Antica Trattoria della Pesa, viale Pasubio, dans le quartier milanais de Porta Volta. Un restaurant à l’ancienne, nappes blanches, chaises en bois d’un brun rouge sombre, tout comme la boiserie, grand buffet d’un ton plus clair.
Quelques tableaux au mur, des natures mortes souvent, des photographies en noir et blanc, un sol en damier rouge et gris. Des serveurs en livrée, tous d’un certain âge, tous fidèles, sans doute, à l’une des plus renommées « trattorie » de Milan qui ouvrit ses portes à cette adresse, en 1880, neuf ans après que Rome fut officiellement devenue la capitale du jeune État italien. Des risottos sortent de cuisine et atterrissent sur des tables occupées par des clients qui ont leurs habitudes. Il y a ici quelque chose d’à la fois suranné et élégant. On jurerait qu’une horloge astronomique différente y veille. Des restaurants de ce type existent encore dans de nombreuses villes en Italie. On y goûte une culture autant qu’une gastronomie. Mais la Trattoria della Pesa a une particularité que d’autres de son espèce n’ont pas. Elle m’a été rapportée par Ezio Mauro, le journaliste et écrivain, directeur de La Repubblica pendant vingt ans, lorsqu’il m’y a emmené une première fois. Et elle a été évoquée à nouveau, avec gourmandise, par Carlo Feltrinelli et Massimiliano Tarantino, lorsque nous nous y sommes retrouvés : Hô Chi Minh, oui, le grand Hô Chi Minh, l’une des personnalités capitales de la décolonisation, celui qui proclama l’indépendance du Vietnam dès 1945, celui qui mena son peuple à la victoire, contre la France et les États-Unis, Hô Chi Minh, « la volonté qui illumine », qui se faisait appeler alors Nguyen Tat Thanh, « celui qui sera victorieux », travailla dans ce restaurant, au début des années 1930, alors qu’il était une fois encore en exil, peu de temps après avoir créé le parti communiste indochinois à Hong Kong. On le sait, de tous les chefs révolutionnaires communistes du XXe siècle, il fut sans doute celui qui voyagea le plus, en Europe et aux États-Unis, en Union soviétique et en Chine, il jongla avec les noms d’emprunt et exerça une batterie de métiers. Ici, dans ce restaurant, plongeur tout d’abord, aide-cuisinier ensuite. Un révolutionnaire, un marxiste d’un peu plus de 40 ans alors, incognito dans un restaurant tenu durant des décennies par la même famille de la bourgeoisie milanaise.
Comment Carlo Feltrinelli pourrait-il ne pas savourer un tel coup du sort ? C’est sur cette même viale Pasubio, en face de la trattoria, qu’il a décidé d’élever le nouveau site de la Fondation Giangiacomo Feltrinelli, une institution unique en Europe qui porte le nom de son père. Feltrinelli, un nom connu de tous les Français qui voyagent dans la Péninsule en raison du réseau de librairies qui s’étend désormais dans toutes les grandes villes du pays. Feltrinelli, la maison d’édition, l’une des meilleures en Italie, nous y reviendrons. Feltrinelli, cette Fondation étrangement méconnue encore compte tenu des richesses dont elle dispose. Feltrinelli, Giangiacomo, sans doute l’homme le plus romanesque, original, brillant de l’édition italienne des années 1955-1970, sans doute l’éditeur aux parts d’ombres les plus mystérieuses, pour certains scandaleuses, que les plus de cinquante ans qui nous séparent désormais de sa mort spectaculaire, en mars 1972, n’ont toujours pas éclaircies. La bombe qu’il manipulait explosa-t-elle avant l’heure ? Des services secrets américains, israéliens ou italiens l’ont-il piégé ? Une chose est certaine, à partir de 1965, plus encore après 1968, Giangiacomo Feltrinelli s’engagea dans la lutte révolutionnaire internationale avec des ramifications en Amérique du Sud, en Afrique du Nord, en Palestine, en Allemagne, en Grèce et sans doute dans des pays de l’ancien bloc de l’Est. Il mit sa fortune personnelle à contribution et il entra dans la clandestinité. Une fuite en avant ? Un aveuglement ? Une aventure suicidaire ? L’époque était à la décolonisation, Tommie Smith et John Carlos avaient levé le poing ganté de noir et avaient baissé la tête sur le podium du 200 mètres des JO de Mexico, le Mai 68 parisien avait une aura internationale, la guerre du Vietnam faisait rage, Ernesto Che Guevara avait été assassiné en Bolivie, Fidel Castro promettait un nouveau monde. Oui, il y avait eu Budapest en 1956, oui, il y avait eu Prague dans cette même période. Les chars du pacte de Varsovie avaient écrasé l’espoir d’un autre socialisme. Jan Palach s’était immolé place Venceslas. Et pourtant on en appelait toujours à la révolution marxiste. Seule celle-ci permettait à la gauche européenne de rêver à l’indépendance et à la chute des empires et des dictatures. Dans ce contexte, l’Italie n’était pas à la traîne. Et il y eut ce moment dramatique à Milan qui marqua l’entrée du pays dans une dérive violente, terroriste, que nous avons du mal à ne serait-ce que concevoir aujourd’hui : l’attentat de piazza Fontana, le 12 décembre 1969, dans la Banque nationale d’Agriculture qui causa la mort de 17 personnes et en blessa 88. Jamais l’Italie n’avait semblé aussi fragile depuis la chute du fascisme. Dans l’angoisse, la population se mobilisait, se révoltait mais tout semblait possible, à commencer par un coup d’État militaire comme celui que la Grèce avait connu deux ans plus tôt. D’ailleurs, L’Espresso d’Eugenio Scalfari, le futur fondateur de La Repubblica, n’avait-il pas publié à partir de janvier 1967 une large enquête qui révéla non seulement que plus de 150 000 citoyens italiens étaient fichés et considérés comme « dangereux » par le Sifar, les services secrets. Même Giuseppe Saragat, qui était entre-temps devenu président de la République, avait droit à son dossier, mais également les détails du « Piano solo » conçu par le général de Lorenzo, un projet de renversement politique, d’occupation manu militari des institutions et de création de camps de concentration pour les opposants politiques. Avec l’attentat de piazza Fontana, suivi d’autres qui échouèrent miraculeusement, d’autres qui firent de nombreuses victimes, et jusqu’au carnage de la gare de Bologne, le 2 août 1980, l’Italie basculait dans l’inconnu. La stratégie de la tension débutait. L’extrême droite cherchait à provoquer une réaction puissante de l’armée afin de mettre fin à la démocratie. Les Brigades rouges, comme d’autres formations d’extrême gauche, le GAP (Gruppi d’Azione Partigiana) notamment, créé par Feltrinelli, allaient réagir.
La mort de Giangiacomo Feltrinelli à Segrate, dans la périphérie de Milan, à l’âge de 45 ans, au pied de pylônes électriques qu’il voulait faire exploser, marqua la fin d’une vie exceptionnelle. Elle allait donner une dimension quasi mythique à son aventure intellectuelle, entrepreneuriale et politique.
Après avoir terminé notre repas à l’Antica Trattoria della Pesa, repas au cours duquel Carlo Feltrinelli, aujourd’hui président du groupe Feltrinelli, Massimiliano Tarantino, directeur de la Fondation Feltrinelli et moi avons longuement évoqué l’état des gauches françaises et italiennes, parlé d’Emmanuel Macron — bien que critiques, ils paraissent toujours fascinés par l’animal politique — et nous être projetés dans les futurs défis européens, nous quittons le restaurant et le souvenir de Hô Chi Minh, traversons la viale Pasubio, pour nous rendre dans le bâtiment impressionnant, radical, long de 188 mètres, haut de 32 mètres, un monument de béton et de verre, ultra-contemporain avec quelques allusions à l’architecture gothique et au grand Aldo Rossi, une formidable réussite des Suisses Herzog et de Meuron. Carlo Feltrinelli rêvait de créer à Milan, pour Milan, une forme de Centre Pompidou politique, une institution pluridisciplinaire avec une programmation ambitieuse et singulière, un lieu de travail, une bibliothèque, un espace d’échanges et de débats, un lieu accessible, ouvert, avec une grande librairie Feltrinelli et son restaurant, son café, sa terrasse au rez-de-chaussée.
Je suis Carlo Feltrinelli et Massimiliano Tarantino dans les espaces stylisés, aérés et lumineux de la Fondation. Ils m’ont proposé d’assister à une réunion importante pour eux, à une réflexion critique collective sur le positionnement de la Fondation dans les débats publics en Italie et sur les moyens à mettre en œuvre pour mobiliser plus encore, les plus jeunes notamment, sur des questions sociétales. Une vingtaine de personnes se retrouvent dans une grande salle, une dizaine suivent et participent à distance via des écrans de toutes les régions italiennes. Il y a des professeurs, des étudiants, des membres d’ONG, des programmateurs de la Fondation, des éditeurs de la maison d’édition Feltrinelli, tous engagés dans le présent et l’avenir de la Fondation, mais plus largement dans la vie sociale et politique de l’Italie. La parole circule aisément, les propos sont posés et engagés. Chez chacun des intervenants apparaissent l’inquiétude, la nécessité d’agir, la volonté de construire des alternatives. L’extrême droite est au pouvoir et pour lui faire face, il paraît crucial pour chacun de se mobiliser en déployant de nouveaux argumentaires, des initiatives de programmation renouvelées, des stratégies de communication plus agressives. Des suggestions sont formulées. Il y a une énergie froide, rationnelle, constructive dans ces échanges. Si la Fondation Giangiacomo Feltrinelli cherche à développer de nouvelles synergies, à repenser les usages des espaces publics, les réseaux de sociabilité dans la cité, elle ne l’imagine pas à travers des slogans, des formules lapidaires, des raccourcis séducteurs. La place centrale dans cette réunion est attribuée à la pensée construite, raisonnée. Ce laboratoire de réflexion politique en témoigne, avant de gagner la rue, la pensée de gauche, le renouvellement de la social-démocratie, ne peut faire l’économie d’une autocritique, d’une réévaluation de ses objectifs, des ambitions qu’elle souhaite proposer aux citoyens italiens. Et d’ailleurs, Massimo Feltrinelli qui dirige cette rencontre avait commencé par évoquer aux participants un contact pris avec l’équipe d’Elly Schlein, la nouvelle secrétaire du Parti démocrate, une sorte d’invitation sous forme de proposition : s’appuyer sur le potentiel intellectuel qu’offre la Fondation pour s’engager dans une réflexion en profondeur sur les questions essentielles pour ce parti et pour l’accompagner dans l’élaboration d’un nouveau projet politique. La Fondation Giangiacomo Feltrinelli est trop jalouse de son indépendance pour envisager un quelconque alignement avec quelque parti que ce soit. Son exigence intellectuelle le lui interdit. Elle se considère sans doute beaucoup plus comme un outil, un levier, un moyen. Un espace d’opportunités. Et j’en reviens à ce point central : un lieu de réflexion collective, un forum, une place publique pour l’analyse de la société, une agora pour se projeter dans l’avenir.
La politique a été centrale dans la vie de Giangiacomo Feltrinelli, bien avant son engagement dans les éléments les plus radicaux de la gauche dans la fin des années 1960. Dès l’origine, les principes qui fondèrent la Fondation en témoignent.
Fils de l’un des plus importants entrepreneurs italiens aux succès économiques spectaculaires tant dans l’industrie du bois que dans la banque, il hérita jeune d’une fortune considérable qu’il consacra en partie à défendre une certaine idée de la gauche. Rétrospectivement, il apparaît que la maison d’édition qu’il créa en 1955 fut une forme d’extension intellectuelle naturelle d’un projet plus ancien, qui, lui, vit le jour en 1949, via Scarlatti, alors que Giangiacomo Feltrinelli avait 23 ans. Il y eut en effet, préalablement à la création de la « casa editrice », une entreprise intellectuelle aussi originale qu’ambitieuse, européenne : la création d’une bibliothèque de recherche consacrée aux mouvements ouvriers, à la pensée des Lumières, au Risorgimento et à l’antifascisme. Durant des années, en multipliant des contacts dans toute l’Europe, à Paris en particulier, GGF, c’est ainsi que ses collaborateurs finirent pas le surnommer, s’employa à acheter tout ce qui pouvait avoir un lien avec ces sujets. Des éditions originales, des quotidiens, des revues, des correspondances, des tracts, etc. Ce furent ensuite les mouvements de gauche aux États-Unis et en Amérique du Sud, les syndicats et associations de libération du joug soviétique dans les pays de l’est de l’Europe. Tout ce que l’imprimé pouvait témoigner de ces luttes sociales et politiques devait se retrouver dans ces collections initiées par Feltrinelli à la fin des années 1940. Le patrimoine accumulé forme aujourd’hui un fonds unique au niveau international, où la parole de l’écrivain comme celle de l’ouvrier, celle de l’homme politique comme celle du syndicaliste, celle du journaliste comme celle du paysan sont associées. Ce fonds attire des chercheurs de tous les continents. Et joue, comme me l’a dit Massimiliano Tarantino, « un rôle de guide dans la critique du présent ». Cette bibliothèque est l’espace des utopies qui ont porté des combats progressistes depuis le XVIIIe siècle.
En 1960, la Bibliothèque devint Institut (puis se transformera en Fondation en 1974) au moment où le fonds déménagea pour occuper ses nouveaux espaces, via Romagnosi, à proximité du siège de la maison d’édition Feltrinelli. L’Institut eut alors pour projet de devenir un laboratoire pluridisciplinaire de réflexion pour activistes, sociologues, dirigeants politiques et syndicaux, économistes de gauche.
Les années 1960 furent celles de la publication aux couleurs des éditions Feltrinelli de grands textes théoriques, d’essais pour penser le présent, de manifestes, de mémoires de figures de la décolonisation. Ce n’est d’ailleurs en aucune manière par hasard que l’aventure éditoriale de Feltrinelli débuta par la publication du Fléau de la svastika de Lord Russell, une histoire des crimes nazis, et l’Autobiographie de Jawaharlal Nehru, le compagnon de route de Ghandi, l’homme de l’indépendance de l’Inde, le premier Premier ministre de ce pays gigantesque dont il assuma la charge pendant plus de seize ans. Antifascisme et décolonisation. Dès sa création en 1955, la ligne éditoriale de Feltrinelli était claire.
Par la suite, les trois coups de maître de GGF qui ont fait de lui, en Europe comme aux États-Unis, l’un des éditeurs les plus connus, les plus médiatisés soulignèrent sa liberté, sa curiosité et sa passion : Le Docteur Jivago de Boris Pasternak, Le Guépard de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. Le roman d’un homme surveillé, empêché dans ses mouvements, soumis à la censure, publié pour la première fois dans des conditions invraisemblables et qui valut à son auteur le prix Nobel, le roman d’un inconnu qui évoque l’histoire de la Sicile au moment du Risorgimento et le roman, publié pour la première fois en traduction, d’un auteur colombien qui, avec ce livre, invente le réalisme magique et promeut la littérature sud-américaine au niveau des plus passionnantes de l’époque.
Avec Inge Schönthal Feltrinelli, une photographe allemande que ses portraits d’Hemingway, Garbo, Kazan, Kennedy et de beaucoup d’autres, réalisés dans les années 1950 à Cuba et aux Etats-Unis, avaient rendue célèbre, une jeune femme rencontrée en 1958 à Hambourg dans les bureaux de l’éditeur Rowohlt, GGF allait partager passions éditoriales, voyages et jusqu’à un certain point ses engagements politiques. C’est grâce à elle, ainsi qu’avec le soutien de collaborateurs fidèles de Feltrinelli, que la maison d’édition survécut à l’entrée dans la clandestinité puis à la mort de son créateur. Ses relations personnelles avec Max Frisch, Günter Grass, Heinrich Böll, Friedrich Dürrenmatt, Doris Lessing, Nadine Gordimer ont été essentielles pour le développement international de la maison Feltrinelli. Décédée en 2018, Carlo Feltrinelli a décidé d’honorer sa mémoire en créant un prix qui porte son nom et qui couronne des femmes pour leurs œuvres engagées et pour leurs enquêtes journalistiques.
Je rejoins Carlo Feltrinelli et Massimiliano Tarantino dans un bureau ouvert sur la ville. Si ce dernier est disert et spontané, Carlo Feltrinelli est plus économe de sa parole, plus secret. Mais il est toujours extrêmement présent, oui, c’est ainsi qu’il m’apparaît, un bloc de présence avec un regard puissant associé à une impression de force physique. Impossible de ne pas superposer à cet homme assis face à moi l’image que je me suis faite de lui, à l’âge de 9 ans. C’est l’écoute récente d’un passionnant podcast en huit épisodes disponible sur Spotify, « GGF, editore e rivoluzionario », qui est en la cause. Des extraits déchirants de lettres de Giangiacomo Feltrinelli à son fils Carlo qui n’avait pas 10 ans où un père dit à son fils tout l’amour qu’il lui porte malgré l’absence, où il lui dit les raisons de son engagement politique alors qu’il est en train de se précipiter dans des activités révolutionnaires qui ne peuvent se terminer que dans la tragédie.
Tous les trois, nous parlons une fois encore de l’importance de l’Europe, de la nécessité de développer des initiatives intellectuelles, des échanges, des réseaux à l’échelle du continent pour mieux comprendre la complexité du réel à l’époque du numérique, des nouvelles inégalités culturelles et sociales, de la montée des populismes de droite et pour renouveler les programmes, les méthodes, les pratiques de la gauche, celle qui aspire à gouverner, à assumer des responsabilités. Ce laboratoire milanais est unique. Nous rêvons à voix haute d’autres laboratoires, des laboratoires satellites, légers et souples, mobiles à Varsovie et à Athènes, à Madrid et à Berlin, à Palerme et à Helsinki, à Lisbonne et à, oui, espérons-le, rapidement, Kyiv. Cette circulation de la pensée, ces partages d’expériences, cette commune volonté de faire émerger une société fondée sur des valeurs de gauche, sur la défense des plus faibles et avec l’impérieuse nécessité de donner à la protection de l’environnement une place centrale, oui, nous en rêvons.
Ce laboratoire milanais, cette Fondation Giangiacomo Feltrinelli, avec son histoire, ses collections, son ambition, sa programmation, son très remarquable site internet qui propose des analyses, documentations et podcasts pour comprendre le passé et le présent, est une fabrique de l’intelligence qui doit rendre certains de ces rêves possibles.
En quittant la Fondation, en me retrouvant sur la viale Pasubio, avec en main l’édition la plus récente de Senior Service, la splendide biographie que Carlo Feltrinelli a consacrée à son père, publiée en français par Christian Bourgois, je ne peux m’empêcher de sourire en regardant la façade de l’Antica Trattoria della Pesa. À la fin des années 1960, avant d’entrer dans la clandestinité et d’emprunter à son tour plusieurs pseudonymes, Giangiacomo Feltrinelli publia des textes politiques qui marquèrent ces années, de la lecture du Capital par Althusser à Oraison funèbre pour Che Guevara par Fidel Castro. Parmi ces livres, il y en avait un autre auquel GGF tenait beaucoup, un livre qu’il édita en 1967 et que la jeunesse italienne de gauche a beaucoup lu, un recueil de textes, de lettres et de discours d’un homme hors du commun qui fut pendant un temps plongeur, puis aide-cuisinier dans une trattoria de Milan.