Marcuse accusait le monde capitaliste de produire des individus « unidimensionnels ». Et l’on a souvent mis en cause l’art contemporain comme étant le domaine par excellence où le « bling-bling » se dévoilait dans tout son éclat – toute son horreur.
Parmi les galeristes de l’ère « branchée », celle des années 2000, du Baron, de Samuel, Lionel et André, de Takashi Murakami et du triomphe de Jeff Koons, de Marc Jacobs et John Galliano, un nom compte, en France: celui d’Emmanuel Perrotin.
Il suffit d’avoir observé le public de ses vernissages, et on pense être fixé. On a bien tort. C’est ce que prouve un examen un tant soit peu sérieux de ses artistes, de Sophie Calle à Jean-Michel Othoniel.
C’est ce que prouve le travail, exceptionnel, à bien des égards, de Peter Coffin, ce travail que l’on pourrait placer sous le signe de l’oxymore, de ce choc d’oppositions qui fait, plus que tout autre, surgir l’effet, extrait la vie.
Oxymore en premier lieu que ce garçon en lui-même: d’une simplicité et d’une gentillesse étonnante, alors que ses oeuvres ont été exposées partout par le monde, du MoMA à la Tate, en passant par la Biennale de Moscou.
Oxymore ensuite que la forme prise par ses oeuvres elles-mêmes: par exemple, un tronc qui recèle des lumières colorées, quoi de plus charmant? Des verres placés les uns sur les autres, sur une table en mouvement perpétuel, qui évolue dans la salle de la galerie. Certes. Une table, sur laquelle se situent des copies en métal d’oeuvres célèbres, de l’Antiquité à Maurizio Cattelan. Pourquoi pas?
Peter Coffin serait-il un grand enfant de l’art?
Assurément pas. Car tout est conscient, tout est pensé, pesé et imaginé: les jeux de lumières sont nés de sa fréquentation assidue de Goethe – qu’il lit dans le texte. La pyramide de verres? Son mouvement mime l’aléatoire improbable de la vie. Et même le noeud, apparemment simple, qui est présenté sur le mur à la droite de l’entrée de la rue de Turenne, obéit à un algorithme extrêmement complexe, que Peter Coffin a élaboré avec un artiste.
L’oxymore, la conjonction des contraires, devient plastique. « Mane, Thekel, Phares »: Peter Coffin apporte la preuve qu’un tel jugement ne peut, dans les formes contemporaines de l’art, se contenter des apparences.
Il doit pénétrer plus avant dans les arcanes de la création.
Peter COFFIN
Untitled (Sculpture Silhouette suite 1)
2010
13 Silhouettes de Sculptures en métal poli, socle
120 x 121 x 213 cm
Courtesy Galerie Emmanuel Perrotin, Paris.