Un film peut-il changer le cours des choses ?

Là où tout le reste a échoué, s’est heurté à l’ordre immuable du monde, au mur des intérêts, au silence des chancelleries, la projection de ce film peut-elle influer ?

Ce film, Peshmerga, a été tourné par Bernard-Henri Lévy et son équipe, il y a deux ans, sur les mille kilomètres de front que tenaient les combattants kurdes face à Daech.

Il sera montré dans quelques jours, mardi 28 novembre pour être précis, devant l’assemblée générale des Nations Unies, à New York, à l’initiative du représentant de la France François Delattre et de son homologue britannique.

Les représentants des 193 nations qui forment la communauté internationale, et sont supposées incarner la conscience universelle, pourront juger sur pièce de ce que les Kurdes ont fait pour le monde civilisé contre la barbarie. 193 nations, sauf une. La nation kurde, précisément.

Amer paradoxe que cette projection, dont cette nation en lutte depuis un siècle pour sa liberté sera absente : les mêmes Nations unies ne condamnaient-elles pas, hier encore, le référendum sur l’indépendance du Kurdistan au nom de l’intégrité de l’Irak, ce faux Etat fédéral que se déchirent les chiites et les sunnites ?

On ne saurait mieux illustrer que par ce moment, si rare dans une pareille enceinte, l’éternel conflit entre les principes et la realpolitik.

Les mêmes pays qui, à l’exception d’Israël, abandonnèrent le Kurdistan, aussitôt livré aux représailles de l’armée irakienne et des milices iraniennes, vont redécouvrir la dette que nous avons tous contractée vis-à-vis du Kurdistan, et qui reste impayée.

La France à l’ONU a tenté, par deux fois, d’infléchir l’abandon dont le Kurdistan était l’objet de la part de la communauté internationale.

Elle s’est élevée contre le blocus aérien et terrestre auquel sa population, ainsi que le million et demi de chrétiens, yézidis, arabes qui s’y sont réfugiés, sont soumis depuis septembre par la Turquie, l’Iran et l’Irak, ces parangons bien connus du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et des valeurs démocratiques.

La Russie et la Chine se sont employées, une fois de plus, à bloquer toute résolution et à dépouiller les textes proposés par la France de leur contenu pour la sauvegarde des Kurdes.

Ne rêvons pas. Peshmerga à l’ONU ne fera pas bouger les lignes. Mais le film de Bernard-Henri Lévy aura brisé symboliquement l’omerta qui pèse sur le Kurdistan depuis que l’on n’a plus besoin de ses valeureux Peshmergas contre Daech, aujourd’hui en déroute pour beaucoup grâce à eux.

Puisse ce film, comme ceux, jadis, de ses aînés tutélaires, comme Terre d’Espagne de Joris Ivens, comme L’Espoir de Malraux, puisse ce nouveau film à l’honneur du Kurdistan et de ses combattants interpeller la mauvaise conscience du monde à propos d’un peuple sacrifié.

 

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