Stones in Exile, Stephen Kijak, Quinzaine des Réalisateurs
Udaan, Vikramaditya Motwane, Un Certain Regard
Fair Game, Doug Liman, En Compétition
Simon Werner a disparu…, Fabrice Gobert, Un Certain Regard
Fatigué de l’essaim d’aspirantes starlettes qui bourdonne autour des vitrines de luxe en face du Palais des Festivals, on s’est décidé hier soir à aller acclamer, comme le premier fan venu, une star, une vraie. Mick Jagger himself, baskets blanches et taille de guêpe, présentait Stones in Exile, le docu de Stephen Kijak que Sa Majesté Satanique a lui-même produit. La bonne surprise, ce n’est pas seulement un Jagger capable de faire un mini-show même pour cinq minutes d’un exercice convenu – non, la vraie bonne surprise, c’est d’abord le film lui-même. Ouvert par des guest-stars de luxe – dont Scorsese, avec son air docte de comptable maffieux – c’est un tourbillon d’extraits de films, de coupures de presse, sur la gestation chaotique de l’album Exile on Main St. Comme si les images n’avaient plus d’endroit où se poser – à l’instar des Stones, émigrés de luxe sur la Côte d’Azur, loin de leur Angleterre si cosy.
Après l’Angleterre, son ex-Empire : l’Inde, pour un détour gastronomique. Parce qu’Udaan de Vikramaditya Motwane, a tout de la sucrerie hypercalorique – le truc qu’on engloutit en douce avec un plaisir coupable. Ca commence comme un Zéro de Conduite made in Bollywood, avec quatre gamins qui font le mur de leur pensionnat. Ca se poursuit dans une veine outrageusement mélo, avec un père despote à faire pâlir les Thénardier, un garçonnet martyr et un héros à la vocation d’écrivain brimée. La jubilation presque enfantine du réalisateur à accumuler ainsi tous les poncifs du roman ou du cinéma populaires est contagieuse – on se laisse prendre au jeu.
On s’y laisse moins prendre, en revanche, chez Doug Liman. Bien sûr, son Fair Game remplit le cahier des charges du thriller politique hollywoodien. Caméra hyperactive, réunions fébriles à des pas d’heures, éclatement géographique…Tout y est pour doper le récit d’une péripétie peu glorieuse de l’ère Bush, l’affaire Valerie Plame, cet officier de la CIA victime des manœuvres politiques de la Maison Blanche. Produit bien huilé, sans surprise, si ce n’est, encore une fois, celle de constater que le cinéma américain, fidèle à la grande tradition des Hommes du Président, n’hésite jamais à s’emparer d’une Histoire encore brûlante. Une réactivité qu’on pourrait envier de ce côté-ci de l’Atlantique…
Fabrice Gobert, lui, est allé regarder du côté des Etats-Unis pour son Simon Werner a disparu… du côté de Twin Peaks et d’Elephant pour être précis. Le film injecte du Lynch et du Gus Van Sant dans un lycée français frappé par une mystérieuse épidémie de disparitions. On sent que Fabrice Gobert voudrait être à ses inspirateurs américains ce que De Palma est à Hitchcock : un imitateur de génie, moins un copiste qu’un chirurgien disséquant le Maître, s’enfonçant au cœur de l’œuvre. Mais on dirait que Fabrice Gobert n’a retenu de Lynch que ses lumières et de Gus Van Sant ses enfilades de couloirs. Elephant a accouché d’une souris.