Le titre de l’exposition de Christian Boltanski au Grand Palais -« Personnes »- peut faire penser au film de Raymond Depardon, « Des gens ». Et de fait, le rapprochement est assez intéressant, parce qu’il se fonde sur une opposition totale entre les deux productions.

Depardon a posé sa caméra dans un commissariat et dans un hôpital psychiatrique, et il a tourné. Que pouvait-on voir? Des gens. Des personnes dans l’extrême douleur, la plus grande humanité.

Dans « Monumenta », on ne voit personne. Ou les visiteurs, les visiteurs eux-mêmes sont, peut-être, les « personnes » qu’attend Christian Boltanski. Car ce sont des vêtements usagés, des battements de coeur enregistrés, donc appartenant au passé, qui sont présentés. Un souvenir des choses advenues, des êtres partis, thème fondamental de l’oeuvre de l’artiste.

Les battements du coeur face au désert de vêtements: c’est une humanité ambiguë qui est exposée, à la fois absente et implicite, oppressante et invisible. Evidemment, Boltanski est un artiste d’après la Shoah, -ces vêtements seraient-ils ceux qu’enlevaient, après l’annonce fatale d’une « douche », les déportés?

Depardon mettait en scène la force de l’image, -le choc du réel. Boltanski, qui un plasticien et non un auteur de documentaire, propose une création fondée sur le non-dit, sur les attentes, les rêves et les cauchemars de son spectateur. Dès lors, il y a aussi lieu de s’interroger sur le conscient et l’involontaire dans « Personnes »: le doute sur le titre, tout d’abord. « Personnes », ce sont bien des personnes, mais peut-être aussi l’impossible pluriel de « nobody ». En ce sens, il s’agirait bien de mettre en évidence le doute sur l’appartenance de ces vêtements -sans personne.

Volontaire aussi, l’organisation des dits vêtements dans les « emplacements » qui leur sont réservés? On y trouve un récurrence du rouge, couleur du sang, couleur du coeur. Comme un ami lui demandait: « est-ce que c’est conscient, la répartition des couleurs? », Christian Boltanski en souriant: « c’est le geste impressionniste ». Belle pirouette, et surtout, belle définition de son art: l’impressionnisme a révolutionné la modernité, en peignant des paysages.

Christian Boltanski, dans son chemin, en expose les brûlures, dans un désordre bien organisé de vêtements usés, colorés.