Depuis Freud, on sait un peu mieux que la notion même de sexualité est une aberration. Sauf à invoquer le nom de Dieu, jamais personne ne pourra la justifier. Alors de tous temps, les sociétés ont cherché à fixer le partage entre le licite et l’illicite, à encadrer les pratiques sexuelles en les inscrivant à la fois dans un cadre moral, religieux, légal. Aujourd’hui, ce cadre tendant à devenir scientifique du fait que la reproduction se disjoint de la conjugalité, le désarroi agite toutes les sociétés, aucune ne peut rester indifférente. De ce côté-ci de la Méditerranée, le « Mariage pour tous » place au cœur de ces enjeux sociaux l’homosexualité, puisqu’elle fait émerger la notion de couple de même sexe au cœur du mariage. Comment ce bouleversement se répercute-t-il d’un côté et l’autre côté de la Méditerranée, dans les communautés musulmanes ?

Deux remarques d’abord : Premièrement, la jouissance sexuelle pour un musulman est un don de Dieu, qui n’a aucun lien avec le péché originel ou l’impureté corporelle, et doit trouver son épanouissement dans le cadre du mariage d’un homme et d’une femme. Deuxièmement, l’activité sexuelle relève du registre de la sphère privée, elle ne doit pas être énoncée publiquement car l’homme ne doit de compte qu’à Dieu.

Il en résulte que les pratiques homosexuelles chez les jeunes hommes ont toujours été considérées comme transitoires, elles permettent de contourner l’interdit des relations sexuelles avec la femme avant le mariage. Lorsque le choix homosexuel est plus définitif, ces pratiques ne peuvent en aucun cas être corrélées à une identité de genre ni s’inscrire dans la sphère publique. Le Coran ne dit rien à ce propos selon les théologiens. En général, la société ferme les yeux sur un acte que la justice des hommes par le Code pénal criminalise, sanctionne dans la plupart des pays musulmans et parfois punit de mort.

Aujourd’hui, dans « l’après » des révolutions arabes qui ont largement libéralisé l’usage d’Internet, une communauté discrète de musulmans homosexuels a émergé et s’internationalise, fait rompre l’isolement mortel qui enferme.

La controverse est lancée dans la communauté musulmane par ceux qui ont osé s’arracher à la clandestinité. Plusieurs « quotidiens d’actualité » sur Internet relayent largement ces informations. Ainsi, en 2010, les deux seuls imams ouvertement gays, venus d’Amérique du Nord à Paris pour participer à une conférence internationale sur l’homosexualité, ont déclaré : « être homo et musulman est possible ». À la suite, au cours de l’année 2012, un imam a célébré un mariage gay dans la région parisienne – mariage qui s’est voulu œcuménique en réunissant des croyants des trois religions monothéistes, et avant-gardiste. Toujours en 2012, une femme imam s’est déplacée de la mosquée de Los Angeles à Paris et a marié deux femmes.

Le débat a été relevé par le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tarek Oubrou, théologien musulman en France. Dans une interview de mai 2010, elle aussi largement diffusée, il disait : « le fait de considérer un homosexuel musulman comme un apostat est une hérésie… Il concluait : « je ne veux pas que les homosexuels de confession musulmane désespèrent de leur religion… Je ne veux pas que ma religion soit stigmatisée, cataloguée parmi les religions homophobes dans le sens où elle fait la chasse aux homosexuels ». Tarek Oubrou vient d’être élevé au grade de chevalier de la légion d’honneur.

Au Maroc en 2007, l’écrivain Abdellah Taïa révélant son homosexualité, a fait la couverture du magazine francophone Telquel : « homosexuel envers et contre tout ». Il écrit dans une lettre à sa mère : « Il y a une nécessité dans ce pays de ne plus vivre l’hypocrisie qui mine le Maroc… L’histoire des sociétés passe par des minorités qui forcent les sociétés à aller de l’avant. C’est ce que j’essaye de dire dans ma lettre. Le combat est plus large que la défense des homosexuels… »

En Algérie, une fatwa récente promue par le Ministère des affaires religieuses, issue de la jurisprudence sunnite et reconnue licite par une fatwa de l’Organisation de la Conférence islamique de 2006, autorise en Algérie le zwadj misyare ou « mariage du voyageur » (à ne pas confondre avec el moutâa, mariage de jouissance des années du terrorisme). Ce mariage, ignoré par bon nombre d’algériens, dissocie la relation conjugale de l’idée de famille et de procréation, rendant licite les relations entre hommes et femmes.

Au Liban, la directrice de publication d’une grande revue libanaise ayant pour objectif de donner la parole aux citoyens afin qu’ils parlent de leur sexualité, de leurs impasses et de leurs contradictions, reçoit régulièrement des menaces de mort. Il n’est guère probable que puisse y être posée la question du mariage des homosexuels.

Conclure alors avec un vœu : il se pourrait que toutes ces sociétés musulmanes en profonde mutation s’éveillent un beau matin de leurs rhétoriques traditionnelles, et alors… il se pourrait qu’un autre Robert Badinter, cet immense ami de la vie, musulman, obtienne la dépénalisation de l’homosexualité en terre musulmane…


Yasmine Grasser avec la collaboration de Fouzia Liget et Mohamed Baraké.

2 Commentaires

  1. Mon Dieu faites que jamais une telle chose se produise les homosexuels ne doivent jamais se marier c’est contre nature la nature a organisé sa continuité depuis la nuit des temps par le biais de l’union d’un homme et d’une femme telle est la nature et personne ne pourra la bouleverser