Hier soir je suis allé à l’auditorium de la Seine Musicale écouter Arthur Teboul chanter, accompagné de Jean-Baptiste Trotignon au piano. Une voix, dix doigts, la Grâce. 

Nous pensions être des oubliés de Dieu, mis de côté par l’absence d’esprit, exposés à la fournaise d’Israël. Alors que semblent disparus les moments de joie et d’allégresse, alors que la peur s’installe, alors que l’être juif en viendrait à se cacher, apparaît dans son dépouillement le plus pur, Arthur Teboul. 

Arthur offre ici, au cœur de cet auditorium, la possibilité la plus directe de s’élever. Sagacité des mots, justesse de la voix, précision du geste, intelligence, humilité, sont là, réunis, sans mise en artifice, pour mettre en perspective tout ce qui concentre à mes yeux, l’esprit du judaïsme. Cet esprit qui a apporté, discrètement, sans faire de bruit, un souffle divin à la chanson Française, de Gainsbourg à Goldman, de Jean Ferrat à Joe Dassin en passant par Barbara ou Georges Moustaki. 

Arthur nous caresse dans ces pérégrinations musicales pour mieux nous bouleverser, sans effort, il suffit de lâcher prise pour le recevoir et se laisser porter. Alors oui, tout redevient possible et l’on se dit que tout n’est pas perdu, que cet espace de création emprunté par ses illustres ainés a trouvé son successeur. Que nul comme lui ne pouvait nous transmettre l’interprétation de textes que nous croyions connaître par cœur. Car ici, il est question de cœur qui se met à l’ouvrage. Arthur est cet artisan-chercheur qui ne cesse de fouiller, de manier, de lire, d’écrire, de s’égarer même dans l’interprétation du texte pour en trouver les sens, l’essence et nous les restituer. 

On découvre alors que si nous pensions connaître chacune de ses chansons, nous en avions perdu la signification, on les chantait oui, ces ritournelles, mais de façon mécanique, comme un enfant récitait jadis ses tables de multiplication. Saisi, on reste émerveillé devant cette découverte ! Avoir là devant nous, la démonstration qu’au sein de textes que l’on croyait usé, galvaudé peut ressurgir le souffle. 

Arthur apporte avec lui une certaine idée de l’homme, de la voix, de la lumière, de la mémoire universelle. Le plus beau c’est qu’il le sait malgré lui et qu’il n’en fait pas état. Il marche simplement en véhiculant l’art de la joie. Écouter Arthur chanter, c’est retourner à la source de cette rivière qui nous accompagne depuis le début et qui, je le sais, grâce à lui, grâce à cet esprit, coulera toujours après lui et après nous. Car ce n’est pas le temps qui passe, c’est nous qui ne faisons que passer.