La pression s’accentue sur le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, l’Otan ayant mené mardi de nouveaux raids sur des bâtiments officiels à Tripoli, au lendemain de la demande par le procureur de la Cour pénale internationale d’un mandat d’arrêt à son encontre.

Les frappes de l’Otan ont touché un bâtiment des services de sécurité intérieure et le siège du ministère d’inspection et de contrôle populaire, organe de lutte contre la corruption, tous deux situés au centre de Tripoli, non loin de la résidence du colonel Kadhafi.

La ministre du Contrôle populaire a fait état de blessés parmi les fonctionnaires.

Tripoli est la cible quasi quotidienne des frappes de l’Otan qui a pris les commandes depuis le 31 mars de l’intervention militaire en Libye, destinée à mettre fin à la répression sanglante du soulèvement qui avait débuté le 15 février.

Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, a estimé que l’aviation libyenne « aurait été anéantie avec plus de 80% des appareils hors service » et que l’armée de terre « aurait subi de lourdes pertes », depuis le début, le 19 mars, des frappes de la coalition.

Selon M. Longuet, « l’armée de terre aurait subi de lourdes pertes, avec un tiers des matériels lourds détruits et environ 50% des stocks de munitions ».

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Un bâtiment en feu après des frappes de l’Otan le 17 mai 2011 à Tripoli

L’Otan a indiqué de son côté qu’elle avait lancé une campagne psychologique, avec des messages radiodiffusés ou en lançant des tracts depuis des avions, pour appeler les soldats à la désertion.

L’alliance veut également encourager les troupes fidèles au colonel Kadhafi, ainsi que les civils, à se tenir à l’écart des installations militaires, a affirmé le lieutenant-colonel britannique Mike Bracken, un responsable de l’organisation.

La Russie, qui a maintenu formellement des relations avec le régime de Tripoli, a demandé mardi à des émissaires de Mouammar Kadhafi, en visite à Moscou, d’appliquer la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et de cesser toute action contre la population civile.

Elle a également indiqué avoir appelé Tripoli à « coopérer avec l’ONU pour permettre de livrer l’aide humanitaire sur tout le territoire libyen ».

La Russie, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, s’était abstenue le 17 mars de faire usage de son droit de veto lors du vote de la résolution 1973 qui a autorisé l’intervention internationale en Libye. Mais depuis, elle a plusieurs fois accusé les Occidentaux de violer l’esprit et la lettre de la résolution.

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Carte de Tripoli indiquant les raids de l’Otan mardi

Le Canada, qui participe aux opérations de l’Otan en Libye, a décidé d’expulser cinq diplomates en poste à l’ambassade libyenne à Ottawa, leur reprochant des activités « incorrectes », a annoncé mardi soir le ministère des Affaires étrangères.

Sur le terrain, le ministre libyen du pétrole Choukri Ghanem, un cacique du régime, a quitté la Libye le 14 mai pour la Tunisie voisine, a indiqué mardi à l’AFP une source proche du gouvernement tunisien.

Une source à l’hôtel de Djerba (île touristique dans le sud de la Tunisie) où il se trouvait, a indiqué qu’il en était parti tôt mardi matin. Sa destination n’était pas connue.

La rébellion a indiqué ne pas savoir s’il allait les rejoindre.

La défection de M. Ghanem, si elle se confirme, est une nouvelle preuve de « l’érosion » qui frappe l’entourage de Mouammar Kadhafi, a estimé Bernard Valero, porte-parole des Affaires étrangères françaises.

De plus en plus isolé, Mouammar Kadhafi voit aussi la menace judiciaire se rapprocher.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a demandé lundi aux juges de délivrer un mandat d’arrêt pour crimes contre l’humanité contre lui, son fils Seif Al-Islam et le chef des renseignements libyens, Abdallah Al-Senoussi.

« Les preuves recueillies montrent que Mouammar Kadhafi a personnellement commandé des attaques contre des civils libyens non armés », a affirmé M. Moreno-Ocampo, en précisant qu’il avait commis ces « crimes dans le but de préserver son autorité absolue ».

« Nous n’avons à aucun stade (…) ordonné le meurtre de civils », a répliqué le porte-parole du régime Moussa Ibrahim accusant les rebelles d’avoir « pris les armes ».

La rébellion a « salué » de son côté la décision du procureur, mais souhaité que ces trois hommes soient « jugés d’abord en Libye ».

À la frontière tunisienne, huit rebelles libyens ont été tués et 15 blessés mardi lors d’une reprise des affrontements entre troupes loyales à Kadhafi et insurgés près du poste-frontalier de Dehiba (sud de la Tunisie), a indiqué à l’AFP une source proche au gouvernement tunisien.

Le gouvernement tunisien a par ailleurs menacé de saisir l’ONU après de nouvelles chutes d’obus libyens sur son territoire près du poste-frontalier de Dehiba, a indiqué une source autorisée au ministère des Affaires étrangères.

Selon un responsable de Croissant-Rouge sur place, « près d’une vingtaine d’obus sont tombés mardi dans ce secteur ».

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OPCW) a annoncé de son côté que la Libye avait demandé un délai supplémentaire pour détruire ses stocks d’armes chimiques, jugeant cette situation « préoccupante ».

Le porte-parole du gouvernement libyen Moussa Ibrahim, a déclaré mardi soir à l’AFP que quatre journalistes détenus depuis le 4 avril en Libye pour entrée illégale dans le pays –deux Américains, un Espagnol et un Sud-africain– allaient être libérés « très bientôt ».

En trois mois de révolte, les violences dans le pays ont fait des milliers de morts, selon le procureur de la CPI, et poussé près de 750.000 personnes à fuir, d’après l’ONU.

(Source AFP)