Lundi 10 février au matin. Dans son émission « Le grand direct des médias », l’animateur Jean-Marc Morandini invite le paparazzo Pascal Rostain. Au micro d’Europe 1, le photographe, dans un style hyper caricatural dévoile ce qui serait un scoop : Barack Obama aurait une relation avec la chanteuse Beyoncé. « Vous savez, en ce moment, aux États-Unis, il y a quelque chose d’énorme qui est en train de se passer » a déclaré le célèbre paparazzo. « D’ailleurs, ça va sortir demain dans une édition du ‘Washington Post’ – on ne peut pas dire que ça soit de la presse de caniveau – sur une liaison supposée entre le président Barack Obama et Beyoncé. Je peux vous assurer que la presse du monde entier va évidemment en parler. » Une bombe médiatique. Pourtant, l’info n’est pas mise en avant sur le site d’Europe 1. Bizarre…

Lorsque Morandini, symbole de la télé-poubelle, sort un scoop international…

Avérée ou non, ce qui intéresse le plus n’est pas ici la véracité de la rumeur mais bien ce qu’elle implique, la façon dont elle est construite. Posons-nous les bonnes questions. Est-ce vraiment un hasard si la nouvelle d’une liaison entre l’homme le plus puissant du monde et la chanteuse la plus en vue du moment s’est d’abord faite entendre dans l’émission de Jean-Marc Morandini ? Peut-être pas… Car le présentateur radio et télé, plus sondeur des bas-fonds médiatiques que décrypteur patient du monde journalistique, pâtit d’une réputation peu glorieuse. Loin des micros, ceux qui ont jadis travaillé aux cotés de Jean-Marc Morandini brossent le portrait d’un homme jamais remis de son attrait pour la télé racoleuse, détestant la Culture, attiré par tout ce qui n’est pas intellectuel. Dans les coulisses du P.A.F., on raconte surtout Morandini touché par l’échec de sa dernière émission télé « #Morandini : télé, people, buzz », un programme diffusé par la chaîne NRJ12. Qu’était-ce donc ? En une formule : l’indécence faite télévision. Une émission à mi-chemin entre l’accident industriel et la vomissure télévisuelle ; le spectacle de diffuseurs hébétés par l’audimat donnant carte blanche à un ex paria de la télé pour squatter leur antenne. Arrêtée faute d’audiences satisfaisantes, l’émission en question ne tint pas un mois sur la chaîne de la TNT. Face à cet échec, l’animateur se devait donc de réagir. Ecouté par un public plus mature et jouissant sur Europe 1 d’une audience très satisfaisante, Morandini adopte en radio un ton très éloigné de ce qu’il fait en télé. Il s’agit là d’un poste en or, une quasi bouée de sauvetage alors que la critique n’épargne pas le présentateur.
Mais voilà. L’homme à ses obsessions. Parmi elles, le scoop parfois (souvent ?) à la limite de la décence. En invitant le paparazzo Rostain, l’homme médiatique tient son gros coup, un scoop plus fort que la révélation de la relation Hollande-Gayet. Obama, Beyoncé ? Ce sont deux idoles mondiales ! Envolée la France et son contexte morose. Voilà l’Amérique et sa démesure magnifique… Evidemment tout le monde en parle. Et tandis que les journalistes cherchent à vérifier la véracité de la rumeur, Jean-Marc Morandini va pouvoir conserver sa place au chaud dans les meilleures conditions (son contrat à Europe 1 court encore sur deux saisons).
Derrière la figure du présentateur symbole de la télé-poubelle des années 90, on assiste à l’émergence d’un second phénomène intéressant : le grand retour de la figure honnie du paparazzo. Mais pas par la petite porte, non ! Par la grande. En 2014, le paparazzo nous fait croire qu’il informe le peuple, qu’il nous révèle les scandales politiques, il nous apprend qu’Hollande couche avec Gayet et nous assure que cela est important, crucial, et que cela peut même avoir des conséquences sur la vie politique de notre pays. Le voleur d’images se régale. Il s’affiche désormais dans les musées (encore faudrait-il, au sein de la corporation, séparer le bon grain de l’ivraie).
Sur Europe 1, Rostain a fait le malin. Du coté de la station, on assure que rien n’était préparé.

Ce que l’on dit de la rumeur aux Etats-Unis…

Poursuivons. Pour tenter d’en savoir plus sur la construction de la rumeur Obama-Beyoncé, il faut contacter des personnes dans les cercles de pouvoir à Washington ou bien encore des journalistes français travaillant outre Atlantique. Les premiers, réveillés au petit matin par l’email urgent d’un journaliste désireux de vérifier ses informations, acceptent de témoigner mais « off the record ». Que disent-ils ? Qu’ils ne sont absolument pas au courant de ces rumeurs qui nous excitent, nous autres, en France mais qu’ils se rappellent, à la limite que Beyoncé Knowles et Barack Obama travaillèrent ensemble lors des campagnes démocrates voire qu’ils donnèrent l’impression d’entretenir une relation amicale. De là à voir la chanteuse de R’N’B en nouvelle Marylin, il y a  plus qu’un pas, un véritable gouffre, que les décideurs et autres conseillers politiques basés dans la ville d’House of Cards se refusent à franchir.
Du coté des correspondants de la presse française, on étudie l’évolution de la rumeur avec un mélange de méfiance mais aussi d’attention. Journaliste française basée à New-York, Margot Haddad suit la politique U.S. pour divers médias. Perplexe quant au bruit qui agite les rédactions: « C’est une rumeur qui court du côté français uniquement. Les médias américains se moquent de la presse française aujourd’hui. », Haddad explique le fonctionnement des médias U.S. face à la rumeur : « Les journalistes américains ont tendance à ne pas commenter les rumeurs. Ils préfèrent plutôt « sortir », d’un seul coup un fait soutenu par des preuves. »

La rumeur comme anticipation d’un spectacle désiré par le public

Les heures passent. Et tandis que la prochaine une du Washington Post devrait mettre un terme aux spéculations quant aux histoires de cœur du Président américain, la rumeur continue à gagner du terrain. De Twitter, elle gagne désormais Facebook et se propage tel un tsunami d’hypothèses. Impossible de l’arrêter. Puisqu’elle fut lancée à Paris, c’est bien dans la capitale française qu’il convient de revenir à l’heure de conclure ce papier. Observateur du monde des médias, journaliste, chroniqueur et twitter addict, David Abiker possède un avis tranché sur nos propres réactions à l’égard de la rumeur du jour. Il explique: « Nous autres français sommes plus prompts à commenter les rumeurs transatlantiques que celles qui viennent de chez nous. On prendra ainsi moins de précautions dans les médias institutionnels à commenter cette affaire qu’on en a pris pour l’affaire Hollande Gayet. Ensuite, il y a l’idée que Beyoncé est la chanteuse officielle du « régime », c’est elle qui a chanté pour l’investiture, de là à lui prêter une liaison avec Obama, il n’y a qu’un pas. Enfin, il y a depuis le départ, une envie diffuse de faire du mal à l’épouse de Barack Obama, Michelle. Parce qu’elle est femme, parce qu’elle est femme de caractère, parce qu’elle a de l’influence, il faut qu’elle le paie d’une façon ou d’une autre, alors la rumeur lui règle son compte. Au moment des cérémonies d’adieu à Mandela, l’opinion, toujours sur Internet, s’est amusée à anticiper une liaison par selfie interposé entre Obama et la première ministre du danoise. Les internautes ont adoré voir dans le regard de Michelle celui d’une femme jalouse, la renvoyant ainsi à un statut de victime ou de virago, c’est selon. »
Puis, au sujet de la rumeur comme projection de nos propres désirs voire de nos propres fantasmes, David Abiker poursuit : « La rumeur se nourrit toujours d’un spectacle qu’elle attend, qu’elle désire, comme une transgression qu’elle espère. Il est clair que l’idée d’une liaison entre une chanteuse et un président est comme l’affiche d’une finale idéale. OM-PSG, Hollande-Sarkozy. On transforme en rumeur ce que nous désirons secrètement. Il est clair qu’un Beyoncé Gate serait non seulement un scandale mondial mais également un scandale glamour, plus glamour encore que ce qui est arrivé à notre président. Pour finir : la rumeur, évidemment, se nourrit de secrets d’alcôve. Ce n’est pas la première fois qu’elle touche Obama qui plusieurs fois en a été la victime. Au début de son premier mandat, le Président avait dû justifier de sa nationalité américaine pour faire taire les racontars. Comme le pouvoir, la rumeur a quelque chose d’irrationnel. Les deux vont souvent de paire. »

2 Commentaires

  1. « #Morandini : télé, people, buzz » a été arrêtée trop rapidement selon lui alors que Delormeau sur la même chaîne est toujours à l’antenne malgré des audiences qui s’effondrent, surtout en période de JO. Il a eu le Gérard de l’accident industriel alors qu’il est persuadé que Sofia Aram le méritait. Sa nouvelle émission « Scandales » n’est toujours pas à l’antenne sur NRJ12. Son seul relatif « succès » à la télé c’est « Crimes » mais elle se fait critiquer dans les médias comme ici http://youtu.be/4Y6PaKM_Zfo. Malgré les critiques, ses émissions et son blog low costs continuent et lui rapportent. Son faux scoop lui fait un buzz mondial dont il pourra s’enorgueillir.

  2. Qui est coupable dans cette affaire, JM Morandini ou le paparazzo Pascal Rostain ?
    A mon avis Mr Rostain devrait rendre des comptes pour avoir lâché un supposé scoop sur l’ antenne d’ Europe1 et en direct .