« …certaines de mes connaissances et moi-même

envoyons des messages

sans autre espoir que celui d’évoquer  ceux qui sont ou se trouvent encore ailleurs;

évidemment dans cette non-activité

il n’y a pas, il n’y a jamais eu, ni promotion ni publicité

dans tous les siècles des siècles;

…malheureusement la plupart des êtres que j’ai eu la chance imméritée de connaître ou d’avoir connus vivent ou vivaient dans des conditions précaires;

André Breton jusqu’à sa mort a vécu comme Alfred Jarry entre deux étages, dans un petit studio;

Marcel Duchamp avait vivoté à New York dans une minuscule chambre d’hôtel, de ses leçons de français;

Giacometti et Man Ray étaient mal protégés contre la pluie;

l’un des plus grands philosophes français  logeait dans une « chambre de service », les propriétaires de son immeuble refusèrent de lui prêter l’une de leurs caves vides  pour garder ses archives;

Beckett pendant quarante ans habitait aussi rue des Favorites dans une « chambre de service »;

Topor s’est occulté dans une « loge de gardien »;

Ionesco a vécu de longues années dans une « loge de concierge »;

comme tant de leurs collègues aujourd’hui;

mais aucun d’entre eux, pendant que, par exemple nous jouions aux échecs, ne s’est plaint de son infortune;

comme s’ils étaient entrés dans leurs non-activité comme qui entre en religion;

…heureusement  j’ai rendu visite à plusieurs centenaires, comme Oscar Niemeyer

ou à des femmes sur le point de le devenir comme Louise Bourgeois;

à 93 ans Stephan Hessel écrivait « indignez-vous! »;

la neurologue italienne Rita Levi-Montaloni, bien avant son occultation, avait écrit: « mon cerveau a un siècle,  il ne connaît pas la sénilité; je le maintiens actif, illusionné;  je le fais fonctionner, il ne dégénère jamais »;

Sophocle a écrit son chef-d’oeuvre « Œdipe à Colone » justement lorsque ses enfants voulaient l’enfermer  pour le protéger;

… un soupçon de pluie couvrirait  de diamants les toiles des tarentules »: F.A.

***

« …ciertos conocidos y yo enviamos mensajes

sin otra esperanza

que la de evocar a los que son y están aún en otra parte;

obviamente en esta no-actividad no hay ni hubo

ni promoción ni publicidad

¿por los siglos de los siglos?

…desgraciadamente la mayoría de los seres que tuve o tengo la inmerecida suerte de conocer o de haber  conocido viven o vivían en condiciones  precarias;

André Breton, hasta su muerte, vivió como Alfred Jarry entre dos pisos, en un cuchitril;

Marcel Duchamp había permanecido en Nueva York en una minúscula habitación de hotel  costeándosela con sus clases de francés;

Giacometti y Man Ray estaban mal protegidos contra la lluvia;

Topor se ocultó en una « logia de guardián »;

Beckett moraba en la calle de Favorites hasta el último cuarto de hora en una « buhardilla para el servicio »;

uno de los mayores filósofos franceses también habitó en una « buhardilla »; los propietarios de su inmueble se negaron a prestarle una de sus bodegas vacías para guardar sus archivos;

Ionesco vivió largos años en una « portería »;

como tantos colegas nuestros hoy;

pero ninguno, mientras jugando por ejemplo al ajedrez, se quejó de su infortunio;

como si hubieran entrado en su no-actividad como quien entra en religión

…felizmente visité a varios centenarios como Oscar Niemeyer

o a mujeres a punto de llegar a centenarias como Louise Bourgeois ;

a los 93 años Stephan Hessel escribió  « indignez-vous! »;

la neuróloga italiana Rita Levi-Montaloni, antes de su ocultación, había dicho: « mi cerebro tiene un siglo ; no conoce la senilidad; le mantengo activo ilusionado; le hago funcionar y nunca degenera »;

Sófocles escribió su obra maestra « Edipo en Colono » precisamente cuando sus hijos querían encerrarle para protegerle;

…una chispa de llovizna cubriría de diamantes la tela de la tarántula »  F.A.