Les haruspices ont décrété une fois pour toutes, depuis le début de la campagne présidentielle, que Marine Le Pen, quel que soit le cas de figure, serait forcément au second tour. Forcément, vous dis-je. Comme la Duras parlant de la mère du petit Grégory, «coupable, forcément coupable.»

Et cela arrange sacrément la Bande des Quatre. Qu’ils se nomment Mélenchon, Hamon, Fillon, ou Macron, tous battent sans coup férir Marine Le Pen au second tour, par l’alliance forcée, ainsi qu’en 2002, de tout ou partie des républicains de droite et de gauche ensemble. Avec elle, le second tour, c’est du gâteau, l’Elysée sur un plateau sans lever le petit doigt ! Les sondages sont formels.

Tel était l’un des thèmes du grand forum organisé hier soir 18 avril au palais de la Mutualité à Paris, par l’Ecole de la Cause freudienne, Jacques-Alain Miller et La Règle du jeu.

Faute de Marine Le Pen au second tour, il serait infiniment plus ardu pour Mélenchon de battre en duel un Fillon ou un Macron, de même que pour ceux-ci de l’emporter sur l’autre en cas de match entre eux. Finie l’élection de confort, Marine Le Pen au second tour = la victoire assurée pour l’autre vainqueur du premier tour, quel qu’il soit.

«Merci Marine, garde bien ma place au chaud, et que personne d’autre que toi me la prenne. J’arrive, ma Cocotte, j’arrive.»

Et c’est déjà, à gauche comme à droite, un concert général, une foire d’empoigne, aux cris de : «C’est moi qui serai le meilleur pour battre la méchante, la détestable au second tour». «Mais non, c’est moi.» «Pas du tout, c’est moi !»

A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, écrivait Corneille.

Pas un de ses quatre rivaux ne dit, relevant le défi, sauvant l’honneur : «Battons-la, nous candidats républicains, au premier tour». Trop risqué, bien sûr.

Mais quel affront pour la France, a répété Lévy, quel bas calcul !, en conclusion d’une soirée passionnante, revigorante, où se sont succédé à la tribune jusqu’à 2 H. du matin Jean-Claude Milner, Régis Jauffret, Mohamed Sifaoui, Yann Moix, Dominique Sopo, Caroline Fourest, Monique Canto-Sperber et bien d’autres.

D’autant qu’il ne s’agit pas d’un pari, d’un beau geste vain, mais d’une vraie possibilité !

1) Marine Le Pen a fait le plein à 90 % de ses électeurs (les plus convaincus idéologiquement). Le tiers du corps électoral, cette masse énorme d’indécis à quelques jours du scrutin, se dispute encore entre les autres candidats. Ce vivier se partagera entre eux. Marine Le Pen n’en profitera pas.

2) La rafle du Vel d’Hiv, où «la France n’était pour rien» ne lui a pas réussi. Quand elle voudrait faire croire faire du de Gaulle, la dame fait du Pétain.

3) La mauvaise campagne, le parfum de violence autour de ses meetings ratés et qui ne font pas le plein.

4) Ses ennuis avec la Justice pour financement occulte de ses cadres sur le budget du Parlement européen.

5) Et puis le personnage a vieilli. Le corps hier encore travaillé à la GUD, est aujourd’hui l’enveloppe d’une bateleuse de plateau fatiguée.

Adieu, la mystique du chef, bye bye le charisme. Marine Le Pen est à son étiage, et son électorat se délite à petites gouttes vers Dupont-Aignan et Fillon, voire, qui sait ?, vers le populiste d’en face, Mélenchon.

Bref, la partie est gagnable. MLP peut être troisième, si tous les candidats, si la Bande des Quatre agit en ce sens, appelle en ce sens, proclame solennellement préférer un duel au second tour entre Républicains qu’un mano à mano dégradant avec la Blonde au sourire entre les dents et une victoire à bon compte.

Que l’un d’entre eux, en grand Républicain, au moins le fasse, et les Français en seront impressionnés et reconnaissants.

C’est tout le sens, je le répète, de l’appel lancé hier à la tribune de la Mutualité à Paris par Bernard-Henri Lévy à la Mutualité.

Il en va de même des citoyens. Ne pas laisser passer notre chance à tous, pour la première fois depuis trente ans, de faire enfin reculer la vague noire qui monte.

MLP exclue du second tour, c’est sa chute assurée, la Nuit des longs couteaux avec la nièce, le début du commencement de la fin.

Pour une fois, oui au dégagisme. Dégageons la Le Pen ! Au premier tour.