Elle se met entièrement en jeu. Cela fait longtemps que l’on ne croit plus en la poésie, en ses vertus, en le courage qu’il faut pour s’y livrer. Et pourtant, elle se met entièrement en jeu.
« La poésie, cela vaut bien le prix d’un sandwich ». Toutes les personnes qui ont, un jour, traversé la rue de Sèvres savent de quoi il est question. Après tout, ce n’est pas si évident que la poésie vaut bien le prix d’un sandwich. C’est un ailleurs périlleux, auquel il n’est pas facile de s’abandonner. Un autre monde, un monde pour qui accepte que celui-ci ne suffit pas.
Et en ce moment, la poésie valait bien plus que le prix d’un sandwich. Un moment de risque: elle parlait d’un sujet qu’elle ne connaissait pas. Les universitaires ont peur de cette mise en danger – preuve qu’elle ne l’est pas tant que cela.
Elle avait choisi d’en parler, vibrante et tremblante, parce que la question posée valait toutes les peines du monde: celle du voyage intérieur, fait à travers des flots, au-delà des côtes, des ports, des îles, qui sont la mer de l’identité.
Identité perdue, identité retrouvée. Ses hésitations étaient-elles dues à la quête qu’elle avait entreprise: celle d’elle-même?
Elle ne pouvait se trouver, la véritable elle-même, elle-même prise dans le jeu de la littérature, dans le jeu proposé par le texte de l’autre, elle ne pouvait se trouver que dans le dévoilement du sens poétique.
Et au bout de quelques minutes, elle y a réussi. Réunion intense autant qu’elle est fugace: le temps de s’en apercevoir, elle avait quitté le siège de l’orateur.
Parler de poésie, dans le flot d’une conversation, autour d’un Volnay, passe encore, mais en conférence, effectivement, voilà qui est bien plus dur. Je me demande si les poètes peuvent parler d’eux-mêmes, si les conférences ne demeurent pas « tout ce qu’on peut en dire », avec cette limite qui se dessine toujours, entre le poète, le poème, et soi. Il est difficile de ne pas voir son propre reflet lorsque l’on se penche sur un poème, de ne pas projeter dans la poésie sa propre compréhension, appréhension du monde.
Ainsi peut-on comprendre en deux sens, voire plus, ce vers d’un délicat poète béarnais :
« Prends garde à la douceur des choses »
dans le danger que représente le plaisir que la vie, le monde nous donne,
dans l’attention qu’on doit y porter,
beaucoup de choses sont encore à comprendre.
Les conférences, c’est bien,
tenter de parler avec le poète, ce serait aussi intéressant.
La poésie, la poésie, ça vaut bien un sandwich!!!!!