Le RN n’hésite pas à brocarder, en permanence, la corruption (réelle ou supposée) des autres partis. Quitte à reprendre des rumeurs inventées de toutes pièces à la veille des élections. 

Le 3 mai 2017, en plein débat de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle, Marine Le Pen avait par exemple apostrophé Emmanuel Macron : « J’espère qu’on n’apprendra rien dans quelques jours ou quelques semaines (…) J’espère que l’on n’apprendra pas que vous avez un compte offshore aux Bahamas ! » Marine Le Pen était revenue sur ces accusations le lendemain matin, pour BFMTV : « Ce n’est pas une insinuation, c’est une question. On a encore le droit ? (…) Est-ce qu’on va découvrir des choses, peut-être trop tard, qui concernent Emmanuel Macron ? »

Une telle rhétorique, aux ficelles très grossières, permet d’affirmer ce qu’on souhaite sans avoir l’air d’y toucher. Essayons par nous-mêmes : « J’espère que nous n’apprendrons pas, dans quelques semaines, que Marine Le Pen, qui a été éduquée par son père dans l’amour d’Adolf Hitler, n’entend pas déporter (ou exterminer) toute une partie de la population française. » Bien sûr, « ce n’est pas une insinuation : c’est une question ». « On a bien le droit de poser des questions, non ? »

Pourquoi, direz-vous, le RN se montre-t-il si vindicatif sur les questions de probité ? Eh bien, il s’agit notamment, pour lui, de faire oublier les très nombreuses affaires (cette fois bien réelles) de corruption, de blanchiment, d’escroquerie, de détournement d’argent public, de quasi-extorsion, d’enrichissement personnel, d’abus de bien sociaux, d’abus de confiance, de commissions suspectes, de népotisme, de copinage ou d’impayés qui touchent le parti depuis l’accession de Marine Le Pen à sa présidence :

  • Le FN (désormais RN) a par exemple été condamné, par la Cour de cassation, dans l’affaire dite des « kits de campagne ». De quoi s’agit-il ? Ces kits de communication étaient vendus (de force) 16 650 euros aux candidats du parti pour leur campagne. La justice a montré que le prix de ces kits était très largement surévalué. La conception des tracts était par exemple facturée à chaque candidat, alors que seule la photographie changeait sur chaque document. L’objectif ? Gonfler de plusieurs millions le remboursement par l’État (et, donc, par le contribuable) des frais de campagne. Le tout, au bénéfice de proches néonazis de Marine Le Pen, qui concevaient ces kits.
  • De nombreuses personnes impliquées dans la campagne du RN pour les élections régionales de 2021 ont, elles, évoqué un cirque « jamais vu avant ». Beaucoup ont ainsi raconté que le parti exigeait de grosses sommes d’argent (jusqu’à 20 000 €) aux personnes qui souhaitaient se présenter à ces élections. Plus le chèque était gros, et plus il était possible de grimper haut dans la liste. Et la pratique, au RN, n’est pas entièrement nouvelle : le parti avait déjà exclu, en 2015, des militants « trop curieux » qui osaient interroger ces pratiques.
  • Nous avons déjà évoqué au sein de La Règle du Jeu, ces derniers jours, le généreux « prêt russe » qui avait été accordé au FN. Rappelons simplement ici que plusieurs documents (dont les leaks de la boîte mail d’Alexander Babakov, actuel vice-président de la Douma) suggèrent que ce prêt a été facilité par le pouvoir russe, et a fait l’objet de contreparties. 
  • Fait moins connu : le parti a aussi bénéficié, en 2017, d’un « prêt émirati » à hauteur de 8 millions d’euros. L’origine des fonds fait encore, à ce jour, l’objet de beaucoup de questions. La justice s’intéresse d’ailleurs aux conditions d’obtention de ce prêt, ainsi qu’aux commissions qui auraient été versées. Mediapart avait déjà relevé, en 2016, que le FN soignait ses relations avec les Émirats Arabes Unis pendant qu’il cherchait des financements pour la campagne présidentielle de 2017.
  • L’affaire des assistants parlementaires européens du RN sera, elle, jugée en novembre. Près de 7 millions d’euros (issus, ici aussi, de nos impôts) auraient été détournés. Une vingtaine d’assistants sont aujourd’hui soupçonnés d’emplois fictifs. Un d’entre eux avait par exemple été payé 31 000 euros… pour l’envoi d’un unique SMS. Plusieurs notes retrouvées sur le bureau du trésorier du parti montrent que le parti avait calculé de façon très précise les gains permis par ce système. Et plusieurs proches et membres de la famille de Marine Le Pen ont profité de ces emplois. Alors que le RN est d’habitude très prompt à défendre le travail des forces de l’ordre, Louis Aliot (vice-président du RN) et d’autres membres du parti ont refusé de se rendre aux convocations de la policepour cette affaire. Marine Le Pen avait, elle, glissé son téléphone dans son soutien-gorge en pleine perquisition pour dissuader les policiers de le saisir (avec succès). Et ce n’est pas la seule affaire européenne qui touche le RN. Un rapport de l’Office anti-fraude de l’Union européenne, transmis à la justice en avril 2022, a notamment épinglé l’achat de 4 107 euros de bouteilles de Beaujolais, par le parti, sur des fonds européens.
  • Les « remboursements de frais » de Marine Le Pen au sein du RN (qui s’élèvent à 5 000 € par mois, et qui viennent s’ajouter à ses indemnités en tant que députée et conseillère départementale) ont à plusieurs reprises interloqué la presse et la CNCCFP (Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques). Le RN maintient le flou, depuis des années, sur ce qui justifie ces versements.
  • La HATVP (Haute autorité pour la transparence de la vie publique) avait aussi estimé, en 2017, que Marine Le Pen avait volontairement sous-évalué son patrimoine. Marine Le Pen avait été déboutée de son recours par le Conseil d’État
  • D’autres figures du parti sont concernées par de telles affaires. Le directeur de campagne de Marine Le Pen en 2022, Christophe Bay, avait par exemple été démis de ses fonctions de préfet à force de piocher dans la caisse. David Rachline, qui avait lui dirigé la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2017, et qui est aujourd’hui maire de Fréjus, a de son côté fait l’objet d’un livre-enquête décrivant favoritisme, prises illégales d’intérêt, trucages de marchés publics et abondance d’argent liquide. Au-delà de Fréjus, les affaires de copinage et de népotisme se retrouvent dans de très nombreuses mairies RN (notamment à Perpignan) – et, bien sûr, au sein du parti.
  • Selon Paris Match, le RN a aussi fait l’objet d’un contrôle de l’URSSAF en 2021. Le parti aurait alors accumulé plus de 2 millions d’euros de pénalités et d’arriérés (soit, à l’époque, 20 % du revenu annuel du parti). Le parti avait par exemple omis de payer, pendant dix ans, la contribution au handicap.

En bref : voter RN pour lutter contre un supposé « système », c’est surtout voter pour un parti prêt à tout pour s’enrichir lui-même (et son entourage antisémite) aux dépens des Français.

2 Commentaires

  1. Voler un voleur, loin de rétablir la justice, ne fait qu’accroître l’injustice en offrant à son persécuteur la possibilité d’élargir le spectre d’influence des pulsions criminelles. Le Talmud nous aide à localiser en nous-mêmes de nombreuses sources lumineuses comme celle-ci, absolument fondamentales pour nous élancer vers cet idéal que nous nommons l’humanité.
    Hélas, l’électorat populiste n’accorde que peu de prix aux enseignements de nos sages. Il aurait même tendance à projeter sur l’Ensemble du personnel politique les plus sales compulsions qu’ont générées en lui les innombrables frustrations liées à sa condition précaire, ce qui lui permettrait ensuite d’administrer le juste retour de bâton aux élites qu’il perçoit comme pourries jusqu’à l’os.
    Or, nous avons compris, enfin, espérons-le, que cet électorat se répartit entre une droite et une gauche tout aussi remontées l’une que l’autre contre l’establishment en place, un électorat prostré au stade du miroir, dont chacune des parties est déjà prête à sauter à la gorge de l’autre en cas de victoire du camp du mal tel qu’incarné par le double dudit camp du bien qu’elle seule a le privilège de servir.
    Mélenchon mise sur la stratégie du chaos. Apparaîtra-t-il comme l’homme providentiel de ces temps sombres qu’il aura largement contribué à obscurantiser ? rien n’est moins sûr. Je dirais même que les révolutionnaires de cuisine et de salon seront subitement épris d’une profonde nostalgie pour les réformistes de l’Ancien Monde après que les extrêmes auront pris soin de ne rien faire pour sublimer la lutte des classes et amortir le choc des civilisations.
    Encore faudra-t-il que le bloc central n’ait pas écorné son image en allant illico se remplumer dans la mêlée des meutes.

  2. Je vous sais gré, ma chère Louise, de ne pas m’enjoindre de prêter allégeance au camarade Poutine. Vous m’auriez obligée à vous radier une seconde fois.

    Très défectueusement,

    Andrée Bretonne

    PS : Ceux qui peuvent vous faire croire au fait que le trotskisme n’est pas mort peuvent vous faire commettre des atrocités. Aussi abstenez-vous de donner un Poutou à Elso Quintolet. Vous savez à quel point son amitié est chère à mon cœur…

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