Mort à Sarajevo, le dernier film de Danis Tanovic, librement adapté de la pièce de Bernard-Henri Lévy, montée l’an dernier au Théâtre de l’Atelier et jouée à Sarajevo même à l’occasion du centenaire de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand d’Autriche, vient de recevoir le Grand prix du Jury et le très prestigieux Prix de la Critique internationale au Festival de Berlin.
Belle victoire pour le metteur en scène, Danis Tanovic.
Satisfaction pour Jacques Weber qui tient le premier rôle dans le film comme il le tenait, l’année dernière, dans la pièce de théâtre.
Et, pour le peuple de Sarajevo, pour ses intellectuels, pour les survivants du plus effroyable siège de l’histoire contemporaine, quelle revanche !
Le film reprend l’intrigue d’Hôtel Europe : l’histoire d’un écrivain qui, enfermé dans une chambre d’hôtel, essaie d’écrire un discours pour les commémorations du déclenchement de la guerre de 1914.
Mais le film, contrairement à la pièce, s’inscrit aussi dans le contexte de crise économique et sociale bosniaque : le palace est en faillite pendant que l’écrivain travaille, une grève du personnel menace, la mafia est à l’oeuvre, une histoire d’amour tourne mal, une émission de télévision est tournée, sur l’“héritage” laissé par Gavrilo Prinzip, le bosniaque d’origine serbe assassin de l’archiduc François-Ferdinand.
Ces récompenses viennent consacrer le talent et l’engagement de Danis Tanovic. Déjà oscarisé pour No Man’s Land, meilleur film étranger en 2002, et qui récoltera une quarantaine de prix à travers le monde, son film La femme du ferrailleur sera récompensé en 2013 par le Festival International du Film de Jérusalem, et par deux Ours d’Argent, dont le Prix du jury, à Berlin, déjà, cette même année.
Mais en couronnant Mort à Sarajevo, c’est aussi une solide alliance franco-bosniaque autour d’un combat partagé, il y a bien des années, sur les lieux martyrs de ce conflit qui ensanglanta l’Europe, que le jury berlinois présidé par Meryl Streep vient de consacrer.
Bernard-Henri Lévy, Danis Tanovic, et Dino Mustafic, le metteur en scène de la pièce, se rencontrent il y a 20 ans, à Sarajevo, alors que les deux derniers, parmi les plus braves défenseurs de leur cité, prenaient tous les risques pour saisir les images de la guerre qui faisait rage autour d’eux, constituant ainsi les archives documentaires des forces bosniaques – et pendant que l’écrivain, BHL, réalisait son propre film Bosna!.
Deux décennies plus tard, alors que le premier film de Tanovic, tourné entièrement dans son pays natal, est projeté au festival berlinois, la Bosnie-Herzégovine, dépose officiellement, après tant d’attente, sa demande d’adhésion à l’Union européenne, ce même 15 février 2016.
Un symbole inattendu, comme l’a souligné le philosophe, ému, lors de la conférence de presse précédant la projection : « c’est un signe formidable, et j’en suis si heureux. »
Meryl Streep et son jury ont bel et bien sacré un film politique, généré par le texte de l’auteur, heureux, de l’Esprit du Judaïsme.
Ce triomphe et cette confirmation artistique rendent le plus bel hommage qui soit à cette intense histoire d’amitiés, et de combats, joué désormais par ces “frères de Sarajevo” à un autre niveau.
“C’est un film de Danis Tanovic, c’est son imaginaire, son monde. Mais en même temps cela vient d’Hôtel Europe. Et ce processus, à la fois lointain et proche, est très émouvant” a déclaré Bernard-Henri Lévy lors de la conférence de presse donnée conjointement avec Danis Tanovic et Jacques Weber.
Un palmarès aussi chargé symboliquement tant il n’est que justice rendue à une oeuvre, Hôtel Europe, que certains avaient cru pouvoir reléguer, en toute mauvaise foi, sur quelques étagères définitives de bureaux cloisonnés, sans fenêtre sur la scène du monde et de l’Histoire en mouvement, en train de s’éprouver.
Ici, à La Règle du Jeu, où l’on s’est fait si souvent l’écho de la souffrance infligée à la Bosnie, et de la dette que l’Europe a contractée à son endroit, nous en sommes évidemment enchantés.
Quand pourra-t-on voir ce film ? félicitations au réalisateur !
Bravo ! Je n’avais pas vu la pièce mais sa version publiée chez grasset était très intéressante.
Merci pour votre combat aux côtés de la Bosnie !
L’ex-Yougoslavie n’est pas un territoire perdu de la République européenne. Staline s’en est emparé parce qu’il avait les moyens de le faire. Et dans ce cas d’espèce, les moyens font le droit. Nous n’aurions jamais vaincu cette Allemagne qui ne doit plus se cacher derrière le petit doigt du Reich n°3 sans le concours de l’Abruti qui avait cru à la compatibilité des totalitarismes rouge et brun. Reconnaissons au moins au communisme ce mérite d’avoir instauré une conception de l’humanité qui, si l’on met de côté la question du multiculturalisme réglée à la boule de démolition, avait éliminé le risque nationaliste. La bombe à retardement ne s’est pas fait attendre. Sitôt la chape de plomb effacée de leur écran mental, les cousins d’Alexandre Douguine firent sonner le tocsin. Les terres ayant un jour appartenu aux slaves devaient retourner dans leur giron historique. Malheureusement, avec les douguinistes, la disputation des territoires, problème universel s’il en est, induit le nettoyage des mêmes champs magnétiques où le cultivateur du Moi néototémique ne conçoit pas de mélanger le frère de parentèle du dieu Carotte avec celui du dieu Navet. Le bordel qui enflamma l’Europe au début des années quatre-vingt-dix résulte d’un inconscient collectif totalement étranger à l’anticollectivisme des États-Unis d’Europe. La responsabilité individuelle est une notion à laquelle toutes les couches de la société demeurent attachées dès l’instant qu’un membre de leur inespèce est victime d’un acte criminel. Les survivants d’un crime de masse eux-mêmes n’acceptent plus, chez nous, que les vrais responsables des atrocités dont ils portent les stigmates aillent se noyer dans leur masse effondrée. Voilà pourquoi les cadavres se redressent vite, ne laissent pas aux bourreaux le temps de comprendre ce qui leur tombe dessus. Les cadavres c’est nous tous, qui ne planifions pas pour nos sœurs et nos frères le génocide au cube (de l’oubli (de l’indifférence (du mépris. Ils sont notre famille. Et ceci n’implique pas des distinctions d’ordre génétique. Ceci est notre culture. Ceci est, est-ce trop tôt pour le comprendre, une authentique et puissante culture. Quelque chose qui unit les populations qui s’y fondent en tant que peuples, eh oui. Mais rien à voir avec le champ de navets d’antan. Ici, on a choisi de jeter nos destins en l’air en sillonnant les palmeraies d’or. Ici, les Lumières dépendent de la capacité de la tige à vivifier des feuilles subtilement singulières dont elles préservent l’espace vital à travers le prisme d’une intelligence paraissant basée sur des modes de raisonnement alternatifs. L’entrée de l’ex-Yougoslavie dans l’Europe doit impérativement passer par sa conversion à notre modèle de civilisation dont nous ne gagnerons rien à passer sous silence qu’il demeure pour elle, dans le meilleur des cas, une énigme, dans le pire, une balafre à la face de Douguine ou de Contre-Douguine. Ne mâchons pas le travail aux grinceurs de dents Poutine et Baghdadi. Ne leur permettons pas d’extraire le cœur de l’Europe de la communauté internationaliste. Attelons-nous à déplacer les montagnes qui obstruent les consciences des théoriciens de l’absence de solution, lesquels ressemblent à s’y méprendre aux théoriciens de la solution toute trouvée, quand les uns comme les autres ne cherchent qu’à contourner le stade de la recherche.
1. Si la Bosnie-Herzégovine reste aux portes de l’UE, le risque de voir pousser un califat dans le jardin d’Europe est inévitable.
2. Si la Bosnie-Herzégovine devient un État membre de l’UE, le risque de califat est loin d’être écarté. Les conditions qui seront imposées aux antidémocrates les dresseront contre les institutions européennes avec pour conséquence une guerre civile qui aurait pourtant pu être évitée si nous avions mis le paquet, lorsqu’il en était encore temps, à savoir au jour J qui ne gît pas encore.
Un Bosnien bien assis dans le fauteuil du réal au cœur de l’Europe transformée en refuge pour les locaux, les nationaux, les internationaux, les salauds comme les justes, les amoureux comme les haineux, mais ça, il va falloir patienter au moins jusqu’au milieu de l’histoire pour le savoir — le meilleur discernement ne nous épargne pas toujours quelques surprises, mauvaises (ou bonnes — là où l’antibéachélisme primaire est devenu un anachronisme).