On la trouvait plutôt jolie, cette Sirima, assassinée depuis, accompagnant l’exil désespéré de son promis, en lui scandant « N’y va pas ». De génération en génération, les récits de réfugiés nourrissent parmi les plus beaux textes chantés. Parfois même des tubes populaires incontestés, qui auront pu briser un temps l’indifférence à l’égard des déracinés forcés. Les images de mômes apeurés aux portes de l’Europe aujourd’hui nous ramènent à notre histoire collective : à nos devoirs, à nos parcours, à nos miracles, à nos aventures, à ces tragédies. Ce 27 août 2015, parmi les naufragés, au milieu des cadavres et des pièces à conviction, la presse italienne nous rapporte qu’un policier aurait trouvé deux feuillets du texte d’une chanson écrite en mer  : « L’histoire tragique d’une jeune fille qui s’appelle Gazelle ». D’une « beauté sublime », avec « un petit tatouage sur le rein », elle « aime la vie malgré l’enfer où elle est tombée ». L’auteur n’a pas été identifié, il est mort en méditerranée entre la Tunisie et la Sicile le 15 août dernier, en tentant de remonter à l’air libre de la soute minuscule d’un bateau clandestin pour échapper aux fumées rejetées par le moteur. Il aura été roué de coups, ainsi que ses compagnons d’infortune, à chaque tentative. Qui d’autre écrira en s’engageant sur leurs abîmes, sur leurs drames, qui rendra hommage à cette détresse, à cette catastrophe qui a cours, ici, et maintenant ? Voici quelques extraits, pour mémoire, d’opus inscrits au patrimoine populaire de plusieurs genres musicaux, que nous avons entonnés par coeur ou non, que nous avons aimés ou non, peut-être même snobés à leur sortie, mais qui nous rappelleront peut-être à notre devoir d’humanité. Sur le sujet, il se dit que nous vivons une crise telle qu’il n’en s’est pas produite depuis la Seconde Guerre mondiale. Ami, entends-tu ?

 

Lily (Pierre Perret) 
On la trouvait plutôt jolie, Lily 
Elle arrivait des Somalies Lily 
Dans un bateau plein d’émigrés 
Qui venaient tous de leur plein gré 
Vider les poubelles à Paris 

 

 

La ballade des clandestins (Arthur H)
Tout près de rien, à côté de nulle part 
Suivant de près quelques traces qui s’effacent 
Les clandestins glissent vers la lumière 
A mourir pour mourir, autant mourir debout 

 

 

I pity the poor immigrants (Bob Dylan)
I pity the poor immigrant
Who tramples through the mud,
Who fills his mouth with laughing
And who builds his town with blood,
Whose visions in the final end
Must shatter like the glass.
I pity the poor immigrant
When his gladness comes to pass.

 

 

Europe fortress (Asian dub foundation)
This is a 21st century Exodus (x2)
Burnin’ up can we suvive re-entry
Past the landmines and cybernetic sentries
Plane, train, car, ferry boat or bus
The future is bleeding coming back at us

 

 

Là-bas (Jean-Jacques Goldmann)
J’aurai ma chance, j’aurai mes droits 
Et la fierté qu’ici je n’ai pas 
Tout ce que tu mérites est à  toi 
Ici, les autres imposent leur loi 

 

 

Les émigrants (Charles Aznavour)
Comment crois-tu qu’ils ont souffert?
Ils ont souffert, certains en décrivant l’enfer
Avec la plume ou le pinceau
Ça nous a valu Picasso

 

 

Face à la mer (Passi) 
Fils du C.O.N.G.O. cette haine j’ai au
M.I.C.R.O. j’ai l’ poids des mots
Sortir d’en bas, rêver de déchirer ce tableau
Fait d’armes, de larmes,
Fait de sang et sanglots.
Face à la mer
J’aurais dû grandir
Face contre terre
J’aurais pu mourir

 

 

Né quelque part (Maxime Le Forestier)
On choisit pas ses parents,
On choisit pas sa famille 
On choisit pas non plus 
Les trottoirs de Manille 
De Paris ou d’Alger 
Pour apprendre à marcher

 

 

Qu’est-ce qui leur fait ça? (Mc Janick) 
Maintenant ça fait plusieurs jours qu’il n’a pas dormi
Il porte les mêmes vêtements, les mêmes habits
De quel côté se tourner
Même les regards le fuient, c’est à se demander s’il est vraiment en vie 

 

 

Across the border (Bruce Springsteen)
For you l’Il build a house
High upon a grassy hill
Somewhere across the border
Where pain and memory
Pain and memory have been stilled
There across the border

 

 

Chanter pour ceux (Michel Berger)
Et cette petite fille qui joue 
Qui ne veut plus jamais sourire 
Et qui voit son père partout 
Qui s’est construit un empire 
Où qu’ils aillent 
Ils sont tristes à la fête 
Où qu’ils aillent 
Ils sont seuls dans leur tête 

 

 

Exodus (Edith Piaf)
Ils sont partis dans un soleil d’hiver
Ils sont partis courir la mer
Pour effacer la peur
Pour écraser la peur
Que la vie a clouée au fond du coeur

 

 

L’Aziza (Daniel Balavoine)
Ta couleur et tes mots, tout me va
Que tu vives ici ou là-bas
Danse avec moi
Si tu crois que ta vie est là
Ce n’est pas un problème pour moi

 

 

Ouvrez les forntières (Tiken Jah Fakoly) 
Ouvrez, ouvrez la lumière
Voyez on se connaît
On vit des journées entières sur la même planète
Cloués dans l’indifférence
Comme des chiens de faïence

 

 

Long is the road/Américain (Jean-Jacques Goldmann)
Dans sa pauvre valise, ses maigres affaires
Une histoire banale d’homme et de misère
Il tient dans sa chemise ses ultimes richesses
Ses deux bras courageux, sa rude jeunesse

 

 

Aller sans retour (Juliette)
Et quand je les vois passer dans nos rues
Etranges étrangers, humanité nue
Quoi qu’ils aient fuit
La faim, le fusil
Quoi qu’ils aient vendu
Je ne pense qu’à ce bout de couloir
Une valise posée en guise de mémoire…

 

 

Ya Rayah, Dahmane el Harrachi (Rachid Taha)
Ya msafer naatik oussaayti addiha el bakri
Chouf ma yeslah bik qbal ma tbia ou ma techri 
Ya nnayem djani khabrek ma sralek srali 
Hakdha rad wqeddar fell djbine sabhane El Aali 
(Oh voyageur, je te donne un conseil à suivre tout de suite
Vois ce qui est dans ton intérêt avant que tu ne vendes ou achètes
Oh dormeur, tes nouvelles me parvenaient
Et ce qui t’est arrivé m’est arrivé)

 

 

Chanson d’Exil, La passante du Sans-Souci (Talila)
Cet air yiddish, si doux, si lancinant 
Je l’ai joué sur mon violon d’enfant 
La mélodie qui a fait pleurer mes parents 
Parle d’exil, de la vie d’émigrant 
Il a suivi dans leur triste voyage 
Tous ceux chassés de pogroms en villages 
Qui s’enfuyaient de Varsovie, de Berlin, de Russie 
Pour venir vivre libre à Paris. 

 

 

Nabucco – Le choeur des esclaves hébreux (Verdi)
O simile di Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento, O t’ispiri il Signore un concento Che ne infonda al patire virtù ! 

 

7 Commentaires

  1. P.-S. n°0 : Concernant le bloc identitaire le plus violent de France, l’emploi du comparatif renvoie au principe de graduation et non d’opposition quant au registre y afférent, ici, celui de la violence.

  2. « Un Cocteau, des cocktails.
    — Un général, dégénérés.
    — La démultiplication photographique engendre un ralentissement de la personnalité.
    — Quant à la surexposition, elle provoque la saturation.
    — Les selfistes en raffolent, ils devraient être immunisés!
    — Oui, mais un Twittien ne tient pas à ce qu’on lui vole l’e-vedette. Et puis, il y a l’étique de l’étiquette. Vous comprenez… on ne va pas demander un selfie au gal Barzani sur le front anti-EI. Ça ne se fait pas.
    — Mais ce n’est pas un selfie!
    — Tâchez de comprendre, SVP…
    — Précisément, ce n’est pas un selfie. Et ce n’est pas un cocktail, bande de dégénérés! C’est un intellectuel, qui ne se déguise pas davantage alors qu’il part à la rencontre de ses alliés peshmergas que Raoni Metuktire ne ressent le besoin d’enfiler l’accoutrement d’une rock star aux côtés du leader de Police. Faites au moins preuve d’un peu de constance dans vos indignations, que diable!
    — Il faut élever le débat.
    — On n’élève rien, attaché à un roc d’une tonne tenant en équilibre au bord d’une falaise.
    — Commençons donc par nous détacher.
    — Là, c’est fait.
    — Eh bien, élevons… élevons…
    — Quoi?
    — Le débat, imbécile!
    — Suggérez-vous, en vue de cela, que nous nous rattachions? »

  3. En cette année où des Français musulmans ont planifié un nouvel attentat visant quelques-uns de leurs concitoyens auxquels ils avaient ôté toute forme de libre arbitre, et donc, de sens moral, des citoyens qu’ils jugeaient intrinsèquement coupables, et coupables d’un crime si terrible qu’ils méritaient, pour l’avoir accompli, une peine capitale collective, en ce centenaire du génocide arménien qui, à Paris, débuta par un rappel de Nuit de Cristal à travers quoi tous les horsins de la planète antisioniste se savent traqués en tant que juifs, traqués en bloc par le bloc identitaire le plus violent de France tout comme le furent ces Ashkénazes en noir et blanc que se refuse à oublier le philosophe de Béni Saf, lui qui eut la chance de naître en un point de la Terre où les Alliés avaient débarqué juste à temps pour que ses parents aient la possibilité de vivre et, entre autres actions bienfaitrices, lui donner la vie, en ce millénaire illisible dans l’esprit d’un 11 janvier hémiplégique ne voyant pas ce qui pourtant s’écrit noir sur blanc sous ses yeux, la présence des idées universalistes de celui que les chefs du Kurdistan appellent le général Lévy me remplit d’une émotion stridente et sans écho.

    • Ce message a été posté sur lexpress.fr, il y a environ 14 heures de cela, et modéré après quelques minutes. Je viens, à l’instant, d’en apprendre le motif : (pas assez) hors sujet.

    • P.-S. : Je suis la solution colorante où je plonge la bandelette réactive à laquelle vous vous frottez. Profitez-en. Avec moi, le dépistage est gratuit.

  4. Oh! Merci! Quelle merveilleuse idée de nous rappeler toutes ces chansons oubliées! On pourrait ajouter « C’est deja ca » d’A. Souchon et « Schengen » de Raphael.