Il fut un temps pas si lointain où le peuple français éclairait de son exemple, de sa geste magnifique, les peuples de l’univers et tous les opprimés sous la botte des tyrans. Ce peuple, deux siècles durant, aura été un phare de la liberté pour l’humanité tout entière. 

Il risque demain, avec un vote massif en faveur du Rassemblement National, d’en devenir la honte.

Comment nous tous ensemble, libres amants de la liberté, héritiers d’une immense histoire, forts d’une mémoire sans pareille, en sommes arrivés là ? Car demain les portes de l’enfer pourraient s’ouvrir sous nos pas. Demain, même si Monsieur Bardella n’obtient qu’une majorité très relative, le temps du mépris. Demain, les années noires.

Qui, au sein de ce grand peuple qui s’est tant battu pour sa liberté et celle du monde, qui, pour qu’on en arrive là, qui a trahi les idéaux de la France ?

Ne cherchons pas plus avant. La réponse s’impose. C’est le peuple lui-même qui s’est trahi. Ce peuple qui lutta pour sa liberté et l’émancipation des hommes sur toutes les scènes du monde, ce peuple héritier de Voltaire et Rousseau, de Michelet, de Hugo, de Zola, de Jean Moulin, de Sartre, de tant d’autres, est devenu, pour plus d’un tiers de nos concitoyens, par un retournement inouï de la marche des idées, liberticide et l’ouvrier de sa propre servitude, pavant les allées du pouvoir aux descendants du pire, à l’ignominie en politique, à la haine de l’Autre et du divers.

Bien sûr, une partie de la bourgeoisie s’est couchée. Bien sûr de mauvais bergers nous ont accompagnés sur le chemin du pire. Mais nul besoin de faire de la sociologie savante : les mêmes terres qui furent jadis des terres ouvrières, des terres révolutionnaires, se sont ralliées aux chiens de garde du racisme et des inégalités sociales. Nul besoin de battre sa coulpe face au peuple sanctifié, dont la désertion aujourd’hui, s’excuse-t-on humblement, serait la rançon du délaissement dont il aurait été l’objet : la haine de l’Etat et de ses serviteurs, la haine des élites politiques et sociales, la haine de la culture, la haine des intellectuels, la haine des immigrés, sont devenues les choses les mieux partagées d’un tiers des Français. Ces fleurs de haines ont fleuri, aussi, par elles mêmes , nourries par les propagateurs du virus eux-mêmes. Et, de cela aussi, il est bien tard pour s’alarmer : l’homme du ressentiment, notre contemporain anonyme, est devenu le maître de la rue, des réseaux, de l’air du temps. 

La résultante de ce mouvement tectonique ? Un peuple atomisé, abonné au pratico-inerte, se revanche de toute la force du ressentiment accumulé depuis des décennies, contre les idéaux républicains, dont il était hier, par-delà la lutte des classes et les dissensions politiques, l’un des dépositaires et des bénéficiaires de plein droit.

Qu’est-ce qui, hier encore, faisait peuple ? Qu’est-ce qui, aujourd’hui, ne le fait plus ? Les classes populaires, petites-bourgeoises, les gilets jaunes, des citoyens, biffent d’un trait rageur le contrat social, appellent au Grand Soir des libertés publiques. Les dissidents du vivre ensemble désignent des boucs émissaires et s’épouvantent, sans rire, d’un grand remplacement.

Vassalisé, trompé, chauffé à blanc par les incendiaires du populisme, ce peuple de vengeurs en mal d’avenir n’est plus que l’ombre de ce qu’il fut. Le retour du tous contre tous est pour demain. Et les barbares tranquilles qui sont les premiers fossoyeurs de cette idée de peuple, s’apprêtent, avec ses suffrages, à lui porter un coup fatal.

Fin de l’idée d’un peuple français ?  
Avènement d’un peuple nouveau ?
Demain les haineux, les ressentimenteux, le Rassemblement national devenu Peuple-Roi ?
Tocqueville, Hugo, Zola revenez ! Ils vont devenir fous.

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