Mangar est un village dans l’Haryana, pas plus grand qu’un lieu-dit en France. À 25 kms de là, se dresse l’orgueilleuse Gurgaon, que j’ai connue à l’état de gros bourg où pâturaient les vaches en quantité.

Grosse aujourd’hui de presque trois millions d’habitants, Gurgaon est un prodige de gratte-ciels et de malls à l’américaine, avec une superbe skyline sur le flanc des contreforts des Aravalli. Les vaches sont restées… Poussée en deux temps trois mouvements, Gurgaon serait une ville épatante si les concepteurs de la cité radieuse n’avaient pas oublié la question des ordures. Elles s’étalent dans tous les villages désormais et pas seulement dans Gurgaon où elles font de gros tas dans les rues. Là-dessus, mon amie Lily a son explication. Les villageois indiens recyclent absolument tout : un vêtement usé devient une corde, les ordures organiques servent d’engrais, la bouse de vache, mélangée à  l’urine, sert de désinfectant pour les sols, ou, seule, de combustible. Bon, mais le sac en plastique ne se recycle pas, mais alors pas du tout. On les jette.

Les vaches, qui comme chacun sait sont sacrées, sont libres de leurs mouvements ; elles vont donc bouffer les sacs en plastique qui, même ruminés, ne se laissent pas digérer et quand les vaches bousent, le sac est toujours là. Les citadins de Gurgaon accusent les vaches de leur malheur, tachent de les expulser mais elles sont invincibles, on n’expulse pas des divinités comme ca, si facilement. Ils ont fait des manifs pour obtenir au moins une usine de retraitement des ordures, et comme ils sont puissants, ils l’ont obtenue, elle marchera un jour peut-être. Retournons à Mangar, village très enrichi par la perception de taxes sur les camions de passage au retour des carrières dans les Aravalli. Pas d’égout, tas d’ordures, sacs plastiques, électricité défaillante, Internet une a deux heures par jour… L’inventivité indienne fait progresser le numérique à grande vitesse, mais les infrastructures indiennes avancent au pas lent des bœufs – c’était déjà le grand souci de Jawaharlal Nehru dans les années cinquante au lendemain de l’indépendance. Pour l’instant, seul l’État de l’Himachal Pradesh a interdit les sacs plastiques.