Autant le dire immédiatement: la récente mise en scène de « Oh les beaux jours » de Beckett par Bob Wilson est un des spectacles les plus intelligents qu’il ait été donné de voir récemment.

Assurément, il est possible de critiquer les jeux de lumière — après tout, ne sont-ils pas les mêmes de spectacle en spectacle?

Cette critique même ne tient pas, car, Bob Wilson étant aussi, autant que metteur en scène, un artiste, couronné d’une renommée mondiale — il a obtenu, en 1993, le lion d’or de la Biennale de Venise, distinction la plus prestigieuse qui puisse être décernée à un artiste de nos jours — , lui reprocher son esthétique est aussi vain que de remettre en cause la « patte » d’un peintre.

Mais, arguera-t-on, une production théâtrale se doit de servir l’oeuvre qu’elle présente, et non de devenir oeuvre en soi. Et si elle peut accomplir les deux missions simultanément, qui donc pourrait avoir l’audace de venir se plaindre?

De fait, ce qui fait le très grand succès de cette mise en scène, c’est bien sa capacité à combiner l’un à l’autre: d’une part, il s’agit, de toute évidence, d’une production de Bob Wilson, obéissant aux règles de ce qui est désormais devenu un genre, avec ses personnages lourdement fardés, son fond de scène couvert de lumière crue, jaune, bleue, violente.

Pourtant, tout autant, c’est bien une lecture qu’il propose de la pièce de Beckett: avec l’exceptionnelle actrice Adriana Asti, avec le remarquable Giovanni Battista Storti, ce que Bob Wilson propose, c’est bien la dramatisation d’une histoire d’amour. D’une histoire d’amour qui va jusqu’à la tentative d’assassinat — d’où vient cette marque sur le crâne de Willie?—, pour des êtres humains enfermés, enferrés dans leur prison corporelle et matérielle.

Ce que cette mise en scène donne à voir, c’est bien la possibilité, la difficulté assurément, de croire en l’amour. La nécessité du contact, de l’existence et de la présence de l’autre pour permettre au sujet d’être pleinement lui-même — c’est-à-dire, en un sens, d’être souverain.

Une exacte métaphore du travail du metteur en scène, de celui qu’a, avec tant de talent, accompli Robert Wilson.

Oh les beaux jours
de Samuel Beckett/mise en scène de Bob Wilson.
Théâtre de l’Athénée-Louis Jouvet, 75002.
Mar 19h, mer-sam 20h. Jusqu’au 9 octobre.
Rens. : 01 53 05 19 19