Quel homme de désir est Jean-François Copé ? Déjà cette question animait Jacques-Alain Miller lorsqu’il avait chroniqué jour après jour, dans Le Point.fr, la crise de l’UMP. La version papier du journal du 21 février publie un entretien entre J.-A. Miller et Jean-François Copé qui devrait inaugurer une série de conversations entre le psychanalyste et des hommes ou femmes politiques.

Il ne s’agit pas de faire passer le politique sur le divan, encore moins sur le gril. Le dispositif n’est pas celui du confessionnal. Aucune question intime ; le seul souvenir personnel est livré spontanément. Est-ce une interview ? Une « conversation sans tabou » – comme l’affirme le journal ? La discussion se situe en tout cas sur le plan des idées proprement politiques. Le parcours, les convictions, les projets politiques de Copé sont tour à tour évoqués : là où JAM parle sans ambages, titillant parfois son interlocuteur sur tel sujet brûlant, Copé répond sans détour. Le « décomplexé » de la politique ne saurait se laisser impressionner par un psy. Ce serait un comble. Sans inhibition, il assume jusqu’au bout ses idées et propos, dont il se fait entièrement responsable, arguments à l’appui.

D’après la dernière enquête du Cevipof sur la confiance politique et le moral des Français, ces derniers seraient plus que jamais méfiants, moroses et las – en un mot : déprimés. Eh bien, Copé, quant à lui, a le moral. Il se verrait bien en antidépresseur puissant et efficace pour la France ! Ses batteries ont été rechargées à bloc par les récentes épreuves. L’homme politique résume donc son « mental » en quatre mots : sérénité, confiance, passion et vigilance. Ses quatre vertus cardinales, en somme.
Il est frappant de constater à quel point le discours de M. Copé est pétri de notions « psy ». Il sait parler le langage de l’Autre et manier ses semblants. On voit l’homme politique à l’œuvre. Concernant les peurs qui, selon lui, agitent les Français (sur le déclin, le communautarisme, l’intégration des immigrés), il avoue « rêver à un immense groupe de parole où les Français pourraient librement mettre des mots sur leurs angoisses, leurs exaspérations, afin que nous puissions débloquer les situations ». JAM lui rappelle alors l’échec du débat sur l’identité nationale de Sarkozy : ouvrir les vannes à une parole décomplexée sur de tels sujets, ne va-t-il pas intensifier et solidifier ces peurs ? Les mots ne vont-ils pas faire exister d’autant plus la chose ? Un peu d’inhibition en la matière n’est sans doute pas un mal.

Mais Copé insiste : on ne saurait ignorer et dénier ces peurs. L’angélisme et le refoulement à la Jospin produisent inévitablement, un jour, le retour du refoulé : « il ne s’agit pas ici de névrose ou de problèmes de perception. Il s’agit de faits réels. » Copé se dit connecté à la réalité que vivent les Français et se présente comme le candidat du vrai et du réel. Il cite même Lacan : « Il me semble que Lacan disait : « Le réel, c’est quand on se cogne », n’est-ce pas ? En 2002, au second tour de la présidentielle, le choc fut rude. »
La « passion fixe » de Copé, c’est la France, dit-il ; la passion fixe de J.-A. Miller, c’est la psychanalyse – mais la politique aussi, c’est certain : tant celle qui se déploie sur la scène du monde où œuvrent les hommes de pouvoir, que la politique dans la psychanalyse, ou encore la stratégie et la tactique dans la direction de la cure. L’affaire Mitra Kadivar a démontré récemment comment ces trois aspects pouvaient se trouver étroitement noués. Nulle solution de continuité entre les niveaux individuels et collectifs, entre éthique et politique.

L’idée de cette série d’entretiens paraît donc judicieuse pour le psychanalyste qui se veut synchrone avec le monde ambiant. Hommes et femmes de pouvoir, de désir et de convictions, nous l’espérons, se prêteront volontiers au jeu.