«Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ?» lança Hitler à ses généraux, à la veille d’envahir la Pologne et de perpétrer la Shoah.
La question sous-entendait la réponse : personne ou presque.
Il en irait de même du peuple juif. Grâce à l’oubli, on pourrait régler son sort sans problème. Les gaz + l’oubli (dans cet ordre), et «la question juive» n’en serait plus une.
Cela a même failli marcher par-delà la défaite du nazisme, l’oubli faisait son chemin, nul ou presque ne voulait écouter les survivants, qui se taisaient. Et il a fallu vingt ans, des livres, des films sans nombre pour que la Shoah s’impose peu à peu à la conscience universelle, et cette tâche n’est pas terminée.
Même question à propos du peuple kurde. Daech vaincu pour beaucoup grâce à ses combattants Peshmergas et ceux-ci remerciés aussitôt par notre abandon, qui se souviendra demain des Kurdes, cet éternel peuple en trop, plus que jamais laissé à la merci de ses puissants voisins, Irak, Iran, Turquie ? Qui ? Les Etats «amis», l’Amérique, l’Europe ? Ils ont, les premiers, lâché le Kurdistan après usage, coupable d’avoir demandé son indépendance vis-à-vis de l’Irak après un siècle de lutte, des massacres sans nom et cette dernière guerre contre Daech. Les pays arabes «frères» ? Pas davantage. La communauté internationale ? Elle pleure des larmes de crocodile, à l’ONU et ailleurs, sur les Syriens voués à la mitraille d’Assad. Bref, les Kurdes repasseront… L’opinion mondiale, en dernier recours ? Elle est sollicitée de toutes parts, et un drame chasse l’autre.
Amère victoire. Le Kurdistan est en voie de tomber à la trappe. Malheur aux vaincus.
Alors personne, vraiment personne, pour se souvenir, pour entretenir la flamme de la liberté kurde, à part la diaspora kurde et une poignée d’amis, toujours les mêmes ou presque depuis trente ans ?
Oui et non. Ne revenons pas sur la puissance maligne du oui, sur l’acquiescement occidental à la mainmise irano-irakienne sur Kirkouk et le blocus du Kurdistan.
Mais tout de même non. Décidément non. Lutter contre l’oubli. Se souvenir des Kurdes, du Kurdistan. Cette longue route contre l’oubli commence pour quelques-uns. Elle a débuté pour Bernard-Henri Lévy et les siens, il y a quelques semaines par la projection à New York à l’ONU devant les ambassadeurs des pays membres, de Peshmerga. Cela les mit face aux faits. Les faits d’armes des Peshmergas ; les faits accomplis.
Il en faut plus, beaucoup plus, avec ces Messieurs-Dames les représentant(e)s des Monstres froids ? Evidemment. Creuser la mauvaise conscience, à défaut d’engagement.
Seconde projection avant-hier au Capitole de Washington, devant une belle brochette de sénateurs et de représentants républicains et démocrates. Là, le film parlait à des gens de l’Indiana, de l’Utah, de Pennsylvanie, du Mississippi et d’autres Etats, pour qui l’honneur et la parole donnée aux Kurdes ne sont pas des vains mots.
Quelques heures plus tôt, cela avait été le lancement devant les membres de l’AIPAC, une des grandes organisations du judaïsme américain, par Bernard-Henri Lévy de JFK, Justice for Kurds/Justice pour les Kurdes, un forum franco-américain à l’initiative de l’écrivain-philosophe et d’un philanthrope américain, Thomas S. Kaplan.
Juifs et Kurdes : des destins longtemps parallèles, deux peuples en trop, deux peuples sans Etat, deux peuples toujours en lutte, deux peuples désormais solidaires. Succès. Ovation. Et ce sera bientôt, à Paris, à l’initiative de l’Institut Kurde, de nouveau la projection de Peshmerga devant les élus de la République française.
New York, Washington, Paris. Trois Parlements. Trois enceintes où les nations, parlent, se regardent elles-mêmes, se souviennent et, à l’occasion, honorent. Enfoncer là le clou : ces hommes se sont battus pour nous ; ce général, sur les monts Zartik, est mort pour nous, pour nous tous, pour vous, représentants des peuples libres, n’oubliez pas. Ne laissez pas cela derrière nous, ne laissez pas cela devenir de l’histoire ancienne. Si vous oubliez, qui, à votre place, se souviendra ? Seuls les mémorialistes ? Vous êtes aussi des gardiens du passé de vos peuples, les porteurs du souvenir. Vous êtes à vous tous une archive vivante. C’est là aussi la noblesse de la politique. Faites-vous une arme contre l’oubli. La parole est un acte. Votre acte contre l’oubli.
Kurdes : A New York, Washington, Paris, une arme contre l’oubli
par Gilles Hertzog
9 mars 2018
De la projection au Capitole de "Peshmerga" de Bernard-Henri Lévy à la création de "Justice for Kurds", des actes contre l’oubli.
Merci Céline ! bon courage à toi !bisous
Je conçois que la Kabylie ne soit pas dans la sphère géopolitique d’Israël. De ce point de vue, elle n’intéresse peut-être pas la majorité des intellectuels français! Mais il faut admettre, que « la noblesse politique » et d’esprit doit vous pousser à élargir votre engagement pour un peuple qui vit exactement la même chose que le peuple kurde: celui du peuple Kabyle! Le pouvoir d’Alger est en « guerre » contre Israël, mais aussi contre la nation pacifique Kabyle. L’extinction d’un peuple méditterranéen est programmé depuis 1962 aux portes de Paris! Les intellectuels et la presse français ont-ils peur des foudres d’Alger et du Lobby arabe, au demeurant trés puissant en France et en Europe? Même la presse allemande ne parlent que de ses « Türcs »!
Considérations en marge pour ne pas oublier les Kurdes.
Les Peshmergas, ces fers de lance aux avant-postes de la coalition dirigée par les USA, qui ont combattu les djihadistes d’Isis à Mossoul, à Kirkuk et les ont pourchassé tout au long des plaines de Ninive, resteront immortalisés dans les images du film-témoignage de Bernard-Henri Lévy.
C’est un miroir qui reflet la valeur et la dignité de l’être humain, mais également pour qui regarde ces images la reconnaissance qu’il doit au peuple kurde, sa part de responsabilité ou son revers, la honte de l’avoir abandonné à un destin de laissé pour compte de l’histoire.
La valeur des combattants kurdes n’est pas seulement un fait d’armes d’un peuple grand résistant aux persécutions, aux massacres et même au génocide. Il est tout autant humanitaire.
Dans le sillage de la guerre, du vent de la terreur de Daech qui a balayé la région faisant fuir pas moins de 3,5 millions de personnes, des déplacés que le gouvernement régional du Kurdistan (KRG) a accepté d’accueillir tout en en supportant le coût.
Un ami et associé des États-Unis, qui s’est montré un facteur de stabilité démocratique et de tolérance religieuse dans le Moyen-Orient et qui a su faire face tout seul à l’urgence humanitaire.
Pour comprendre la complexité de ce défi, il faut considérer sa portée.
Le Kurdistan d’une population d’environ 5 millions d’habitants a accueilli presque 2 millions de personnes déplacées y compris des centaines de milliers de réfugiés syriens pendant les dernières cinq années. C’est comme si la France accueillait et hébergeait pratiquement du jour au lendemain 26 millions de migrants.
La majorité de ces personnes sont des femmes et des enfants, certaines d’entre elles sont des familles des djihadistes d’Isis décédés. Aujourd’hui pour le Kurdistan c’est un impératif majeur d’héberger et d’aider beaucoup de mineurs non accompagnés, qui ont été accueillis, et les guérir des blessures physiques et morales de la guerre.
Ceci autant plus que ces réfugiés sont vulnérables à la radicalisation si délaissés aux chants d’appel des groupes terroristes. D’autre part tout seul le Kurdistan ne peut pas soutenir ce défit longtemps, et c’est à nous qui revient de ne pas les laisser tomber, de demander une plus profonde implication des États-Unis et de la communauté internationale dans la reconstruction et dans la survie de ces peuples après tant d’années de guerre.
Ce serait également une réponse efficace pour réduire le risque d’un prochain conflit dans la région comme d’empêcher la résurgence d’une deuxième génération des terroristes globaux.
La communauté internationale doit favoriser le dialogue du KRG avec le gouvernement irakien tout en évitant que l’Iran profite de ce bouleversement pour étendre sa zone d’influence dans le Moyen-Orient avec toutes les conséquences qu’on peut imaginer.
La présence des États-Unis et de l’Europe sont plus que nécessaires pour résoudre les problèmes et les désaccords entre le KRG et le gouvernement irakien œuvrant au même temps à la perspective d’un Kurdistan irakien politiquement indépendant.
Erbil et Bagdad devrons travailler ensemble et en tant qu’alliés faire face au problème humanitaire qui se pose à eux. Une première décision d’apaisement entre ces deux capitales ce serait de rompre l’isolement du Kurdistan décrété par l’embargo de Bagdad et permettre ainsi la libre circulation des vols commerciaux de l’aéroport d’Erbil.
Cette interdiction porte atteinte aux intérêts commerciaux des États-Unis, empêche aux résidents de se rendre à l’étranger et aux ONG d’acheminer l’aide humanitaire internationale à 2 millions de déplacées vivant dans le Kurdistan.
Le Moyen-Orient change et le gouvernement démocratique du Kurdistan a un rôle essentiel à jouer pour en assurer la stabilité contre le retour du terrorisme, une leçon celle-ci que les États-Unis et Europe ne devraient jamais oublier ou négliger.