Comme la plupart des citoyens des pays Occidentaux, les récents bouleversements en Tunisie et en Égypte ont éveillé en moi des sentiments forts et mitigés. Très vite après la stupéfaction, j’ai voulu me laisser gagner par l’espoir. Comment en effet ne pas se réjouir que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme puisse enfin trouver asile sur ces terres promises de l’universalité ?
Si les événements inattendus de ces dernières semaines, à partir de la Tunisie, ont ce subtil parfum d’espoir, celui d’une révolution de l’intérieur, spontanée, débordante, sans autodafés ni boucs émissaires, je me suis dit alors que c’était possible ailleurs au Proche-Orient. J’ai silencieusement souhaité ces mouvements citoyens en Égypte. Et j’ai vu les révolutionnaires de la place Tahrir s’approprier l’article 1 alinéa 2 de la Charte des Nations Unies : liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est cette phase charnière de l’Histoire du Proche-Orient que nous vivons en direct. Les faucons d’un Lawrence d’Arabie ont laissé place aux Facebook, Twitter et autres réseaux sociaux. Internet a remplacé les sabres et les images volées et immédiatement diffusées dans le monde entier ont pris des galons de maréchal. Soudainement il n’y avait plus un Nord à l’air libre et un Sud sous le joug. Les peuples proche-orientaux, après plus d’un siècle d’étouffement, se sont mis à chanter la liberté, et nous nous prenons à espérer sur la contagion souhaitable en Iran, en Algérie, en Syrie, au Yémen.
Mais il faut garder les yeux grands ouverts. Nous ne devons pas tomber dans le piège qui fait amalgame entre démocratie et élections. Oui, les élections font bien partie du processus démocratique, mais le concept d’élection ne s’arrête pas seulement au bulletin de vote. La démocratie, au-delà d’être un régime politique est une « idée », et faire vivre cette idée nécessite la mise en place préalable d’une justice impartiale, de la séparation des pouvoirs, d’une presse libre, des droits pour les minorités et d’un appareil de sécurité qui garantit le monopole de l’usage de la force. C’est d’abord en mettant ces moyens institutionnels en place que l’idée démocratique pourra faire son chemin, dans le temps, en Égypte d’abord et dans les autres pays de cet Orient si surprenant et si prometteur.
En effet, l’avenir de l’Égypte doit être examiné en profondeur, sans angélisme ni naïveté. Dire que l’Égypte a une faible croissance économique, que la répartition des richesses est très inégale, que le pluralisme politique reste à être établi, qu’il existe des identités basées sur les divisions religieuses, et que tous ces facteurs peuvent entraîner une plongée en apnée terrible dans l’autoritarisme ou l’extrémisme religieux n’a rien d’excessif. Sans condescendance et face au chaos extrémiste, nous pouvons accompagner le peuple égyptien dans la création d’institutions démocratiques.
Revenons quelques années en arrière et penchons-nous sur les élections législatives de 2006 organisées par l’Autorité palestinienne. J’étais dans la région à ce moment précis, accompagnant une délégation de parlementaires français et je me souviens d’une longue conversation avec un journaliste arabe Israélien, Khaled Abu Toameh. Il nous avait prévenu que la communauté internationale, l’administration Bush en particulier, était en train de commettre une grave erreur en demandant aux Palestiniens de provoquer des élections dites libres. Et cela pour deux raisons : Tout d’abord parce que, d’une part, la population Palestinienne ne voyait que corruption parmi tous les dirigeants de l’Autorité Palestinienne. D’autre part, seul le Hamas semblait répondre à ses préoccupations au quotidien en lui assurant les soins médicaux et en lui facilitant l’accès à l’éducation et aux services sociaux. Ensuite, selon Khaled Abu Toameh, les fondations institutionnelles indispensables à la création d’un État stable et démocratique n’étaient réunies ni dans la société civile ni dans les projets politiques de l’Autorité palestinienne de 2006.
Nous avons tous connaissance du résultat désastreux de ces élections législatives de 2006. La victoire du Hamas, mouvement politique et religieux, a plongé le hamasland dans une dépression prétendument organisée. Le Hamas a utilisé sa milice coercitive pour prendre en 2007 le contrôle total de la bande Gaza et en en chassant brutalement l’Autorité palestinienne. Le mal s’est avéré pire que le remède annoncé. C’est un régime cruel et à son tour corrompu qui a étouffé la population gazaouie.
Le Premier Ministre palestinien Salam Fayyad a compris que, pour aboutir à la création d’un État Palestinien viable et non autoritaire, il est impératif de construire des institutions viables, en valorisant le rôle législatif et en misant sur une amélioration notable de la qualité de vie des Palestiniens. Aujourd’hui, l’Autorité palestinienne doit s’appuyer sur les leçons de ces révolutions éclairs. La croissance économique et l’éducation sont les deux piliers d’un plan qui doit être pensé et appliqué avec rigueur et détermination. À côté de leur voisin israélien, le futur État palestinien a besoin d’institutions exemplaires qui, à l’instar des revendications des rues tunisiennes et égyptiennes, ait vocation à jeter aux oubliettes les scories d’un pouvoir soumis au seul attrait de la corruption. La paix est au prix des droits fondamentaux de tous les peuples, notamment de ceux d’Orient.
L’approche de Salam Fayyad devrait être une source d’inspiration pour tous les pays arabes. L’Égypte connaît aujourd’hui des obstacles semblables à la problématique des élections palestiniennes de 2006. Et parce qu’il n’existe pas de tradition ni d’institutions véritablement démocratiques, il ne faudrait pas qu’un mouvement religieux tel que celui des Frères Musulmans (organisation proche du Hamas) ou plus extrémiste encore, puisse voler la mise au peuple égyptien. Les « sans-culotte » de la place Tahrir ont spontanément choisi le mode de leur révolution, sans arme et sans barbe.
Des élections organisées à la hâte pourraient constituer un risque de retour à un système autoritaire, chaotique ou extrémiste. Cette situation nuirait avant tout aux Égyptiens et tuerait dans l’œuf leur désir de liberté.
Les obstacles sont encore nombreux mais les défis ne doivent pas être insurmontables. La liberté, la prospérité et la paix passeront fatalement par une période de transition pendant laquelle devra s’inventer un modèle démocratique ajusté à l’Histoire et au mode de vie et de culture de ces pays. Pourrons-nous jouer un rôle ? Nous demandera-t-on notre avis ? Peut-être que les chaos de nos propres révolutions donneront à réfléchir et que les nécessaires subsides des pays encore riches seront équitablement distribués.
Alors, les élections oui, mais pas seulement.
Simone Rodan-Benzaquen, représentante d’AJC France et ancienne Secrétaire Générale de MedBridge Strategy Center.
Ce n’est pas un commentaire, c’est un article en réponse à ceux qui se posent des questions sur le Maroc et qui agitent des chiffons rouge…
Le Maroc dans le sillage des réformes
Publié le : 18.02.2011 | 17h32 par LE MATIN
Un débat feutré semble agiter les milieux politiques, économiques et les amateurs des discussions «au coin des chaumières» ! Il porte indubitablement sur les retombées des événements qui déchirent le monde arabe. Et, par voie de conséquence, sur l’effet qu’ils pourraient ou non avoir sur le Maroc. Rien n’est plus tentant, dira-t-on, d’emblée, mais la réalité au Maroc n’est ni similaire, ni même proche de ce que d’aucuns, prompts à des comparaisons abusives, assimilent à une rédhibitoire propagation.
Le débat sur les réformes constitutionnelles, puisqu’elles englobent la place et le rôle du gouvernement, la fixation des compétences et la définition des pouvoirs, n’a été ni absent ni occulté depuis des années.
Ce que ces «cercles de réflexion» improvisés postulent, c’est exactement ce qui n’a cessé d’être entrepris depuis des années.
La loi électorale, la réforme du scrutin, l’évolution «intra muros» des partis, la mise en place d’une série de réformes économiques et financières, l’avènement d’une majorité au gouvernement sur la base des résultats des élections législatives, l’esprit de régularité qui a marqué celles-ci, tout cela participe d’une volonté mise en œuvre pour doter le pays d’institutions et de mécanismes opératoires propres à renforcer la démocratie et l’esprit de création.
Jamais, en effet, le Maroc n’a connu un mouvement si vaste et profond, un mouvement que l’on dirait « brownien », qui se caractérise par l’innovation. Les visiteurs étrangers qui se rendent au Maroc expriment, sans complaisance-ils n’en ont guère besoin, leur admiration au regard des réalisations accomplies. Mieux que nous, ils ont le regard « crédule » de découvreurs, l’œil frais et spontané, dépouillé de tout conditionnement.
Le réseau autoroutier s’étend désormais de la ville d’Oujda jusqu’à Agadir, il sera bientôt relié à Béni Mellal, à Tanger et aux alentours. Ce réseau serpente le territoire comme un losange à bifurcations multiples, il constitue désormais le raccourci national entre les régions, facilite le transport des commerces, la circulation et assure, en même temps, la sécurité routière mieux qu’avant.
On connaît l’adage : l’Allemagne des années cinquante, sortie exsangue d’un long désastre, tel le phénix avait réussi à renaître de ses cendres grâce à ses immenses et incomparables autoroutes. Au Maroc, la chose est entendue : l’innovation commence par la réduction, pour ne pas dire la brisure des frontières et des enclavements. Aussi bien dans les têtes que dans le chantier d’édification nationale.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI, qui a inscrit la proximité sur le fronton de son action, s’y est employé depuis douze ans maintenant.
Le Maroc n’a pas attendu ce jour pour s’inscrire dans une tradition démocratique exigeante et moderne : il porte l’étendard du pluralisme et du multipartisme, celui ensuite des libertés publiques et privées. Un Conseil consultatif des droits de l’Homme, instance régulatrice et implacable dans ses recommandations s’il en est, a été créé pour promouvoir les libertés. Les violations des droits humains, les terreurs et les répressions appartiennent à un passé révolu qu’elles ont été- démarche rare, unique même-publiquement assumées.
Le Maroc est une Monarchie constitutionnelle, démocratique, sociale et populaire. L’assertion ne verse nullement, on ne le dira jamais assez, dans un quelconque artefact, elle ne relève nullement de l’artifice.
La Monarchie est consubstantiellement liée à l’histoire vivante du pays et au peuple marocain. Elle est au cœur des avancées, des réformes, de toutes les initiatives et la garante de l’unité nationale et de la souveraineté.
Depuis plus de dix ans, le Maroc est devenu, s’est transformé en un immense chantier : la réalisation de nouvelles et importantes infrastructures se conjugue avec la promotion de la culture des libertés et l’émergence d’une conscience citoyenne sur laquelle, bon gré, mal gré, il convient d’insister, parce qu’à présent elle est au cœur d’un développement, parce qu’elle est le corollaire de l’évolution sociale et politique.
Le citoyen marocain, quels que soient son statut, sa catégorie et sa raison d’espérer, demeure viscéralement attaché à la fois à son Roi, aux institutions et à son pays.
Ce n’est pas une clause de style, mais un credo, on pourrait même avancer qu’il s’agit là d’un nouveau style de patriotisme. Sa Majesté le Roi, aussitôt intronisé en 1999, a mis en œuvre « le nouveau concept d’autorité », qui a constitué depuis ce qu’on peut qualifier de « révolution institutionnelle », parce qu’il a brisé le tabou, désacralisé en quelque sorte le rapport troublé entre le citoyen et l’Autorité, celle-ci ayant pendant de longues années jeté sur celui-là une chape de plomb. On doit en effet en prendre la mesure, d’autant plus que les relations sociales, y compris surtout humaines, en ont pris également le pli et se transforment à coup sûr sous les fonts baptismaux de la liberté et de l’esprit d’initiative.
Le Maroc est devenu de nos jours un pays de réformes, radicales parfois, profondes en tout cas. Il relève le défi du développement, comme en témoigne le taux de croissance de plus de 5%, il réduit l’espace de pauvreté avec un taux de 40%; il combat efficacement les îlots de logements insalubres avec un ambitieux programme où tous les bidonvilles seront éradiqués d’ici l’année prochaine, il instaure des règles de fonctionnement pour une meilleure gouvernance, enfin, il déploie une diplomatie dont le dynamisme se teinte doublement de l’exigence éthique et d’une sagesse pragmatique.
Que des visiteurs étrangers soient non pas les admirateurs aveuglés ou béats, mais neutres et impartiaux de l’évolution de notre pays, constitue le meilleur témoignage. Ils sont légion…