Nostalgie de la lumière, Patricio Guzman, Hors Compétition
Another Year, Mike Leigh, En compétition
Chatroom, Hideo Nakata, Un Certain Regard
Somos lo que hay, Jorge Miche Grau, Quinzaine des Réalisateurs
La chasse aux stars est ouverte . Littéralement : Nostalgie de la lumière, docu élégiaque et céleste de Patricio Guzman est un petit traité d’astronomie poétique chilien. Le cinéaste nous ouvre les portes du royaume des astronomes, scrutateurs infatigables de galaxies postés sur les hauteurs chiliennes. Mais il ne s’agit pas seulement de capter les signaux lumineux d’étoiles mortes : d’autres mémoires, plus humaines, se télescopent, si on ose dire, dans le film. Celle, millénaire, de l’histoire précolombienne, mais aussi, surtout, celle des disparus de la dictature de Pinochet. Et si Guzman n’évite pas toujours le pathos, ou les plans esthétisants, façon Science et vie, sur les spirales des nébuleuses, ce n’est pas une raison pour quitter la salle, comme d’aucuns, au nez et à la barbe du réalisateur, présent à la séance.
La goujaterie n’a pas de limites, dirait-on. L’indifférence non plus, dans sa version bobo doucereuse, rappelle Mike Leigh, de retour en très grande forme avec Another Year et son couple aux prénoms cartoonesques, Tom et Gerri, pétris d’une irritante bonne conscience. Mike Leigh est trop intelligent pour tirer sur des ambulances : ces bobos, aveugles aux vraies souffrances des autres, ne sont pas des salauds. On ne peut pas leur en vouloir de se lasser de Mary, version middle-class des buveuses de Chardonnay de Sex and the City, fatigante à force de mal-être. On les comprend. Et c’est peut-être bien ça le plus terrible : nous sommes tous des Tom et Gerri.
On reste en Angleterre avec Chatroom. Pas grand-chose à dire sur ce sous-produit du film d’horreur pour l’ère numérique et ces ados mal dans leur peau pris dans la spirale de la réalité virtuelle. En tombant sous la coupe du vilain William, génie du mal au look d’Apollon de boy band, ils fournissent un prétexte au cinéaste pour y aller d’un couplet moralisant et naïf sur les dangers du cyberespace.
Mais la vraie menace de la journée est bien réelle, elle, toute en canines et en appétits sanguinolents. La famille de cannibales mexicains de Jorge Michel Grau ne lésine pas sur les coups de pelles et les éventrements : Somos lo que hay a des allures de slapstick macabre, où la surenchère gore devient désopilante. Mais la jubilation potache, façon Scream cède le pas à une puissante – et pessimiste – méditation sur l’héritage. Comment prendre le relais d’un géniteur cannibale, décédé dès les premières images ? Comment se montrer à la hauteur de la Loi du père ? Jorge Michel Grau invente un cinéma vorace, qui parle autant à l’estomac qu’au cortex.