« Werther » fait incontestablement partie, aux côtés de « La Juive », des grands opéras du XIXe -et parmi les grands airs, « Pourquoi me réveiller » se classe sans difficulté aux côtés de « Rachel quand du Seigneur ».
Mais pourquoi est-ce un grand opéra? Les faiblesses de la dernière production de l’Opéra de Paris, en 2009, avec un Rolando Villazon ne tenant pas face à l’orchestre dans le dit air, l’ont manifesté sans ambages: parce qu’il est incroyablement exigeant pour les voix -en particulier celle du rôle-titre, au point même que Massenet en avait conçu une version adaptée pour baryton.
La défaillance de Villazon, due à une « Traviata » trop magnifique et trop exigeante, désormais mythique, avait d’ailleurs ouvert la voie à son remplacement par le baryton interprète d’Albert, Ludovic Tézier -qui reprend ce dernier rôle dans la nouvelle production de l’Opéra de Paris.
Et il faut le dire tout net: cette production est musicalement impeccable (si tant est qu’une production puisse l’être). Sophie Koch est une merveilleuse Charlotte, Anne-Catherine Gillet une remarquable Sophie.
Et Jonas Kaufmann en Werther! Même au sommet de « Pourquoi me réveiller », sa voix tient face à l’orchestre. Michel Plasson, le chef d’orchestre, maîtrise parfaitement un ensemble qui fut parfois erratique, en d’autres temps.
Deux points pour conclure: tout d’abord, la mise en scène. Evidemment. L’opéra ne se contente pas de versions de chambre. Celle-ci, rachetée par l’Opéra, est due au cinéaste Benoît Jacquot. Ses ombres nordiques, sa lumière froide ne sont pas sans faire penser à la relecture que le peintre Hammershoi proposa, au XIXe siècle, des maîtres hollandais. Façon illustrative de rendre l’atmosphère de déréliction qui règne dans le royaume de douleurs propre au jeune Werther.
Enfin, l’acte IV: cette morte lente, cette agonie en musique de Werther, n’est-elle pas sans faire penser, même lointainement, au « Liebestod » de Wagner? Mourir d’amour, mourir à cause de l’amour: une clef pour les passions d’un opéra extrême.