On entendra que par rock je signifie toute forme esthétique figurée en son point d’incandescence.
D’abord souligner les points comparables, pour mieux pouvoir énoncer ce qui dissocie brutalement en leur absolu Daech du rock.
Ils représentent deux formes d’un culte jeune érigeant en toute-puissance la radicalité de la complaisance, ils sont deux formes prenant en charge de manière certaine l’oubli de tout, deux religions sans principe divin.
Une fonction commune aussi à fabriquer des idiots utiles.
Le rock est né à l’heure exacte à laquelle l’industrie a inventé la notion d’adolescence, consciente de définir ainsi un nouveau marché. Dans les sociétés sans rite de passage, on ne bascule plus de l’enfance à l’âge adulte en une nuit cataclysmique cernée de torches délimitant la piste tracée par les aînés. En son absence s’érige alors une zone trouble, cet âge sans chiffre, un brouillard gris et diffus en lequel le moindre fiat lux enluminé, souvent illisible, fait figure de fanal; et ce corps aux angles brisés se confond en sa faim.
On lui promettra gloire sans pain ; on lui fera savoir que les reins ne cogneront plus, et qu’un singe jouet fracassant ses cymbales continuera à battre des pieds, même basculé sur le dos. Son indocilité lui ouvrira une maison dont il ne saura les architectes, eux coulés en le béton des fondations et pris en leur taille comme Lucifer au centre de son lac de glace.

Il reste que Daech et le rock n’arpentent pas les mêmes territoires ; s’ils en viennent à co-exister, cela ne peut être que dans la tuerie abominable du Bataclan, l’un voulant absolument la mort de l’autre. Et ce n’est même pas William Wilson tuant son double en duel dans le clocher et mourant en conséquence de la blessure qu’il a lui même infligée, non. Daech exècre le rock et tente de l’anéantir, car il sait trop bien qu’il utilise les mêmes ressorts fondamentaux, mais qu’il n’a pas le courage du premier à s’infliger à lui même les transes de sa rébellion. Il préfère l’imposer à l’autre, et surtout à n’importe qui.

Tout comme on n’aura jamais constaté de commando bouddhiste, on n’aura jamais non plus vu de rocker terroriste ; en tout cas pas en la chair, les balles et les clous. On pourra penser que c’est car le rock relève de l’art, donc d’une fiction, et que Daech et ses armes à feu relèvent du réel. Or c’est le contraire. Le rock est réel, même si somnambule, et Daech est une fiction. Et ce statut l’agace au plus haut point. Il tuera, étripera, violera jusqu’à l’absurde pour se sentir là. Mais ça ne lui suffit pas, même si l’autre le subit lui comme réel, jusqu’au pire. Il n’arrive pas à croire en sa fable du Califat, il sait, sans vouloir l’entendre, que la vérité est un menteur pathologique. Il utilisera alors en parallèle les réseaux dépersonnalisés et pourtant si intimes de l’internet, car il sent confusément que sa réalité se joue aussi là, dans le virtuel. Mais ça ne prend pas, en tout cas pas comme il le voudrait, ce n’est au final qu’une crise de nerfs sanglante financée par d’obscurs commanditaires aux intentions trop limpides.
Le rock a au moins la dignité d’être une arme qui se retourne contre elle même. Et ça, Daech ne le comprendra jamais. Certains auront traversé des flammes bleues, sachant qu’elles n’auront été que des perspectives sans ligne de force. Ne disparaissent plus que les morts, qui eux, pour le coup, sont bien présents.

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8 Commentaires

  1. Même si, personnellement, je n’ai pas d’appétence particulière pour l’oeuvre de Sollers, reconnaissez au moins sa singularité. Il ne pond pas des oeufs dans la tête d’individus en déshérence afin de les transformer en guerriers psychopathes. Ne vous trompez pas d’ennemi. A moins que toute votre diatribe ne relève au final que d’un énième BHL bashing, ô combien confortable…
    Bien à vous,
    Nicolas.

    • Quand je fais allusion à l’essaim de Sollers, je ne sous-entends pas que les islamistes s’engouffrent dans la pensée bourdonnante de l’écrivain, mais j’évoque son concept d’essaim islamiste. Comme dirait Harrison Ford à propos du 13 novembre : «Fffuck!»

  2. Sarkozy pète : «Hein?»
    Mô ch’est Hitler, vainc Dieu!
    Là, Valls éraflé.
    Nada esh rock.
    Le XXIe siècle se panse…

    • On pourrait continuer ainsi à intervertir les rôles entre a et c, tout en supprimant b; logique : b est ce qu’on appelle un inusable.

    • À ceux qui se seraient imaginés qu’écrire «Là, Valls éraflé» induit le fait que je cautionne l’établissement d’un parallèle que je dénonce entre Valls et Laval, je confirme que nous n’avons pas la même façon de penser. Si besoin est d’une justification de ma part, je n’en ai pas d’autre. Quant à l’esprit du rock, il est l’exact antonyme du néant islamiste. D’un côté l’insoumission fondamentale, de l’autre la soumission fondamentaliste. Un mouvement d’indépendance foncièrement individualiste dont l’énergie négative aura contribué à faire tomber le rideau de fer contre la flasque indifférenciation négationniste des candidats au Jihâd. La recherche de singularité à tout prix risquant la graduation du majestueux au ridicule, ou la fuite à plat ventre dans l’essaim de Sollers. Lennon prononçant un discours anti-establishment avant d’annoncer à son public en liesse qu’il vient d’applaudir Adolf Hitler ≠ le calife de l’État islamique du Levant et du Couchant hitlérisant ses meutes. Je ne donne pas de leçon. Je ne vise ni l’embauche ni la débauche. Je fais juste ce que je fais. Aujourd’hui. Comme hier.