être certain que ce type est fasciste et violent ? Statistiquement, dites-vous ? Une expérience comportementaliste ? Ou est-ce le pouvoir infini de la transcendance qui s’est infiltré dans votre article ?

Giannotti, le Brésil va se civiliser avec l’arrivée du « Brésil profond » au pouvoir ? Diriez-vous la même chose de l’Allemagne — qu’elle s’est civilisée (après avoir assassiné quelques millions de personnes) avec l’arrivée au pouvoir de « l’Allemagne profonde », le nazisme ?

Et le glorieux manuel de rédaction de la Folha de S. Paulo, qui interdit de le qualifier d’extrême droite ? Quoi d’autre, alors — de moyenne droite ? Trois quarts de droite ? Haddad, prenez pour vous la transe qui l’entoure. Le diable est dans la rue, au centre du tourbillon, et le temps presse.

Vous aviez trois semaines, vous en avez déjà perdu deux. Oui, condamnez immédiatement le Venezuela, comme le veut mon cousin (c’est mérité) ; garantissez que vous ne vous présenterez en aucun cas à votre réélection, et qu’aux prochaines élections votre candidat sera Ciro Gomes[4] (l’idée est de Marcos Nobre[5]).

Faites tout ce que vous avez à faire, y compris rompre avec Gleisi Hoffmann[6] et avec l’auto-victimisation narcissique de votre parti.

Ah, juste un rappel : Lula est de fait en prison (il est bon de le rappeler aussi à la droite). Le monde touche à sa fin, les amis.

Marina Silva[7] a mis deux semaines pour déclarer son vote ! C’est incroyable ! Devons-nous applaudir ? Inaugurer une statue en bronze ?

Et Ciro [Gomes], qui sillonne l’Europe ? Est-il vexé ? Qui connaît un thérapeute ? Une tasse de thé, pour commencer la danse lente d’approche des élections de 2022, qui n’auront probablement jamais lieu ?

Vous, les sans à propos, les sans désir, les sans énergie. Narcisses ventrus qui grattez votre propre image, en disant « voyons, voyons ». Moi je ne vois pas grand chose, je ne vois fichtrement rien, et la peur, la peur de cette ridicule Regina[8] s’est emparée de moi.

Nous avons voté pour vous. Pendant des décennies. Les élections majoritaires, personne ne les a oubliées. Et vous vous gavez, dans ce festin sinistre, d’hésitation, de tiédeur, de mégotages.

La panique que je ressens ne vous atteint-elle pas ? Et cette voix cassée, tous ces gens qui pleurent ? Où êtes-vous ? Oui, je peux entendre l’argument — c’est la haine des politiciens qui a créé ce petit monstre.

Alors soyez des politiciens et non des lâches. Défendez ceux qui sont vulnérables. Car ce n’est pas de l’exagération — devant ce qui s’annonce, nous sommes tous vulnérables, et plus encore celui qui est pauvre, noir, pédé, lesbienne ou qui a changé de sexe. Unissez-vous. Faites bloc dans la défense, ôtez la chemise, appelez à descendre dans la rue, prenez des risques. Créez. Vous, les poltrons.


Texte paru originellement dans Folha de S. Paulo, le 23 octobre 2018.


[1] Référence à l’interview donnée par Fernando Henrique Cardoso à Pedro Venceslau, publiée sous le titre « Não estou vendendo a minha alma ao diabo, diz FHC » [je ne vends pas mon âme au diable…] dans O Estado de S. Paulo, 13 octobre 2018. L’ancien président de la République (de 1995 à 2002), figure historique du PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne, centre) y refuse son soutien automatique au candidat Fernando Haddad, critique le PT (Parti des travailleurs, gauche), et déclare qu’il ne votera pas pour Jair Bolsonaro, le candidat du PSL (Parti social-libéral, extrême droite). (NdT)

[2] Référence à la lettre ouverte de l’économiste Samuel Pessôa, « Por que não assinei o manifesto “Democracia Sim” » [pourquoi je n’ai pas signé le manifeste Democracia Sim], publiée le 25 septembre 2018 sur le blog de l’IBRE (Instituto brasileiro de economia), hébergé sur le site de la Fundação Getúlio Vargas. (NdT)

[3] Le journaliste Hélio Schwartsman est éditorialiste à la Folha de S. Paulo. (NdT)

[4] Ciro Gomes, le candidat du PDT (Parti démocratique travailliste, centre-gauche), arrivé en 3e position au premier tour de l’élection présidentielle, avec 12,47% des voix. Les sondages l’avaient donné, un temps, comme promis à un second tour très favorable contre Bolsonaro. (NdT)

[5] Référence à l’interview donnée par le philosophe à Patrícia Campos Mello et Marco Rodrigo Almeida, publiée sous le titre « Haddad precisa representar mais que o seu partido, diz Marcos Nobre » [Haddad doit représenter plus que son parti…] dans la Folha de S. Paulo, 15 octobre 2018. (NdT)

[6] G. Hoffmann, actuellement sénatrice et présidente nationale du PT. (NdT)

[7] Marina Silva, candidate du parti Rede Sustentabilidade (écologiste), est arrivée en 8e position au premier tour de l’élection présidentielle, avec 1% des voix. (NdT)

[8] L’actrice Regina Duarte, qui a provoqué une certaine stupeur, ces dernières semaines, en affichant notamment sur les réseaux sociaux son soutien à Bolsonaro. Elle a rendu visite au candidat, à son domicile, le 12 octobre, et a pris la parole lors d’une manifestation pro-Bolsonaro organisée Avenida Paulista, à São Paulo, dimanche 21 octobre. (NdT)