« Au départ, au départ, un homme, une rose à la main »… la chanson d’Alex Beaupain avait accompagné l’an dernier les rassemblements de celles et ceux qui espéraient le changement.

Celle-ci n’avait pourtant rien d’un hymne militant puisqu’elle mettait en parallèle une liaison qui se termine et des espoirs déçus face à la gauche au pouvoir. Comme une prémonition. Comme un prélude aux désillusions que d’aucuns ressentent aujourd’hui, victimes de l’amour ou électeurs désappointés.

Dans le nouvel album du chanteur sorti ce lundi Après moi le déluge, les drapeaux roses et rouges ne l’amusent plus et les promesses de « grands soirs » se heurtent aux réalités des « petits matins ». Plus que jamais d’actualité donc.

Et pourtant, l’album d’Alex Beaupain n’est pas un album politique. Comme il l’a lui-même récemment dit dans Libération, il ne sait « écrire que des chansons d’amour ». Et quelles chansons d’amour !

Celles du film éponyme de Christophe Honoré inspiré de sa propre vie dont les mélodies sont devenues cultes pour toute une génération.

Celles des Bien-Aimés aussi, autre grand et beau film du même réalisateur où les mots précis et sensibles du chanteur accompagnaient les destins de femmes et d’hommes ne pensant qu’à vivre et à aimer quitte à souffrir.

Et enfin, celles de ses albums solos regorgeant de pépites encore trop souvent mal connues (Pas grand chose sur le deuil, A travers sur la bisexualité…).

Le dernier en date – comme le précédent Pourquoi battait mon cœur, du reste, – a reçu un accueil unanime des critiques et en particulier de ceux issus des journaux les plus exigeants et les plus branchés.

C’est mérité car il s’agit probablement du plus bel album de chanson française de ces dix dernières années.

Mais ce n’est pas forcément un service car, oui, Alex Beaupain écrit des textes marqués par une réelle intelligence des sentiments et compose des mélodies élégantes mais son album n’a rien d’inaccessible et les références qu’il assume sans fausse modestie (Etienne Daho, Barbara, Alain Souchon et… Julien Clerc dont on retrouve la patte dans la chanson Coule) sont toutes des icones populaires. Très loin de l’image « bobo » que quelques paresseux aimeraient lui coller donc.

Mélancoliques, souvent nostalgiques (Ca m’amuse plus, En quarantaine), parfois torturées (Je peux aimer pour deux, la plus belle chanson de l’album et aussi celle qui l’ouvre), les chansons d’Alex Beaupain parlent toutes plus ou moins d’amours compliquées, les plus intéressantes, de toute évidence, pour le poète qui, tel Brassens, un autre de ses modèles, semble penser qu’il n’y a pas d’amour heureux.

L’écoute de ce disque n’a pourtant rien d’une souffrance tant il parle au cœur et au cerveau et tant il provoque à chaque seconde une irrésistible attraction.

A défaut de publier le sien, Alex Beaupain a donc toutes les chances avec cet album mature et séduisant qui a la beauté de l’engagement sans ses limites d’entrer dans le patrimoine de la chanson française.

Car, contrairement à la gauche se frottant à la difficulté de concilier discours et actes, Alex Beaupain, depuis des années, tient toutes les promesses placées en lui.

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Sortie le 15 avril 2013